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Sylviane Léger : « La DGAS n'a pas atteint son effectif cible »

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 Difficultés de financement de la RTT et des formations sociales, grogne des étudiants, pénurie de personnels au sein de ses services... Depuis six mois qu'elle a pris la tête de la direction générale de l'action sociale, Sylviane Léger doit gérer, à côté des chantiers législatifs en cours, de nombreux dossiers. Tour d'horizon pour les ASH de l'actualité de l'action sociale.

Actualités sociales hebdomadaires  : Le 31 janvier commence, enfin, l'examen à l'Assemblée nationale du projet de réforme de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales. Les associations du secteur vont proposer des amendements afin d'être assurées que leur capacité d'initiative ne sera pas paralysée par une régulation trop comptable (1). Ces craintes sont-elles, selon vous, légitimes ? Sylviane Léger  : Ce sont des craintes classiques et récurrentes. Si vous me permettez ce trait un peu trivial, on crie avant d'avoir mal ! Il n'y a pourtant pas lieu pour les associations de s'inquiéter du contenu du projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale. Ce texte a pour priorité de replacer l'usager au centre des préoccupations. Je ne vois pas comment les associations - qui permettent de faire émerger les besoins sociaux, de s'en faire l'écho auprès des pouvoirs publics et qui sont devenues des gestionnaires de premier rang sur tous les secteurs de l'action sociale - pourraient craindre que leur place soit mise en cause. Que la nouvelle loi cherche à clarifier les relations entre les financeurs et les gestionnaires en vue d'un bon usage de l'argent public associé à des démarches qualité, cela me paraît être de bonne politique. Que les associations souhaitent obtenir des amendements afin que leur rôle soit inscrit de façon plus nette dans la loi, je le comprends parfaitement. Nous examinerons, un à un, chacun de leurs amendements et certains d'entre eux seront retenus. L'article 7 de la proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations vise à insérer dans la loi du 30 juin 1975 un article 29-3 sur la protection des travailleurs sociaux qui ont dénoncé des mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie dans les établissements où ils travaillent. Quelle est la portée concrète de cet article si l'on considère que la preuve de ce type de licenciement est extrêmement difficile à apporter ? L'affichage n'est-il pas plus politique que réel ? - Je ne crois pas. Cette disposition apporte aux travailleurs sociaux la protection de la loi. Mais, d'une façon générale, quand la loi touche à des comportements, elle n'est jamais à effet immédiat : elle agit dans la durée en faisant avancer les pratiques. C'est, à mon sens, un pas très important : il y aura des contestations et l'élaboration d'une jurisprudence à partir de cas d'espèces. Ce qui permettra la construction de référentiels juridiques sur le sujet. Peut-on espérer que les DDASS soient davantage mobilisées sur les questions de maltraitances institutionnelles, en termes de contrôle des établissements et de protection des professionnels ? - L'article 26 du projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale accroît le pouvoir de contrôle des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales sur les établissements. Ils pourront désormais dresser des procès-verbaux et procéder à des saisies conservatoires alors que, jusqu'à présent, seuls les médecins inspecteurs de santé publique disposent d'une telle faculté. Cette disposition, qui reconnaît une sorte de pouvoir de police aux inspecteurs, devrait renforcer l'efficacité des contrôles de l'Etat sur les établissements sociaux et médico-sociaux

- pas seulement d'ailleurs pour les cas de maltraitances.

