Recevoir la newsletter

Coup de pouce à l'insertion en métropole

Article réservé aux abonnés

Association pionnière dans le soutien aux personnes originaires des départements d'outre-mer vivant en métropole, le Casodom a dû s'adapter à une demande d'aides croissante. Il cherche aujourd'hui de nouveaux moyens pour étendre son action et être au plus près d'un public souvent en situation de précarité et en quête d'identité.

« Faut-il vraiment faire quelque chose de spécifique pour les populations originaires des départements d'outre-mer ? » Cette question, Georges Dorion se l'est posée voici huit ans, lors de son arrivée à la présidence du Comité d'action sociale en faveur des originaires des départements d'outre- mer en métropole (Casodom) (1). Malgré les difficultés financières que traverse alors l'association créée au milieu des années 50 et pionnière dans l'accueil et l'aide aux publics originaires des départements d'outre-mer, la réponse ne fait aucun doute. « Il faut toujours avoir à l'esprit que les personnes que nous recevons sont des Français. Ils devraient donc pouvoir évoluer dans une situation qui ne soit pas très différente de celle de leurs homologues de l'Hexagone, estime le président. Ce n'est pourtant pas le cas dans la mesure où ils sont très éloignés de leur base. » Ce déracinement et les difficultés qui en découlent suffisent, selon ce responsable, à justifier l'existence du Casodom.

Priorité à l'aide matérielle

Si la mission n'a pas changé, le public accueilli a beaucoup évolué. Dans l'immédiate après-guerre, les quelques fonctionnaires et étudiants ont laissé progressivement la place à un flux important de personnes à la recherche d'un emploi en métropole. Aux particularismes de ces Français des Antilles, de la Guyane ou de la Réunion vivant dans l'Hexagone, s'ajoute souvent une grande précarité. Si le filet qu'a représenté le revenu minimum d'in- sertion  (RMI) a permis d'éviter une explosion des situations de détresse « il y a toujours aujourd'hui beaucoup de demandes d'aides financières et d'hébergement, constate Georges Dorion. Mais, la conjoncture aidant, et compte tenu de nos moyens actuels, ce ne sont que des interventions de dépannage. » Quant à l'aide administrative, elle constitue également un pan important de l'activité du service social.

L'assistante sociale accompagne les personnes dans leurs demandes d'allocations diverses, la rédaction de leurs courriers (aux créanciers, employeurs, etc.) et suit les transferts de dossiers pour les titulaires du RMI et les bénéficiaires des allocations familiales arrivant des départements d'outre-mer. A cette occasion, elle effectue souvent un travail de médiation afin de dépasser les blocages dus à la méconnaissance mutuelle et aux a priori « La question de la discrimination revient régulièrement dans les entretiens, reconnaît Maryline Rodrigues, assistante sociale. Il est vrai qu'on est parfois confronté à des réactions d'incompréhension de personnes se plaignant de certaines attitudes, par exemple celles des Antillais. Je dois donc quelquefois repositionner les choses avec des travailleurs sociaux et leur expliquer que cette façon de se présenter est caractéristique de cette population. »

Le public accueilli doit aussi faire face aux difficultés liées à des structures familiales marquées par des habitudes culturelles comme la mono- parentalité et la pluri-paternité. « Outre- mer, les gens se marient moins qu'en métropole et la mère qui a trois ou quatre enfants avec trois pères différents, ça existe encore », note Georges Dorion. Parmi l'écrasante majorité des femmes qui font appel aux services du comité, figurent ainsi de nombreuses mères seules avec enfants, confrontées à tous les problèmes éducatifs dus à l'absence de l'autorité paternelle. Le lancement depuis un an d'une activité Internet pour les enfants et leurs parents a permis parfois de renouer le dialogue et favoriser le rapprochement entre générations. Un service d'aide juridique offre également la possibilité au public de bénéficier des conseils d'un avocat, en particulier pour des questions de divorce, d'autorité parentale ou de droit de visite.

Nécessité d'un soutien psychologique

Mais les demandes d'aides matérielles dissimulent très souvent une recherche de soutien psychologique. D'où la nécessité d'un travail d'articulation avec la psychologue, pas toujours bien compris. « Une fois que j'ai orienté les personnes dans leurs démarches sociales et administratives, beaucoup d'entre elles reviennent me voir régulièrement et commencent à aborder d'autres sujets qui ne sont pas de mon ressort. Il est alors très difficile de leur faire accepter l'idée qu'elles ont peut-être besoin d'un suivi psychologique plus approfondi », confie Maryline Rodrigues. La peur du regard de l'autre, de la divulgation des propos à l'entourage, ou la culpabilisation face à un appel à l'aide ressenti comme un aveu de faiblesse constituent autant de freins au suivi psychologique.

