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Rendre la priorité à l'éducatif

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Face aux orientations gouvernementales sur la délinquance des mineurs (1), les professionnels s'interrogent sur les moyens de remplir leur fonction éducative.

Comment redonner sens à la sanction face à des jeunes en perte de repères ? Si la question n'est pas nouvelle, elle se pose avec acuité aux professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse  (PJJ)   (2) à l'heure où l'insécurité est à nouveau l'objet de surenchères politiques.

Il est clair que sanctionner n'est pas renoncer à éduquer. Cet acte permet de rappeler la centralité de la loi, qui fonde le vivre ensemble, de faire advenir un sujet responsable en lui imputant les conséquences de ses actes et de marquer un coup d'arrêt pour réorienter un comportement. Selon Eirick Prairat, maître de conférences à l'institut universitaire de formation des maîtres de Lorraine, il devient donc impérieux de réfléchir à la manière de poser les limites dans les lieux d'éducation. Et donc d'affirmer, de façon collective, afin de ne pas produire d'arbitraire, la spécificité de la sanction éducative, si l'on ne veut pas la voir réduite à son homologue judiciaire. «  Face à des comportements imprévisibles des jeunes, violents, chacun est vulnérable mais la réponse ne peut être qu'institutionnelle  », défend Sylvie Perdriolle, directrice de la PJJ. Mais, « sanctionner, c'est répondre. Pas forcément réprimer », nuance Jacques Mina, directeur départemental PJJ des Bouches-du-Rhône. Et celui-ci d'évoquer comment, pour réagir aux accès de violence d'une adolescente dans un centre, son équipe a marqué la rupture en l'envoyant contre son gré en vacances. Sachant que, quelle qu'elle soit, la réaction ne peut faire l'économie de l'explication, de la parole.

Acte éducatif ou pénalité judiciaire, la double acception du mot sanction entretient la confusion entre protection et répression. « Mais, estime Anne Wyvekens, chercheuse au CNRS, la sanction pénale n'est pas nécessairement déshumanisante et peut s'articuler avec la réponse éducative. » Pour elle, en effet, si, devant la montée de « la délinquance dite d'exclusion » (formule contestée par certains), le modèle tutélaire de la justice des mineurs a fait l'objet de débats virulents et si la tentation de réprimer existe bien dans les juridictions, des pratiques non assimilables à un déploiement de la répression ont aussi émergé. Ces dernières (classement sous conditions, rappel à la loi, réparation), qui consistent à apporter une réponse rapide et systématique aux actes de délinquance même bénins, initieraient, au contraire, un « renouvellement de l'intervention judiciaire et de fait de l'intervention éducative qui lui est liée ».

Rappel au droit... ou à l'ordre ?

Ce constat s'appuie sur une enquête de terrain menée auprès des équipes éducatives. Dans ces dispositifs, qui accordent une large place au parquet, primerait ainsi l'idée d'une réintroduction du droit, de la référence à la norme. La sanction n'y serait pas perçue comme une punition mais comme une « affirmation ». Ce modèle permettrait, en outre, d'articuler des paroles différentes : la judiciaire qui, par la sanction, rappelle le droit ; l'éducative qui sert à sa compréhension. Une vision contestée par nombre d'éducateurs et de juges qui estiment qu'il s'agit là de frapper plus vite et plus souvent. « On confond rappel au droit et rappel à l'ordre, avertit Claude Beuzelin, secrétaire générale du Syndicat national des personnels de l'éducation surveillée PJJ-FSU (3). Les nouvelles orientations nous amènent à travailler dans l'urgence, multiplient les mesures de contrôle et de probation, et l'action éducative n'est plus pensée au bénéfice du jeune mais comme accompagnement des mesures pénales. » Par exemple, le contrôle judiciaire, qui peut désormais être confié à la PJJ, fait l'objet de débats animés. Pour les uns, comme Bernard Ranwez, directeur du service éducatif auprès du tribunal pour enfants  (SEAT) de Nantes, « un peu d'éducatif, un peu de contrôle, cela ne met pas l'éducateur dans un rôle bien repéré et risque de semer la confusion dans l'esprit des mineurs ». D'autres, au contraire, tels les éducateurs du SEAT de Caen, selon François Touret, juge des enfants, apprécieraient aujourd'hui, après un certain malaise, « de pouvoir s'appuyer sur le caractère contraignant et fort d'un contrôle judiciaire pour amener le jeune à bouger plus et plus vite ». Quelques-uns encore soulignent la nécessité avant tout de préserver la continuité de la prise en charge pour que s'articulent réellement sanction et éducation et, ainsi, en cas de contrôle judiciaire non respecté, de continuer à suivre le jeune en détention pour préparer une sortie sans rupture.

« Le procès, moment où la sanction pénale est posée, devrait être celui où le sens de l'acte est reconnu, estime Emmanuelle Lépine, psychologue, intervenant notamment auprès de jeunes meurtriers en maison d'arrêt. La sanction ne peut être entendue que si elle fait sens par rapport à ce qui s'est passé. » Or le temps de l'élaboration de la culpabilité, puis de la réparation psychique, permettant aux jeunes de recouvrer l'estime d'eux-mêmes, et de l'intégration de la notion de sanction n'est pas forcément synchronisé avec le temps judiciaire. Florence Raynal

Notes

(1)  Voir ASH n° 2200 du 2-02-01.

(2)  Elle était d'ailleurs au cœur des assises de la PJJ organisées du 20 au 22 novembre 2000 à Marseille - Direction de la PJJ : 13, place Vendôme - 75042 Paris cedex 01 - Tél. 01 44 77 60 60.

(3)  Qui organisait des « Assises off » à celles de la PJJ - Voir ASH n° 2190 du 24-11-00.

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