Si la croissance économique a permis une réduction sensible du chômage, elle « laisse subsister un fort sous-emploi des personnes les moins qualifiées » qui, même en accédant à un emploi, n'échappent pas forcément à leur situation de pauvreté. C'est le constat fait par le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC), présidé par Jacques Delors (1), dans son premier rapport consacré au thème de l'accès à l'emploi et à la protection sociale des personnes les moins qualifiées (2) et rendu public le 27 février.
Selon le CERC, au-delà de l'impact bénéfique des politiques en cours sur la situation de ces chômeurs et « travailleurs pauvres » (allégements de charges, programme TRACE, plan d'aide au retour à l'emploi...), accentué par une croissance soutenue, « un effort particulier devra être apporté pour résorber le très fort sous-emploi des personnes peu qualifiées ».
La mise en place d'un « chèque éducation »
Tout d'abord, il apparaît nécessaire au CERC de redéployer les efforts de formation permanente des entreprises vers les « salariés sur contrats précaires » ou d'un faible niveau de formation initiale. Selon lui, les travailleurs en bas de la hiérarchie doivent également se voir offrir des possibilités de carrière ou les moyens de passer à un emploi « plus stable et plus intéressant ». Dans cette optique, et là où le Plan préconise la création d'une allocation de formation (3), le conseil propose la mise en place d'un « chèque éducation » ou « crédit éducation » pour tous les jeunes sortant ou étant sortis du système éducatif sans diplôme, ou bien seulement avec le CAP ou le BEPC. Il garantirait l'équivalent d'un an de formation assorti d'un revenu de remplacement, et « pourrait être associé à une démarche d'insertion professionnelle ou bien s'ajouter, pour chaque intéressé, à un moment ou un autre de sa vie professionnelle, aux autres possibilités » de formation prévues par la loi. Dans l'attente d'une réforme plus profonde de la formation permanente, ce chèque éducation « corrigerait l'une des inégalités les plus flagrantes de notre système actuel et inciterait les éventuels bénéficiaires à prendre en mains leur avenir professionnel », explique le document.
Une allocation pérenne pour les plus pauvres
Par ailleurs, pour le CERC, « la cohérence d'ensemble des transferts et prélèvements sociaux doit être améliorée pour les personnes disposant de revenus faibles », afin non seulement de « satisfaire un objectif de justice sociale » mais également de « renforcer l'incitation à rechercher un emploi ». Si de nombreuses mesures ont déjà été prises dans ce sens, elles sont toutefois incomplètes, note le conseil. Selon lui, il faudrait notamment arriver à une « meilleure prise en charge du coût de l'enfant pour les familles les plus modestes ainsi que des dépenses liées à l'occupation d'un emploi ». En outre, il conviendrait d'examiner la mise en place d'un dispositif de soutien aux bas revenus. Aussi, invite-t-il le gouvernement et les administrations compétentes à étudier la création d'une allocation pérenne destinée aux individus et aux ménages les plus pauvres, « même lorsqu'ils accèdent à un emploi ou en ont déjà un ». Cette allocation serait, comme la prime pour l'emploi (PPE) présentée dernièrement par le gouvernement (4), réservée aux personnes dont les revenus d'activité sont supérieurs à 0,3 SMIC. Mais elle serait concentrée sur les 30 % de ménages les plus pauvres alors que, critique le CERC, la PPE « ne concerne que marginalement les travailleurs pauvres ». L'allocation permettrait également d'éviter le risque de désincitation du travail à temps plein au profit d'un travail à temps plus réduit, son montant étant maintenu entre le mi-temps et 0,8 temps plein payés au SMIC.
Enfin, le CERC demande que les actions d'accompagnement vers l'emploi pour les personnes les moins qualifiées soient renforcées et bénéficient à l'ensemble des personnes à la recherche d'emploi, qu'il s'agisse de celles prises en charge par le régime d'assurance chômage dans le cadre du PARE ou de celles relevant du régime de solidarité ou encore des titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI). Dans ce sens, il préconise notamment un réexamen d'ensemble de ces trois dispositifs d'indemnisation et, en particulier, un rapprochement des titulaires du RMI des services de l'emploi. « Si une plus large fraction de la population des chômeurs était prise en charge dans les dispositifs d'indemnisation chômage et gérée par un dispositif comparable à celui en cours de mise en place dans le PARE, il serait alors possible de mieux tenir compte des autres modes d'inclusion sociale pour ceux des allocataires du RMI qui ne peuvent directement se réinsérer par le travail », insiste le conseil. S.V.
(1) Voir ASH n° 2162 du 14-04-00.
(2) Accès à l'emploi et protection sociale - CERC - Rapport n° 1 - La Documentation française, 29/31, quai Voltaire - 75344 Paris cedex 07 - Tél. 01 40 15 70 00 - 70 F (10,67 euros).
(3) Voir ce numéro.
(4) Voir ASH n° 2198 du 19-01-01.