« Une diminution sensible de la qualité des prestations et une fragilisation accrue des établissements. » Tel est le bilan sévère dressé par une enquête de l'Union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uriopss) Aquitaine auprès d'une cinquantaine d'internats (2 550 salariés et 3 200 usagers concernés) (1).
Cette étude, première du genre à être rendue publique, mesure précisément les difficultés dénoncées, jusqu'ici au cas par cas, par des directeurs et des salariés d'internats d'autres régions (2), et confirme l'enquête des ASH (3). Ce secteur est en effet, dans l'action sociale, celui qui souffre le plus des contraintes horaires imposées par les directives européennes et reprises par les lois Aubry (pause de 20 minutes toutes les 6 heures, durée quotidienne du travail de 10 heures, 11 heures de repos entre deux séquences de travail, etc.).
Des horaires « saucissonnés »
Pour s'adapter, les internats d'Aquitaine ont retenu une organisation de leur personnel éducatif sur le mode hebdomadaire (30 %), par cycles de plusieurs semaines (31 %), ou l'annualisation (34 %). La modulation, tant redoutée par les salariés puisqu'elle impose des fortes variations de rythme de travail en fonction de l'activité, a été adoptée par peu d'établissements (15 %).
Quoi qu'il en soit, les horaires trop découpés, l'irrégularité des plannings, « le comptage du temps par minutes et secondes [qui rompt avec] la tradition du secteur » « soulèvent l'hostilité du personnel », constate l'Uriopss Aquitaine. Pour alléger ces contraintes, 20,5 % des employeurs ont demandé à l'inspection du travail des dérogations aux durées conventionnelles et certains avouent même « tricher pour ne pas tenir compte de l'amplitude horaire [...] durant les week- ends et les transferts, avec l'accord officieux des personnels éducatifs »...
Comme partout, les embauches supplémentaires ayant très rarement compensé la réduction du temps de travail (RTT) de 10 %, il a fallu faire des arbitrages. Certes, 54 % des établissements interrogés ont réussi à préserver le temps de présence des professionnels auprès des usagers. Mais au prix, pour 26 % d'entre eux, d'une « diminution conséquente des préparations » des activités et, pour 20 %, d'une réduction des jours d'ouverture (fermeture le vendredi soir au lieu du samedi midi, rallongement des vacances, etc.). D'autres ont agrandi les groupes d'usagers ou encore déqualifié les postes d'éducateurs spécialisés, en ayant recours, pour beaucoup, aux surveillants de nuit. En outre, la plupart des établissements ont diminué les prestations offertes aux usagers, en particulier les transferts : 64 % ont tout simplement supprimé ces séjours accompagnés et 15 % les ont réduits.
Des échanges rendus difficiles
Par ailleurs, la RTT a « eu des répercussions dommageables sur le travail en équipe », pour 61,5 % des répondants. Ces derniers « soulignent les difficultés en matière de coordination et l'impossibilité de regrouper tous les intervenants pour les réunions d ´équipe. Si l'on ajoute les périodes de transmission plus courtes et la disparition des doublures, c'est plus de 40 % des établissements qui sont pénalisés au niveau de l'échange d'information », précisent les auteurs. Les rencontres des travailleurs sociaux avec les familles et les partenaires extérieurs en général sont également moins fréquentes. Enfin, à cause de l'énergie mobilisée depuis deux ans pour mettre en place les 35 heures, « les nouveaux projets sont mis en veille », note l'Uriopss. P.D.
(1) Uriopss Aquitaine : 93, boulevard George-V - 33400 Talence - Tél. 05 56 04 16 09.
(2) Voir ASH n° 2159 du 24-03-00, n° 2160 du 31-03-00 et n° 2171 du 16-06-00.
(3) Voir ASH n° 2198 du 19-01-01.