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...Dinah Derycke, sur l'action publique face à la prostitution

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La délégation aux droits des femmes du Sénat consacre l'essentiel de son premier rapport d'activité à la prostitution (1). Et demande une véritable politique publique, comme l'explique sa présidente, Dinah Derycke, sénatrice du Nord.

Pourquoi avoir consacré vos premiers travaux à un sujet que vous qualifiez vous-même de « politiquement peu porteur »  ?

La prostitution touche directement au rapport hommes-femmes dans nos sociétés, au problème de l'égalité, ou plutôt de l'inégalité des sexes. Certes, les femmes ne sont pas les seules à se prostituer, mais elles restent largement majoritaires, tandis que clients, proxénètes et trafiquants appartiennent à l'univers masculin dans une écrasante proportion. Nous savions le sujet compliqué et « idéologique », nous en sommes encore plus persuadés après les auditions auxquelles nous avons procédé. Nous avons donc abordé la question sur un terrain très concret, pour vérifier si les politiques que la France met en œuvre sont conformes à la position abolitionniste qu'elle a prise en 1960 en adoptant la convention de l'ONU de 1949.

Vous constatez des « manques » dans l'action et une absence de volonté politique...

Il est clair que ce n'est pas une priorité ! Les ordonnances de 1960 ont prévu la mise en place dans chaque département d'un service de prévention et de réadaptation sociale. Il n'en existe que cinq aujourd'hui, gérés par des associations. D'une manière générale, l'Etat s'est défaussé de ses tâches de prévention et de réinsertion sur le milieu associatif, tout en lui accordant chichement ses subsides. Nous souhaitons qu'il prenne enfin ses responsabilités, et d'abord pour agir là où il n'y a pas d'association. De manière directe ou conventionnelle, l'Etat doit être partout un « acteur social » de la politique de lutte contre la prostitution. En signe de volonté politique, il pourrait commencer par exhumer les commissions départementales réunissant pouvoirs publics et associations, prévues par la circulaire du 25 août 1970 pour donner plus de cohérence à l'action sur le terrain.

Vous mettez l'accent sur les « points faibles » de la prévention et de la réinsertion.

Il faut d'abord agir, au plan général, sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, et accentuer l'information, notamment des jeunes, dans le cadre scolaire. Il faut aussi améliorer la formation des travailleurs sociaux et des agents de la police et de la justice chargés d'appliquer la réglementation. Tout doit être fait ensuite pour aider à quitter la prostitution. Le nombre de foyers spécifiques doit être augmenté. Les personnes doivent bénéficier

- sans délai

- des minima sociaux, d'un logement et d'une formation adaptée. Nous proposons aussi la mise en place d'un numéro vert et un moratoire systématique des poursuites fiscales. Notre rapport d'étape ne tranche pas sur le problème difficile de l'imposition des revenus de la prostitution, mais demande qu'on le mette sérieusement à l'étude, en cessant de considérer la prostitution, et le proxénétisme, comme une profession.

Sur ce point, les tenants d'une réglementation ou d'une « libéralisation » intégrale de la prostitution progressent aux plans européen et international...

 Nous nous appuyons sur la position abolitionniste de la France, qui a une bonne législation, mais ne se donne pas les moyens de l'appliquer. Nous demandons un renforcement des moyens de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains, notoirement sous-doté par rapport à ses homologues de la lutte contre la drogue ou le terrorisme. Nous proposons également la création d'un observatoire de la prostitution car, pour adopter une stratégie à son égard, il faut la connaître. Nous voulons enfin réfléchir aux « pourtours » de la prostitution et à la question, jamais posée, du client. Il bénéficie d'une sorte d' indulgence consensuelle de la société à laquelle il est temps de mettre fin. La prostitution n'est ni un métier, ni un « mal nécessaire ». C'est une intolérable atteinte à la dignité humaine, une violence faite à ses victimes.

Propos recueillis par Marie-Jo Maerel

Notes

(1)  Rendu public le 8 février - « Les politiques publiques et la prostitution »  - Les Rapports du Sénat n° 209 - 55 F - Disp. à la librairie du Sénat : 20, rue de Vaugirard - 75291 Paris cedex 06 - Tél. 01 42 34 21 21 ou sur le site Internet: www.senat.fr.

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