L'article 29 de la loi Aubry II est applicable aux litiges sur la rémunération des heures en chambre de veille effectuées dans les établissements sociaux et médico-sociaux, et faisant l'objet d'une procédure judiciaire au 1er février 2000. C'est ce qu'a décidé, le 8 janvier 2001, la cour d'appel de Limoges. Quelques semaines auparavant, celle de Paris a adopté une solution identique. Pourtant, à l'instar des juges de Versailles (1), elle avait en juin dernier déclaré cet article contraire à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme et de sauvegarde des libertés fondamentales, en tant qu'il prive les intéressés du droit à un procès équitable (2).
Pour mémoire, la disposition incriminée valide, pour le passé, les rémunérations des heures passées en chambre de veille, sous réserve de décisions de justice devenues définitives. Elle vise à contrecarrer la jurisprudence de la Cour de cassation du 29 juin 1999 (3) qui a remis en cause les régimes d'équivalence instaurés par les conventions collectives de 1951 et 1966 (assimilation des neuf premières heures de permanence à trois heures de travail éducatif et de chacune des trois suivantes à une demi-heure de travail éducatif).
Pour la cour de Limoges, l'objectif du législateur est simplement de limiter la portée de l'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 1999, « et non de dicter aux juges la solution d'un litige ». En conséquence, selon elle, son intervention n'est pas « critiquable au regard de l'article 6-1 » du texte européen et « l'application de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 ne peut être écartée ».
La cour de Paris, par des motifs quelque peu différents, a abouti à la même solution. Elle a en effet estimé que l'article 6-1 de la convention européenne n'interdit pas « au pouvoir législatif de réglementer en matière civile, par de nouvelles dispositions à portée rétroactive, des droits découlant de lois en vigueur et le cas échéant de s'ingérer ainsi [...]dans l'administration de la justice » pour « d'impérieux motifs d'intérêt général », la notion d'intérêt général devant être laissée à sa seule appréciation.
A noter que, dans les deux cas, les salariés qui avaient obtenu des rappels de salaires devant le conseil des prud'hommes sont condamnés à rembourser ces sommes à leurs employeurs.
Pour le Syndicat national des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (Snapei), ces arrêts démontrent « l'intérêt pour les associations d'attendre qu'une décision soit devenue définitive, que toutes les voies de recours soient épuisées, avant de s'engager à une quelconque exécution, telle que celle de rémunérer heure pour heure les personnels éducatifs amenés à assurer des nuits en chambre de veille ».
(1) Voir ASH n° 2169 du 2-06-00.
(2) Voir ASH n° 2175 du 14-07-00.
(3) Voir ASH n° 2127 du 9-07-99.