« L'intervention publique doit changer d'échelle et de nature », a souligné la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou, lors de la présentation, le 13 février, de la future « allocation personnalisée à l'autonomie » (APA), tant attendue (1). Près de 800 000 personnes âgées en perte d'autonomie - contre 135 000 avec la prestation spécifique dépendance (PSD) - devraient être concernées par cette nouvelle prestation, étendue aux moyennement dépendants (groupe 4 sur la grille d'évaluation AGGIR) et sans condition de ressources.
Elle devrait être effective au 1er janvier 2002. Le projet de loi l'instituant sera en effet examiné par le conseil des ministres le 7 mars et discuté au Parlement au printemps, pour être adopté dans le courant de l'année, a assuré la ministre. Les décrets seraient pris dans la foulée. Le basculement dans le nouveau système se fera « le plus vite possible » (2 ou 3 mois au maximum).
Un droit universel, égal et personnalisé
Les conditions d'application de l'APA s'inspirent dans les grandes lignes du rapport Sueur (2). Ainsi, et contrairement à la PSD, toute personne ayant perdu son autonomie devrait avoir droit à la prestation, quel que soit son niveau de revenu. Pour supprimer les importantes disparités actuelles, le montant de l'allocation devrait être le même sur tout le territoire, à revenu et perte d'autonomie identiques. Cependant, il serait amputé d'une participation ( « ticket modérateur » ) qui pourrait aller jusqu'à 80 % pour les revenus les plus élevés. Par contre, les personnes percevant moins de 6 000 F par mois (914,69 €) (3) en seraient exonérées.
Modulée en fonction du degré de dépendance et des ressources, l'allocation devrait ainsi aller de 600 F/mois (91,47 €) pour les usagers moyennement dépendants (groupe 4), aux revenus supérieurs à 20 000 F/mois (3 048,98 €), à 7 000 F/mois (1 067,14 €) pour des personnes très dépendantes (groupe 1), aux revenus inférieurs à 6 000 F/mois (914,69 €).
Deux outils mis en place dans le cadre de la PSD devraient être conservés :
la grille « AGGIR », qui comporte 6 groupes (des plus dépendants à ceux ayant conservé leur autonomie), sera utilisée pour évaluer la perte d'autonomie. Les personnes appartenant à l'un des quatre premiers groupes pourront ainsi bénéficier de l'allocation ;
le plan d'aide, défini par niveau de dépendance et individualisé selon les besoins de l'intéressé.
Par ailleurs, les caisses de retraite, les mutuelles, les sociétés d'assurance pourront venir compléter le montant légal de l'allocation sur leurs fonds consacrés à l'action sociale.
Dans les établissements pour personnes âgées, l'allocation devrait être fonction des ressources et du coût de la dépendance dans la structure concernée (il s'agit d'un tarif qui couvre les dépenses d'aide à la vie quotidienne donc ni les soins ni les dépenses d'hôtellerie). Un ticket modérateur, selon les revenus, sera également appliqué.
Elisabeth Guigou a expliqué que le recours sur les successions et les donations sera maintenu, mais à partir d'un seuil qui devrait être fixé, par décret, à 1 million de francs (152, 449,02 €) au lieu des 300 000 F (45 734,71 €) actuellement. La récupération ne sera que « partielle, l'actif successoral n'étant plus intégralement pris en compte ».
Parallèlement, il est prévu d'instituer un fonds de modernisation de l'aide à domicile destiné à financer des actions de formation, d'encadrement, des « démarches innovantes » et « toute action susceptible de professionnaliser » ce secteur.
Une gestion de proximité
Selon l'avant-projet de loi, les conseils généraux conserveront la gestion de l'aide aux personnes dépendantes, en association avec les caisses de retraite. La loi généralisera la coopération déjà sur pied et la formalisera dans le cadre d'une commission départementale. Cette dernière, composée de représentants du département et des caisses et dirigée par le président du conseil général, fera des propositions de prestations. In fine, le président du conseil général attribuera les prestations. Cette commission départementale, toujours selon l'avant- projet, siégera en commission de conciliation et de suivi, chargée d'examiner les conditions d'application de la loi dans le département et d'étudier les requêtes des usagers.
Afin que l'examen des demandes « ne soit pas retardé par des délais administratifs excessifs ou qu' [il] ne soit pas [mis] en œuvre de façon disparate, les modalités de la procédure d'instruction seront très précisément déterminées par la loi et ses textes d'application », a également expliqué la ministre.
Un financement par les départements, les caisses de retraite et la CSG
Les deux premières années de mise en œuvre, le coût de l'allocation est estimé entre 15 et 17 milliards de francs (2,29 et 2,59 milliards d'euros). En régime de croisière, il devrait atteindre 23 milliards de francs (3,51 milliards d'euros).
En 2002 et 2003, les départements devraient financer l'allocation personnalisée à l'autonomie à hauteur de 11 milliards de francs (1,68 milliard d'euros) (reconduction des moyens existants et 2,5 milliards d'effort supplémentaire). Autres apports : 0,5 milliard de francs (76,22 millions d'euros) venant des caisses de retraite plus 5 milliards (0,76 milliards d'euros) par l'affectation de 1 point de CSG, actuellement attribuée au Fonds de solidarité vieillesse. Ces deux dernières contributions viendraient abonder un « fonds national de financement de la prestation autonomie », chargé de les redistribuer aux départements selon leurs ressources et les dépenses engagées au titre de l'APA.
Fin 2003, un bilan financier devrait faire le point sur l'évolution des dépenses et réajuster, si nécessaire, les modalités de financement.
(1) Sur les réactions des associations, voir ce numéro.
(2) Voir ASH n° 2167 du 19-05-00.
(3) Les montants en euros sont donnés à titre indicatif par la rédaction.