Il est urgent de revaloriser les métiers de la petite enfance et de les adapter aux nouvelles demandes des familles. Le psychanalyste Didier-Luc Chaplain et l'ancienne infirmière puéricultrice Marie-France Custos-Lucidi prennent ici le parti de convaincre les professionnelles, les pouvoirs publics et les institutions de rompre avec des préjugés aliénant pour ces femmes. En effet, les métiers d'assistantes maternelles ou d'auxiliaires de puériculture sont encore considérés comme des « prolongements de fonctions maternelles naturelles ». Du coup, ces professionnelles ne bénéficient ni de formations ni de salaires décents. Ce manque de reconnaissance, profondément ressenti, les amènerait non seulement à changer souvent de poste et à s'absenter, mais aussi, selon les auteurs, à entrer en conflit avec les familles, voire avec les enfants. En outre, depuis dix ans, le fossé ne ferait que se creuser entre elles et les parents. Alors que ces derniers pratiqueraient de plus en plus l'éducation conjointe homme-femme, et exigeraient un développement de l'autonomie de l'enfant, elles continueraient de répondre par une valorisation de la relation mère-enfant et un rapport d'autorité, voire de dépendance avec les tout-petits. Bref, soutiennent les deux praticiens, il faut aider ces femmes à quitter leur statut de « spécialistes » de l'enfant pour devenir « des intervenants sociaux de la famille et de l'accueil ».
Ils appellent donc les pouvoirs publics à revaloriser ces métiers, en les définissant mieux et en leur donnant des règles et des codes éthiques. Suggérant, en particulier, que la formation s'ouvre davantage à l'esprit critique et permette aux professionnelles de cultiver le soutien à la parentalité en lien avec l'environnement social de l'enfant (fratrie, famille élargie, autres travailleurs sociaux). Mais encore faut-il que celles-ci renoncent à la toute-puissance de « celles qui savent mieux que tous ce qui est bon pour l'enfant », avertissent les auteurs. Et d'inviter ces femmes à mieux accueillir les pères et les professionnels masculins qui font irruption depuis quelques années dans les crèches, afin de sortir définitivement d'un « monde imaginaire où il n'y aurait que des mères et des enfants ». Si le propos est sans doute radical, voire exagéré à l'égard de professionnelles qui ont su, pour certaines, largement évoluer, il aborde une réalité encore trop occultée : la difficulté à voir dans les métiers de la petite enfance un réel travail d'accompagnement et de prévention. P.D.
Les métiers de la petite enfance - Des professions en quête d'identité - Didier-Luc Chaplain et Marie-France Custos-Lucidi - Ed. Syros - 92 F (14,03 €).