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Malaise ou ambivalence du secteur associatif ?

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Chargé de mission « emplois-jeunes » sur le district du Grand Caen, Jean-Luc Charlot (1)  apporte sa contribution au débat sur la loi de 1901 sur les associations, lancé par les ASH (2).

« Le centenaire de la loi de 1901 paraît nécessiter un bilan de cette loi “historique”. Tout d'abord, on peut dresser un premier inventaire des évolutions ou dérives, selon son point de vue, qu'a connu le mouvement associatif au cours de ce dernier siècle.

« “Encastrement” de plus en plus important dans l'économie monétaire, alors que la forme de regroupement qu'a légiférée la loi de 1901 se caractérisait presque exclusivement par une économie “réciprocitaire”, celle du don et de l'échange, pour laquelle le bénévolat demeurait la principale incarnation. Importance croissante des réglementations, des tutelles et des injonctions des pouvoirs publics, qui révèle surtout le processus d'assujettissement qui s'est construit progressivement entre ce secteur et l'Etat social et son appareil politico-administratif. Désormais, les associations sont, avant tout, l'instrument des politiques de l'Etat. Enfin, constat que les formes d'intervention citoyennes qui s'exercent parfois au travers des associations sont souvent particularistes, voire lobbyistes, et qu'elles achoppent ainsi à la portée politique réelle, susceptible de créer un renouveau démocratique.

« De fait, ces malaises du monde associatif ne sont que les épiphénomènes d'une évolution historique. Où des formes particulières de “faire société”, issues du monde quotidien et familier d'individus décidant de produire du commun, du lien, de “l'être ensemble”, n'ont cessé d'être tirées vers des logiques économiques et politiques de plus en plus dominées par des exigences de technicité juridiques, administratives, comptables... (supposant le recours au salariat), des exigences utilitaristes (entraînant l'encastrement dans une économie monétaire), des exigences gestionnaires (impliquant réglementation et contrôle).

« Mais ce n'est pas tant ces malaises qui affectent le monde associatif. Plutôt une profonde ambivalence entre un projet fondateur, où “des individus pouvaient désormais s'associer librement”, et les formes actuelles d'un outil de production d'activités et de services, en accord avec l'Etat ou les collectivités, desquels les associations reçoivent alors des financements. Ainsi, on comprend mieux que le véritable enjeu de la réforme de la loi de 1901 est de lever cette ambiguïté et de prendre acte de cette formidable évolution. Et sans doute s'agit-il de donner un cadre juridique cohérent à ces associations devenues de véritables entreprises à but non lucratif. Réglant ainsi les questions économiques, réglementaires, fiscales et de statut de leurs dirigeants.

« Enfin, la question de la dimension politique et citoyenne des associations demeure entière. D'ailleurs, il peut paraître utile de rappeler qu'elles ne sont pas nées en 1901, puisque l'on trouve des traces et d'autres formes de manières de s'associer (de faire société) dès le Moyen Age ! Plus que l'inadaptation d'un cadre juridique, ce sont nos manières mêmes de s'associer qui se sont profondément bouleversées et posent problème au secteur associatif. Dans une société de plus en plus individualisée et individualisante, c'est désormais le projet personnel de chacun qui détermine les formes d'implication dans les associations, alors qu'auparavant l'engagement des militants dépendait du projet, des valeurs, des finalités de changement de la société qu'incarnaient ces associations...

« C'est à ce travail de construction de formes communautaires modernes, susceptibles de (re) fonder un “faire et être ensemble”, qu'est confronté véritablement le débat sur la loi de 1901. Il ne pourra aboutir qu'à la condition de lever l'ambivalence profonde qui brouille le plus souvent sa mise en discussion. Mais aussi en constatant sereinement la déperdition de cette forme ancienne que nous allons commémorer... Mais n'est-ce pas en connaissant mieux son passé que l'on façonne plus justement son avenir ? »

Notes

(1)  Jean-Luc Charlot : Mission locale de l'agglomération caennaise - CIS - 1, place de l'Europe - 14200 Hérouville-Saint-Clair - Tél. 02 31 94 76 21.

(2)  Voir ASH n° 2191 du 1-12-00.

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