Quels sont les axes du prochain programme national de lutte contre les exclusions ? (2) - Lorsque le bilan de la loi contre les exclusions a été dressé le 13 septembre dernier, la question s'était posée de l'utilité d'un nouveau programme, dès lors que l'action était poursuivie. Mais l'Europe a donné un nouvel élan à l'idée de la programmation. L'agenda social fait obligation aux Etats membres de mettre en place un programme national de lutte contre les exclusions, d'une durée de deux ans, à présenter à la commission européenne, d'ici à la fin mai 2001. Deux orientations ont d'ores et déjà été retenues. Il s'agit d'abord de centrer toujours plus l'action sur les personnes les plus éloignées de l'emploi en développant les formules d'accompagnement individualisé dans et vers l'emploi . A cet égard, le service public de l'emploi a fait des progrès considérables. Il est prêt à utiliser les outils de la nouvelle convention Unedic (3). Et le deuxième objectif ? - Il concerne l'effectivité de l'accès aux droits. Car offrir des outils c'est bien, mais encore faut-il les évaluer, regarder comment ils fonctionnent et se placer résolument du point de vue du bénéficiaire du dispositif. Et là, on voit bien qu'il y a des progrès à faire pour simplifier, réduire les délais, faire que les différents réseaux qui interviennent se coordonnent. Par exemple, nous avons des progrès à faire sur les commissions d'action sociale d'urgence (CASU) afin d'arriver à mutualiser davantage la gestion des fonds partenariaux. C'est pourquoi, en s'appuyant sur les expériences mises en place localement, nous allons diffuser à nos services déconcentrés une sorte de cahier des charges afin de les aider à rationaliser le fonctionnement de ces commissions. On ne peut que déplorer le temps perdu et les incohérences autour de la prestation autonomie et de la réforme de la tarification. Alors que le projet de décret portant « réforme de la réforme » de la tarification est attendu fin janvier, la mise en œuvre de la prestation autonomie est annoncée pour 2002. Or, pour bon nombre d'établissements, la réforme de la tarification est inapplicable sans mécanismes de solvabilisation des personnes âgées accueillies (4). - On ne peut pas dire cela ! Nous avons les moyens de mettre en œuvre la réforme de la tarification partout où la conclusion de la convention, et donc la mise à jour d'un tarif dépendance, ne contribue pas à alourdir la charge financière qui incombe aux résidents. C'est le cas d'un tiers des établissements. Pour les deux autres tiers, il faudra effectivement attendre l'entrée en vigueur de la prestation autonomie . Quant aux formations sociales, n'y a-t-il pas un énorme hiatus entre l'ambition affichée de rénover le dispositif de formation à travers l'élaboration du schéma national de formation (qui doit être présenté au Conseil supérieur du travail social du 2 février) et la pauvreté des moyens accordés ? - Le malheur de ce secteur, c'est qu'on a toujours l'impression d'être en-deçà des besoins. Néanmoins, et là je suis d'accord avec vous, peut-être n'avons nous pas vu totalement venir l'irruption du besoin lié aux départs en retraite massifs dans cinq ou sept ans. C'est quelque chose qu'on peut nous reprocher, mais que l'on observe dans bien des secteurs : il y a quelques années pour les professeurs, aujourd'hui pour les infirmières... Néanmoins, nous ne sommes pas restés inactifs : il y a eu des mesures financières importantes depuis trois ans, notamment dans le cadre de la loi contre les exclusions. Pourtant, les centres de formation craignent de ne pas pouvoir faire face à leurs charges financières et de devoir limiter l'accueil de nouveaux étudiants (5). - Il y a effectivement une inquiétude des responsables des centres de formation que j'ai écoutés. Certains de leurs arguments sont justes. Ils ont une vraie difficulté à faire face aux charges dues à la revalorisation de la masse salariale, du fait notamment de l'avenant « cadres ». Et nous comptons bien profiter du projet de loi de finances pour 2002 pour tenter d'obtenir les crédits nécessaires aux réajustements, là où ils sont nécessaires. Nous essaierons d'ailleurs d'inscrire le thème de la formation des travailleurs sociaux au programme national de lutte contre les exclusions. Comptez-vous pouvoir obtenir des financements supplémentaires pour la mise en œuvre de la réduction du temps de travail dans la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale (6)  ? - Il faut d'abord rappeler que le cadrage national consiste à faire appel aux aides de l'Etat sous la forme d'exonérations de charges. En outre, dans tout le secteur, il y a eu un effort de modération salariale. Ces deux éléments ont contribué au financement de la réduction du temps de travail. De plus, les accords qui ont été signés ne peuvent être agréés que s'ils sont