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35 heures :  « NÉGOCIER LA DIMENSION RELATIONNELLE DU TRAVAIL AVEC LES FINANCEURS »

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Directrice générale de l'association Isatis, Nicole Alix apporte sa contribution au débat lancé par les ASH sur la mise en œuvre des 35 heures dans le secteur associatif social et médico-social. Comme elle, n'hésitez pas à réagir à notre grande enquête sur le sujet, dont les deux premiers volets ont été publiés dans le numéro 2198. Nos colonnes vous sont ouvertes !

«En novembre 1998, le colloque de l'Uniopss (1) sur les 35 heures avait pointé l'ambiguïté fondamentale du message du ministère de l'Emploi et de la Solidarité : son représentant, venant pourtant de la partie “Solidarité” du ministère, avait mis en avant la nécessité de raisonner à coût nul. La logique financière risquait donc de l'emporter sur celle de la création d'emploi.

« L'association Isatis, dont j'assure désormais la direction générale, a une triple activité :

   « bilans de santé dans des centres de prévention ;

   « études gérontologiques ;

   « gestion de plusieurs MAPAD (maison d'accueil pour personnes âgées dépendantes).

« Adhérente à la FEHAP, l'association a conclu un accord Aubry I, signé en juin 1999. Il a été mis en place le 1er juin 2000. En écho aux questions venant des établissements, notre “Commission de suivi des 35 heures” a organisé, en novembre et décembre derniers, des rencontres avec l'ensemble des salariés, en présence de leurs directeurs, établissement par établissement.

Des rencontres avec l'ensemble du personnel

«Certes, on peut contester la véracité des difficultés pointées par le personnel et mettre en avant leur possible exagération en présence de la direction générale. On peut bien sûr douter de l'efficacité des directions d'établissements à réorganiser le travail et à jongler avec les plannings (qui ne sont, en tout état de cause, pas une mince affaire pour des établissements qui fonctionnent 24 heures sur 24,365 jours sur 365 !) et de la bonne volonté des salariés à accepter le changement...

« Le but de mon propos n'est pas, à l'inverse, de prôner le laxisme, en escomptant une improbable manne financière, pour le plus grand bien des salariés, en provenance des personnes âgées (ou de leurs familles) et du système de protection sociale.

Une équation insoluble

«Restent de mon côté deux certitudes.

« -  10 % + 7% = - 3%  : moins 10 % de temps de travail plus 7 % de création d'emploi égalent 3 % de travail en moins puisque les salaires ont été maintenus. Or les miracles attendus des gains de productivité ne sont pas spontanés dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées... C'est pourtant la seule piste que nous ont indiquée les financeurs.

« Nous travaillons avec des équipes calculées au plus juste pour alléger les coûts. Elles deviennent insuffisantes à certains moments de la journée notamment au début de l'après-midi (“creusé” pour pouvoir assurer la charge, plus lourde, des repas, du lever et du coucher). Par ailleurs, on ne peut passer sous silence les soucis du personnel qui n'est pas en relation directe avec les usagers : les services administratifs ont vu leur temps de travail réduit de 10 % sans compensation, pour maintenir le plus à niveau possible le personnel “de contact”.

« Des échanges au sein de notre association ressort bien sûr la nécessité d'activer à nouveau le chantier du “A” de ARTT (l'Aménagement, pas seulement la Réduction du Temps) ; nous allons reprendre le travail sur l'organisation et les plannings et viser des gains de productivité du côté des procédures administratives.

« Mais, alors que la dépendance s'accroît, ainsi que la demande des familles (entre 600 et 750 GMP [GIR moyen pondéré], dans nos établissements), il faut être conscient : nous n'avons pas encore trouvé les moyens de compenser la RTT. D'où une baisse de la qualité des services rendus et davantage de stress chez certains personnels, qui risque de se reporter sur les résidents.

La création du lien social est sacrifiée

«Les salariés sont de plus en plus recentrés sur la partie la plus technique de leur travail, au détriment de la partie relationnelle ! Alors que la complexité des situations des résidents et des relations avec leurs familles devrait au contraire accentuer l'importance de la compréhension et des échanges, c'est ennuyeux ! Pour des établissements associatifs qui prônent la participation de tous au projet et à l'animation, quelle contradiction !

« Si les 35 heures ont pour effet, par exemple, de recentrer les infirmières sur leurs tâches techniques et d'accentuer le recours aux visiteurs bénévoles d'hôpitaux pour calmer le patient, ce n'est pas,  à mes yeux, un facteur de progression sociale.

« Comme l'écrit Alain Lipietz, député européen et auteur d'un rapport récent à Mme Aubry sur le tiers secteur, chez nous, dans les associations, la délivrance des services est intimement associée à la création d'un lien social. Celui-ci ne saurait se réduire à un service marchand, surtout “bas de gamme”. Un salarié du tiers secteur doit savoir “perdre du temps” à créer du lien social. Un travailleur du privé non, sauf pour le “ haut de gamme”.

« Or, dans nos établissements habilités à l'aide sociale, le tarif est le même pour tous : hors de question que seuls les plus aisés bénéficient d'un service mieux adapté à leur rythme. Alors, versant technique du service aux salariés et versant relationnel aux bénévoles ?

« Danièle Demoustier, économiste de l'emploi associatif, m'invite, pour détourner ce risque, à mieux identifier, pour mieux la défendre, la dimension relationnelle dans le service rendu par les salariés. Elle ajoute que les gains de la productivité sont plus à attendre du côté technique que du côté relationnel : on ne peut pas faire manger les résidents plus vite !

« Sur ce sujet crucial, comment avancer ? Les responsables d'associations sont en attente.

La dimension relationnelle doit être reconnue par les financeurs

«A l'heure où la réflexion semble s'accélérer sur la dimension associative de nos emplois, je m'interroge : ne faudrait-il pas des définitions de postes propres au secteur sanitaire et social associatif, où la dimension relationnelle, sociale, indispensable dans nos entreprises d'économie sociale, serait reconnue, valorisée et financée pour tous, y compris les plus modestes... A nous en tout cas de la négocier dans les conventions passées avec les financeurs (les fameuses conventions tripartites du secteur des personnes âgées dépendantes) ou via les conventions collectives opposables aux financeurs.

 Nicole Alix Directrice générale de l'association Isatis :18/20, rue Pasteur - 94276 Le Kremlin-Bicêtre Tél. 01 47 26 61 61.

Notes

(1)  Dont j'étais la directrice adjointe, à l'époque.

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