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La loi d'orientation pour l'outre-mer

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La loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 poursuit deux objectifs prioritaires : l'égalité sociale avec la métropole et la lutte contre le chômage. Elle renforce donc les dispositifs d'insertion existants et instaure de nouvelles mesures destinées plus spécialement aux jeunes.

La loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 met en œuvre un cadre spécifique et adapté aux particularités de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de la Réunion (1) pour assurer l'égalité sociale avec la métropole et inscrire les habitants dans un processus de retour à l'emploi.

Dans le cadre de la lutte contre l'exclusion, une série de dispositions sont ainsi prises en faveur de l'insertion. En particulier, la loi tente de rendre plus efficace le dispositifdu revenu minimum d'insertion (RMI) et instaure une« allocation de retour à l'activité » pour les titulaires de certains minima sociaux.

Par ailleurs, pour combattre le chômage des jeunes, des dispositifs adaptés à la structure particulière du marché du travail sont mis en place, notamment pour soutenir leurs projets professionnels(« projet initiative-jeune »),favoriser leur embauche par des départs en préretraite de salariés plus âgés(« congé-solidarité »)ou encore développer les formations en alternance.

Fruit « d'une longue concertation avec les élus et les acteurs économiques et sociaux des départements d'outre-mer », ces mesures s'inspirent, entre autres, du rapport de Bertrand Fragonard, remis en 1999, sur les politiques de l'emploi et de la lutte contre le chômage et l'exclusion (2). De même, la création d'un titre de travail simplifié, remplaçant le chèque emploi-service, est destinée à « faire émerger, dans des formes légales, l'ensemble du travail occasionnel actuel et à favoriser son développement, qu'il s'agisse d'emploi familial, d'emploi salarié de courte durée en entreprise ou d'emploi saisonnier » (Avis Sén. n° 403, juin 2000,Lorrain).

Le volet institutionnel, présenté rapidement dans le cadre de ce dossier (voir encadré), s'est nourri également du bilan de la départementalisation et de la décentralisation outre-mer dressé par les parlementaires Claude Lise et Michel Tamaya (3). Le Conseil constitutionnel a validé la quasi-totalité des dispositions remises en cause par des députés et sénateurs de l'opposition, notamment la possibilité pour les élus départementaux et régionaux des départements français d'Amérique de se réunir en congrès pour débattre et proposer des évolutions statutaires.

L'égalité sociale et la lutte contre l'exclusion

Au titre des dispositions en faveur de l'insertion, la réglementation relative au RMI est en partie révisée et une allocation est instituée pour faciliter la réinsertion sur le marché du travail des allocataires de minima sociaux.

Deux autres mesures concernent le rattrapage du montant de l'allocation de parent isolé par rapport à celui versé en métropole et les allocations de logement.

Les mesures en faveur de l'insertion

LES DISPOSITIONS RELATIVES AU RMI

La loi du 13 décembre 2000 programme un alignement progressif du montant du RMI sur celui de la métropole,prévoit un revenu de solidarité pour les allocataires les plus âgés et, enfin, renforce le contrôle de l'insertion.

L'alignement du montant du RMI (art.23)

Il est prévu un alignement du revenu minimum d'insertion(inférieur de 20 %) sur celui fixé en métropole sur une période maximale de3 ans.

Le gouvernement a d'ores et déjà décidé un rattrapage en deux étapes. Depuis le 1er janvier 2001, le RMI atteint 87 % de celui versé en métropole, soit 2 269,40 F(345,97 €) pour une personne seule(contre 2 041,88 F) (4).L'alignement sera complet au 1er janvier 2002.

Le revenu de solidarité (art. 27)

Un revenu de solidarité est institué au profit des titulaires du RMI, âgés d'au moins 50 ans,qui s'engagent à quitter définitivement le marché du travail et de l'insertion après avoir été depuis 2 ans au moins au RMI (art.42-14 nouveau de la loi du 1er décembre 1988).

Ce revenu, mis en place par convention entre l'Etat et le conseil général à compter du 1er janvier 2001, sera versé à un seul membre du foyer jusqu'à ce que l'intéressé bénéficie d'une retraite à taux plein, et, au plus tard, à 65 ans. Son montant sera fixé par voie réglementaire.

