La couverture maladie universelle (CMU) est « une grande avancée sociale ». Sa mise en œuvre depuis un an « apparaît globalement satisfaisante. La CMU, ça marche », estime l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés, sanitaires et sociaux (Uniopss) (1). La « meilleure preuve » en est « la baisse très sensible de la fréquentation » des consultations des associations spécialisées dans les soins aux plus démunis (Médecins du monde, Médecins sans frontières, Remede...) au point qu'elles envisagent « de fermer certaines permanences ». En dressant un bilan de la première année de fonctionnement, l'union tient donc « à saluer » le « grand pas » accompli vers l'accès aux soins pour tous. Cependant, ajoute-t-elle aussitôt, des problèmes demeurent.
Tout d'abord, avec 4,8 millions de bénéficiaires (2), l'objectif des six millions de personnes couvertes n'est pas encore atteint, car « deux catégories manquent » encore : « ceux qui sont les plus proches du seuil, [...] encore mal informés [qui] pensent qu'ils n'y ont pas droit » et « les plus exclus, ceux qui ne font pas et ne feront pas la démarche à la caisse maladie ». Pour ces derniers, l'Uniopss demande que les caisses primaires « soient incitées à aller à leur devant, sur les lieux de l'exclusion », comme le font déjà certaines d'entre elles.
Autre problème, selon la fédération : « l'exclusion » des personnes titulaires de l'allocation aux adultes handicapés ou du minimum vieillesse, placées dans une situation « extrêmement précaire », notamment lorsqu'elles sont hébergées en établissement social et ne disposent que d'environ 350 F par mois. « Comment, avec une pareille somme, se payer une mutuelle ? », s'interroge l'organisation qui, avec le collectif Alerte, redemande « avec force » que « le seuil de la couverture maladie universelle complémentaire soit porté au niveau du seuil de pauvreté [3 800 F, au lieu de 3 600 F actuellement] avec ensuite une prise en charge dégressive des frais de mutualisation jusqu'au SMIC. »
Pour les étrangers en situation irrégulière, « l'aide médicale d'Etat [AME] ne fonctionne pas de manière satisfaisante », regrette aussi l'Uniopss. Comme les associations spécialisées l'ont déjà dénoncé à plusieurs reprises (3), la plupart des caisses maladie ont créé un seul lieu spécifique d'instruction des dossiers par département, ce qui dissuade bien des demandeurs, souvent sans moyen de transport. « Quand, en plus, comme c'est le cas dans la Seine-Saint-Denis, ce lieu se trouve dans les locaux de la préfecture, on atteint la caricature ! », souligne, dans un courrier adressé à la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), le directeur général de l'Uniopss, Hugues Feltesse. Pour mettre fin à ce « déni de droit », le gouvernement et la CNAM doivent convaincre toutes les caisses primaires d'instruire les dossiers, insiste la fédération. Elle rappelle aussi que la couverture maladie universelle doit être accordée le jour même de la demande, ce qui est loin d'être toujours le cas.
Autre difficulté : le refus de nombreux centres communaux d'action sociale (CCAS) de domicilier des personnes sans domicile fixe, qui se tournent alors souvent vers les associations. Or ces dernières n'ont pas toujours les moyens de le faire, notamment de rester ouvertes chaque jour tout au long de l'année. Certes, reconnaît l'Uniopss, les CCAS « ne disposent plus des crédits qu'ils avaient auparavant pour instruire les demandes d'aide médicale », mais cela ne leur donne pas pour autant la faculté de se soustraire à « ce qui est pour eux une obligation légale de service public ». Le président de l'Uniopss, Jean-Michel Bloch-Lainé, a écrit à son homologue de l'Union nationale des CCAS, Patrick Kanner, « pour trouver un remède » à ces blocages.
Enfin, gros problème commun à tous les bénéficiaires de la CMU : « la difficulté à trouver un dentiste pour se soigner », avec « de nombreux refus de soins ». Chacun, y compris les centres de santé associatifs (4), « s'accorde à reconnaître qu'il y a un problème pour les prothèses, les prix fixés ne permettant pas aux dentistes de rentrer dans leurs frais ». Pour la fédération « il apparaît donc urgent que le ministère reprenne avec la profession dentaire ses négociations pour faire aboutir une réforme de la nomenclature et des tarifs. La situation de blocage actuelle apparaît malsaine et [joue] au détriment des plus démunis ».
Autant de pistes d'améliorations possibles, auxquelles l'Uniopss ajoute, « pour une bonne application de la loi », la délivrance, aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle et de l'aide médicale d'Etat, « d'un titre banalisé, non discriminant, du même type que l'attestation jointe à la carte Vitale des assurés sociaux “ordinaires” ». Elle réclame également le paiement des professionnels de santé dans des délais raisonnables, surtout pour l'aide médicale d'Etat, et une meilleure formation des intervenants médicaux et sociaux à ce dispositif. Enfin, elle suggère l'attribution de la CMU à tout mineur, quelle que soit la situation de ses parents, et la création d'une commission de recours pour examiner les cas de mauvaise application de la loi.
M.-J.M.
(1) Uniopss : 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 - Tél. 01 53 36 35 00.
(2) Pour les chiffres officiels après neuf mois de fonctionnement, voir ASH n° 2197 du 12-01-01.
(3) Voir ASH n ° 2193 du 15-12-00.
(4) Voir ASH n° 2205 du 9 -03- 01.