financièrement équilibrés. Alors bien sûr, entre un cadrage sur le papier et la vie réelle des établissements, il peut y avoir des décalages. Et certains représentants d'usagers craignent que, pour rester dans les clous, des gestionnaires soient amenés à ouvrir la nuit avec des personnels non qualifiés ou à diminuer les transferts des jeunes et des handicapés dans les établissements. Que ces craintes s'expriment, c'est normal. Elles doivent nous alerter et nous inviter à la vigilance pour que, dans les années qui viennent, nous n'ayons pas avec Bercy une « discussion de marchand de tapis » sur la revalorisation de la masse salariale, mais un réel échange à partir d'éléments objectifs. Nous devrons, en effet, être très attentifs car certains coûts ont pu passer inaperçus. D'où l'intérêt de mettre en place des modalités de dialogue social de façon à pouvoir percevoir, suffisamment en amont, les éventuels problèmes et les traiter. L'ampleur du mouvement des étudiants, dont certains vivent avec des ressources en dessous du seuil de pauvreté, révèle que le malaise est bien réel. Ils manifestent le 29 janvier. Allez-vous les rencontrer et examiner leurs revendications (7)  ? - Examiner leurs revendications, à coup sûr. Ce mouvement traduit une inquiétude dont nous avons parlé sous une autre forme, à savoir les risques de pénurie de travailleurs sociaux et la crainte de ne pouvoir faire face aux tâches qui s'accroissent face aux demandes de la société. Nous avons, en 2001, les moyens d'aligner les taux des bourses en travail social sur ceux des bourses de l'enseignement supérieur (8). C'est un progrès. Mais rien n'est jamais acquis et il faudra faire attention à ne pas redécrocher par la suite. De plus, un effort important a été effectué pour accroître le nombre de bourses disponibles à la rentrée 2001. Que pensez-vous de la proposition du Conseil supérieur du travail social de créer, en son sein, une commission permanente consultative sur l'éthique (9)  ? - Je crois qu'il ne faut pas se précipiter. La proposition évoquée par le rapport « Ethique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux » du Conseil supérieur du travail social doit suivre son cours. Et ce sera à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité de décider. Mais je crois, qu'au niveau du simple bon sens, il faut éviter de faire des commissions d'éthique tous azimut. Nous avons tout intérêt à essayer de ne pas hacher et laisser dériver de manière sectorielle la réflexion sur l'éthique. Sachant qu'il y a déjà un Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et la santé. Le Syndicat national des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales - qui organise aujourd'hui une journée d'action - estime entre 4 000 et 5 000 le nombre d'agents nécessaires pour que le secteur santé solidarité du ministère de l'Emploi et de la solidarité fonctionne correctement (10). Comment, à la direction générale de l'action sociale, comptez-vous faire face à cette pénurie chronique de personnels ? Le fait que nos services déconcentrés aient besoin de se renforcer en personnels d'encadrement est une évidence qui a été maintes fois affirmée. Et suivie d'effets : en effet, le ministère a accompli des efforts budgétaires qui ont permis des créations d'emplois, des améliorations statutaires et indemnitaires. Maintenant, que les choses mettent du temps à arriver sur le terrain... Au niveau même de la direction générale de l'action sociale , mon souci est de renforcer cette administration centrale dont j'estime qu'elle n'a pas atteint son effectif cible, compte tenu de sa configuration actuelle. Je sais combien la pression qui s'exerce sur les agents de cette direction est forte et combien elle peut être une source d'angoisse, de fatigue et de risque sur leur vie personnelle. Pratiquement dans toutes les sous-directions, il y a au moins un bureau en sous-effectif. C'est, pour moi, un véritable sujet de préoccupation. 218 personnes travaillent aujourd'hui à la DGAS et nous avons fait une demande complémentaire de postes d'agents de catégorie A pour 2001. J'ai bon espoir d'être écoutée, d'autant que cette administration est devenue une direction attractive. Récemment, nous avons eu, en effet, plus d'arrivées que de départs. Les mouvements internes entre les directions du ministère le prouvent : les fonctionnaires ont envie de venir travailler à la DGAS. Propos recueillis par Isabelle Sarazin

Notes

(1)  Voir ce numéro.

(2)  Voir ASH n° 2193 du 15-12-00.

(3)  Voir ASH n° 2192 du 8-12-00 et n° 2193 du 15-12-00.

(4)  Voir ASH n° 2198 du 19-01-01.

(5)  Voir ASH n° 2186 du 27-10-00.

(6)  Voir ASH n° 2198 du 19-01-01.

(7)  Voir ce numéro.

(8)  Voir ASH n° 2177 du 25-08-00.

(9)  Voir ASH n° 2193 du 15-12-00.

(10)  Voir ASH n° 2195 du 29-12-00.

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