L'Etat et le conseil général le financeront. Le premier à hauteur de l'allocation moyenne versée au titre du RMI dans les DOM, le second, pour le complément,sur les crédits départementaux d'insertion.

Les modalités d'application seront, « en tant que de besoin », précisées par décret.

Plan du dossier

Dans ce numéro :

• L'égalité sociale et la lutte contre l'exclusion

- Les mesures en faveur de l'insertion

- Les autres mesures sociales

Dans un prochain numéro :

• L'emploi des jeunes

Le renforcement du contrôle de l'insertion (art. 25)

La loi clarifie la répartition des rôles s'agissant de la gestion du RMI et du dispositif d'insertion. Dans cette perspective, les commissions locales d'insertion sont supprimées et leurs compétences transférées aux agences d'insertion, ainsi chargées de l'élaboration du programme local et du programme individuel d'insertion. Les modalités de contrôle des allocataires ainsi que les possibilités de suspension de l'allocation par le préfet sont adaptées.

Au final, le dispositif est restructuré autour de trois acteurs : la caisse d'allocations familiales pour le contrôle ; l'agence d'insertion pour l'insertion ;le représentant de l'Etat pour les sanctions. Il s'agit de tenir compte des carences du système, déjà soulignées par le rapport Fragonard : la faible implication des centres communaux d'action sociale et le manque de mobilisation et de concertation des services publics concernés ; l'insuffisance du signalement des situations irrégulières par les services sociaux et les maires et l'effacement des commissions locales d'insertion qui conduisent le RMI à devenir une allocation d'assistance ; enfin, le fait notoire qu'une partie importante des allocataires exercent une ou plusieurs activités non déclarées.

Les nouvelles missions des agences d'insertion

Les compétences des commissions locales d'insertion sont transférées aux agences d'insertion. Ainsi,désormais, ces dernières sont chargées de :

• la signature des contrats d'insertion, par le directeur de l'agence ou son représentant par délégation, y compris dans les services publics ou organismes conventionnés à cet effet. L'agence suit la mise en œuvre de ces contrats.Elle peut à cet effet conventionner des organismes investis d'une mission de service public ou à but non lucratif ;

• l'élaboration du programme d'insertion, en partenariat avec la commune ou le groupement de communes concerné, en cohérence avec le plan départemental d'insertion. Les représentants du système éducatif et de structures (entreprises,organismes ou associations) intervenant dans le domaine économique et social ou celui de la formation, dans le ressort territorial du programme, peuvent être associés à son élaboration.

Le programme local doit cependant être approuvé par le conseil municipal (ou l'organe délibérant de la structure intercommunale) et signé par le maire(ou le président de ce groupement de communes) et le directeur de l'agence d'insertion.

Le circuit de traitement des dossiers

Comme en métropole, la demande d'allocation devait dans les DOM être faite, jusqu'à présent,auprès du centre communal ou intercommunal d'action sociale,du service départemental d'action sociale ou auprès des associations ou organismes à but non lucratif agréés à cet effet par le préfet. Par dérogation à cette disposition, elle doit être désormais déposée soit auprès de la caisse d'allocations familiales (CAF), soit auprès d'unorganisme sans but lucratif agréé par le préfet.

De même, l'instruction administrative et sociale du dossier, qui relevait du même intervenant - l'organisme devant lequel la demande avait été déposée - est confiée à présent à deux structures différentes. Ce qui n'est pas le cas en métropole. C'est ainsi que la CAF ou l'organisme agréé est chargé de l'instruction administrative du dossier, tandis que l'instruction sociale est effectuée par l'agence d'insertion qui assure en outre la responsabilité du contrat d'insertion et le suivi de sa mise en œuvre.

A noter : la loi du 13 décembre 2000 prévoit, dès le dépôt de la demande, une information de l'allocataire par la CAF (ou l'organisme agréé) sur ses obligations, les conditions de suspension et de radiation du RMI et les éventuelles sanctions pénales.

Deux nouveaux cas de suspension du RMI

Des modalités supplémentaires de suspension du versement du RMI viennent s'ajouter à celles déjà prévues par la loi du 1erdécembre 1988 relative au RMI (art. 42-13 nouveau).