Pour quelques personnes, l'importance du magico-religieux complique encore les choses. « Le thérapeute peut être vu par certains comme un sorcier. On lui confère ce rôle parce que l'on considère qu'il voit tout chez l'autre. Alors, j'accepte que la personne exprime ses croyances, mais sans jamais travailler dans ce contexte », explique la psychologue, Fernanda de Oliveira. Lorsque sont évoquées des pratiques d'envoûtement venant de la belle-famille par exemple, le travail d'interprétation est toujours adapté à l'histoire personnelle de l'intéressé. « Il va ainsi être capable d'entrevoir d'autres explications. »

Cette double culture met en évidence une transplantation vécue souvent de façon douloureuse. Pour les personnes originaires des départements d'outre-mer arrivées en métropole lorsqu'elles étaient enfants ou jeunes adultes, l'impossibilité de s'identifier à l'une ou à l'autre culture se traduit ainsi par des demandes régulières de retour. Pourtant, les départs effectifs restent relativement rares (une cinquantaine en 1999) et concernent des publics très démunis, souvent sans emploi, sans ressources et sans logement.

Verbaliser la souffrance

En fait, confrontées à des difficultés d'adaptation dans l'Hexagone, mais aussi fréquemment rejetées dans les départements d'outre-mer voisins pour avoir choisi de partir, les personnes qui poussent la porte du Casodom éprouvent surtout le besoin de verbaliser leur souffrance.

Un va-et-vient mythique et incessant entre les deux contrées devient alors indispensable à leur équilibre, défend Fernanda de Oliveira : « Elles peuvent s'adapter à la vie en métropole, mais elles ont besoin pour cela de toujours maintenir le lien avec le lieu des origines, qui, lorsqu'elles y retournent, n'est pas non plus celui dont elles rêvaient. » Il faut qu'il y ait ce mouvement entre « là-bas et ici » pour que ces publics, qui ne peuvent jamais se sentir bien dans l'un ou l'autre endroit, n'aient jamais à se dire « je suis ici pour toujours », ou « je n'irai plus jamais là-bas ». Les voyages organisés occasionnellement par le Casodom permettent d'ailleurs à des groupes d'enfants ou de personnes âgées de maintenir ce lien.

Une telle initiative est possible en raison du soutien de certains départements d'outre-mer, via leurs conseils généraux. En effet, en plus des partenariats traditionnels engagés avec d'autres services sociaux de la métropole (à l'instar de ceux des caisses d'allocations familiales, des collectivités locales, de la sécurité sociale, des hôpitaux, de la Cotorep, etc.), l'association compte sur ces liens affectifs et culturels pour assurer une partie de son fonctionnement et de son financement. « Toute la contribution qui vient des DOM est fondée sur le désir de ne pas lâcher des gens envers qui on se sent en partie responsable, souligne Georges Dorion. C'est un intérêt mutuel, car c'est un peu la même population qui évolue ici et là-bas et qui s'influence pour le meilleur, comme pour le pire. Par exemple, si des dérives se produisent chez les jeunes des Antilles, elles vont traverser l'Atlantique. Et c'est valable dans l'autre sens. »

Ce partenariat est particulièrement actif pour les nouveaux arrivants dont la situation nécessite une évaluation plus pointue des travailleurs sociaux des départements d'origine ou lors de la prise en charge de personnes venant se faire soigner en métropole : « On travaille avec les caisses de sécurité sociale des départements d'outre-mer qui nous signalent ceux qui ont besoin d'être hospitalisés assez longtemps. Dans ce cas, on va accueillir le malade et sa famille à l'aéroport, on les accompagne à l'hôpital ou dans leur lieu d'hébergement, dans leurs démarches administratives. Mais on leur apprend aussi des choses de la vie courante, comme prendre le métro ou acheter leur alimentation à côté de l'hôpital », explique Maryline Rodrigues.

Développer l'ancrage dans les régions

Reste que face à une population originaire des DOM (multipliée par 15 en l'espace de 35 ans) et faute de moyens financiers et humains suffisants (2), ces partenariats ne permettent pas de répondre de façon satisfaisante à l'ensemble des besoins du public.

Aujourd'hui, l'association veut étendre son champ d'action aux régions en développant ses relations avec les services sociaux concernés et en mettant en place des délégations dans les grandes villes abritant une importante population originaire des départements d'outre-mer. « Nous allons également examiner comment nous pouvons aller au- devant des besoins des populations, explique Georges Orion. Par exemple, nous allons réfléchir à des actions comme la possibilité d'envoyer les enfants en difficulté dans des organismes de vacances. »

Henri Cormier

UNE POPULATION FÉMININE ET PRÉCAIRE

En 1999, le Comité d'action sociale en faveur des originaires des départements d'outre-mer en métropole (Casodom) a accueilli un peu plus de 900 personnes, dont près de 90 % sont originaires des Antilles (la population réunionnaise disposant par ailleurs d'une autre structure). Un public à 70 % féminin et composé dans les mêmes proportions de célibataires. Parmi les femmes venues consulter un des services, plus de la moitié sont seules avec des enfants. A noter également la faible proportion de personnes issues de la deuxième génération, qui ne représente que 10 % du total. Enfin, on remarquera le « niveau de qualification et de formation souvent très bas (niveau primaire), limitant les possibilités d'emploi et de formation professionnelle ». Source : Rapport moral et d'activité générale du Casodom pour l'année 1999.

Notes

(1)  Casodom : 7 bis, rue du Louvre - 75001 Paris - Tél. 01 42 36 24 54.

(2)  L'association compte trois permanents et dispose d'un budget annuel d'environ 1 million de francs.

LES ACTEURS

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur