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Repris de justesse

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 Comment passe-t-on du statut de délinquant à celui de travailleur social ? Quels sont les chemins qui permettent de sortir de l'engrenage de la violence pour se consacrer à l'aide aux personnes en difficulté ? Le livre de Yazid Kherfi, cet ancien caïd de la cité du Val-Fourré, à Mantes-la-Jolie, devenu travailleur social et membre de l'équipe de transformations thérapies sociales animée par Charles Rojzman, est plus qu'un témoignage. Ecrit avec la sociologue, Véronique Le Goaziou, il éclaire de l'intérieur la complexité des mécanismes qui conduisent à la violence et met au jour les ambiguïtés mêmes de l'âme humaine. Loin des prises de position manichéennes visant à séparer les victimes des coupables.

De fait, c'est surtout de souffrance humaine, de profondes blessures, et de manque, dont il est question au travers de cet itinéraire singulier - cette « errance mystérieuse  » pour reprendre l'expression de Charles Rojzman, auteur de la préface. Car, être fils d'immigré algérien en banlieue, c'est d'abord vivre avec la honte, de soi, de sa famille, celle que vous renvoie en permanence la société, que ce soit dans les services publics, les transports, le travail... Aussi, la violence est-elle d'abord une réponse à la violence subie. Elle est donc « normale  », tout comme le vol que l'on commet « parce que ça se fait  » et qui devient une habitude. De petit voleur, Yazid Kherfi est ainsi passé, à l'âge de 15 ans, à la délinquance en participant à des cambriolages, poussé par l'environnement, le groupe, les autres que l'on cherche à imiter. Une façon finalement d'exister, de refuser de vivre comme la génération précédente en acceptant des métiers avilissant. Alors que la bande, comme il l'explique, offre le plaisir, la prise de risque, l'aventure au quotidien. « Voleur [...] c'est un métier qui demande intelligence, minutie et patience. C'est un métier où tu penses  », écrit-il, qui permet de ne pas couler. «  Nous on voulait vivre. Et on riait.  »

Pas question donc pour Yazid de se considérer seulement comme une victime. La délinquance ce fut aussi un choix responsable, défend-il. Comme l'a été ensuite son engagement dans l'action militante, à travers le collectif Jeunes du Val-Fourré, afin de faire bouger les choses, notamment pour aider les « petits en souffrance ». En vain, explique-t-il avec amertume, estimant que 20 ans après, rien n'a changé : le fossé s'est même aggravé entre les habitants et les politiques. Engagé auprès des jeunes et au cœur de la vie locale, c'est donc presque naturellement qu'il a été recruté comme animateur par la ville de Plaisir sur un quartier chaud. Parcours qui l'amènera à passer son brevet d'Etat d'animateur technicien de l'éducation populaire, puis une licence en sciences de l'éducation, et à diriger, pendant dix ans, une maison de jeunes à Chanteloup-les-Vignes. Devenu travailleur social, formateur, consultant, médiateur, c'est aujourd'hui un regard critique qu'il jette sur la politique menée dans les quartiers. Car s'il n'y a jamais eu autant d'actions contre la violence, la parole et l'écoute y sont toujours absentes.  I.S.

Repris de justesse - Yazid Kherfi - Ed. Syros - 98 F (14,94 euro;).

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