Deux nouveaux cas de suspension sont prévus :

• lorsque l'intéressé ne s'engage pas dans la démarche de l'insertion, notamment en vue de signer le contrat d'insertion (ou son renouvellement), ou ne s'engage pas dans sa mise en œuvre. L'absence à deux convocations consécutives sans motif grave entraîne la suspension ;

• lorsqu'il apparaît que lesrevenus déclarés sont inexacts ou que l'intéressé exerce une activité professionnelle.

L'allocataire est convoqué par le représentant de l'Etat pour un entretien, dans un délai maximum de 2 mois à compter de la suspension. Celui-ci peut soit lever la suspension, soit la maintenir, soit mettre fin au droit au versement de l'allocation.

La suspension est levée lorsqu'un contrat d'insertion est effectivement mis en œuvre.

LA CRÉATION D'UNE ALLOCATION DE RETOUR À L'ACTIVITÉ (art. 28)

L'article L. 832-9 nouveau du code du travail instaure une nouvelle allocation dite de retour à l'emploi (ARA),spécifique aux DOM. Elle est destinée à inciter les allocataires de minima sociaux à reprendre une activité professionnelle salariée ou indépendante. Il s'agit d'un complément de revenu, dont les modalités d'application doivent être précisées par voie réglementaire.

Les bénéficiaires

L'allocation de retour à l'activité s'adresse aux titulaires du revenu minimum d'insertion, de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation de veuvage ou de l'allocation de parent isolé.

En contrepartie, ils doivent soit créer ou reprendre une entreprise, soit exercer une activité au domicile de particuliers, dans une association ou une entreprise.

Les modalités de versement

La durée de versement, les modalités et le montant de l'ARA seront définis par décret. L'allocation,payée par l'Etat, évoluera comme le RMI en métropole. Sa gestion sera confiée à la caisse générale de sécurité sociale.

Une durée d'allocation de 2 ans et un montant de 1 500 F sont envisagés. L'ARA se veut incitative en garantissant un niveau de revenu suffisant pour être plus attractive que le travail non déclaré. Son cumul avec le SMIC devrait aboutir à un montant supérieur au RMI.

Par ailleurs, l'accès à cette allocation met fin au versement du RMI, de l'allocation de solidarité spécifique ou de l'allocation de parent isolé.

La suppression de la prime d'éloignement

Jusqu'à présent, les fonctionnaires de l'Etat affectés dans les départements d'outre-mer bénéficiaient, sous certaines conditions, d'une prime d'éloignement instaurée à l'origine en raison des difficultés liées à la longueur des voyages et aux conditions de vie matérielles dans les années 50. Les députés ont estimé que cette indemnité ne se justifiait plus aujourd'hui. Ainsi,selon l'article 26 de la loi, un décret la supprimant sera pris d'ici au 13 mars 2001 (soit dans les 3 mois suivant la promulgation de la loi).

Les règles de cumul

L'allocation n'est pas cumulable avec une autre aide à l'emploi, à l'exception :

• des exonérations de cotisations patronales en cas d'embauche en contrat de travail ordinaire ;

• des contrats d'accès à l'emploi ;

• des aides à la création ou à la reprise d'entreprise prévues par l'article L.351-24 du code du travail ;

• des aides liées au calcul forfaitaire des cotisations sociales pour le titre de travail simplifié.

Les autres mesures sociales

L'ALIGNEMENT DU MONTANT DE L'API SUR CELUI DE LA MÉTROPOLE (art.29)

La loi prévoit un rattrapage du montant de l'allocation de parent isolé (API) sur celui de la métropole(il était inférieur de 43 %). Cet alignement doit se faire progressivement sur 7 ans.

En 2001, une première revalorisation porte les taux à 93,68 % de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF) (contre 84,30 %) pour une femme enceinte et à 31,23 % (contre 28,11 %) par enfant à charge, selon un décret en cours de signature. Depuis le 1er janvier, les montants s'élèvent donc respectivement à 2 058 F (313,74 €) (5) et à 686 F (104,58 €), indique d'ores et déjà l'administration (circulaire DSS/DGAS n° 2001-46 du 24 janvier 2001, à paraître au B.O.M.E.S.).

De même, le forfait logement (déduit de l'API lorsque l'allocataire bénéficie d'une aide ou n'a aucune dépense pour se loger), également fixé en pourcentage de la BMAF, est majoré. Depuis le 1er janvier 2001, les montants atteignent187,35 F (28,56 €) pour une femme enceinte (8,53 % de la BMAF contre 7,68 %),375,14 F (57,19 €) pour un enfant (17,08 % de la BMAF contre 15,37 %) et464,31 F (70,78 €)(21,14 % de la BMAF contre 19,03 %) pour deux enfants ou plus.

Selon les travaux parlementaires, le rattrapage avec la métropole devrait se traduire, la septième année, par un versement d'un montant supplémentaire de 1 880 F. « 12 000 personnes, en grande majorité des femmes, bénéficieront ainsi d'un revenu amélioré » (Avis A.N.n° 2356, mai 2000, Tamaya).

Pour mémoire, la parité entre DOM et métropole existe déjà pour les allocations familiales, l'allocation de soutien familial, la prime de déménagement, l'allocation pour garde d'enfant à domicile, l'allocation pour jeune enfant et l'allocation parentale d'éducation.

L'ALLOCATION DE LOGEMENT (art. 30)

La loi d'orientation sur l'outre-mer poursuit la réduction des catégories de loyers-plafonds en matière d'allocation de logement en secteur locatif(familiale et sociale). Elle ouvre également l'allocation de logement familiale aux personnels du secteur public.

L'unification des barèmes de l'allocation de logement dans le secteur locatif

Après la suppression, en 199 9 et en 2000, de catégories de loyers- plafonds correspondant à des locaux construits avant 1986 (6), les deux barèmes restants (selon la construction des locaux avant ou après le 1er juillet 1995) doivent être unifiés d'ici au 1er juillet 2001. Les moda- lités - peut-être en deux étapes - en seront précisées par arrêté interministériel.

Ainsi, une égalité de traitement entre locataires sera rétablie dans les DOM à situation familiale,niveau de loyer et ressources financières identiques.

L'extension de l'allocation de logement familiale aux personnels du secteur public

La loi du 13 décembre 2000 étend l'allocation de logement familiale aux personnels de l'Etat, des collectivités locales et de la fonction publique hospitalière (art. L. 755-10-1 nouveau du code de la sécurité sociale). Le versement se fait dans les conditions de droit commun dans les DOM.

L'extension du bénéfice de cette allocation devrait concerner un nombre limité de personnes,essentiellement des retraités, eu égard au critère de ressources minimales. Elle devrait être mise en œuvre par voie de circulaire, comme c'est le cas pour les autres prestations sociales de la fonction publique (Avis Sén. n° 403, juin 2000, Lorrain).

Pour mémoire, l'allocation de logement sociale peut déjà être versée aux personnels des collectivités publiques.

À SUIVRE...

Le volet institutionnel

La loi du 13 décembre 2000 reconnaît aux départements d'outre-mer le droit à une évolution statutaire différenciée. En Guadeloupe, Martinique et Guyane, les assemblées régionale et du conseil général pourront se réunir en congrès pour débattre d'éventuelles avancées institutionnelles ou de transferts de compétence. Toutefois ce congrès a des pouvoirs limités puisqu'il n'a notamment pas de caractère permanent. Le Conseil constitutionnel a accepté la création d'un tel congrès et validé le principe de la consultation des populations concernées.
Pour la Réunion, le gouvernement a renoncé à créer dans le cadre de la loi d'orientation du 13 décembre un second département. Le Premier ministre a cependant annoncé, le 26 janvier dernier, un projet de loi sur la bidépartementalisation qui pourrait être voté d'ici à la fin 2001.
Par ailleurs, de nouvelles compétences de l'Etat sont transférées aux collectivités locales. Les élus d'outre-mer peuvent dorénavant négocier des accords en matière de coopération régionale avec les Etats voisins dans des domaines très variés (santé...).

Notes

(1) La plupart des mesures présentées sont applicables à Saint-Pierre-et- Miquelon. La législation concernant les personnes handicapées y est également étendue et adaptée. De même l'allocation spéciale de vieillesse y sera désormais versée.

(2) Voir ASH n° 2127 du 9-07-99.

(3) Voir ASH n° 2126 du 2-07-99.

(4) Voir ASH n° 2196 du 5-01-01.

(5) Les montants en euros sont donnés à titre indicatif par la rédaction.

(6) Voir ASH n° 2177 du 25-08-00.

LES POLITIQUES SOCIALES

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