L'Association des paralysés de France (APF) (1) ne souhaitait pas réagir « à chaud » à l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 novembre sur l'affaire Nicolas Perruche, né handicapé après une erreur médicale (2). Ayant pris le temps de réfléchir hors de toute contingence médiatique, son comité d'éthique a rendu publique son analyse le 9 janvier.
Cet arrêt « constitue indubitablement un appui moral pour que les enfants handicapés considèrent comme un préjudice le fait d'être nés tels et le reprochent plus ou moins explicitement à leurs parents », estime le comité. Il encouragera certes les personnes handicapées à se retourner contre les médecins pour erreur médicale. Mais il ne permettra pas davantage aux enfants de faire des procès à leurs parents pour être nés handicapés car la liberté de la mère à avorter ou non « ne peut être juridiquement mise en cause ». Le comité d'éthique se range ainsi parmi ceux qui ne voient pas dans la décision de la Cour de cassation de véritable brèche juridique. A l'inverse, nombre d'associations (3), de juristes et de familles (4) s'étaient alarmées que les enfants puissent désormais se retourner contre leurs parents. Au point d'ailleurs que la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté le 9 janvier un amendement au projet de loi de modernisation sociale interdisant à une personne de « demander une indemnisation du fait de sa naissance » .
Le droit à un enfant normal
A l'instar de l'Union nationale des associations familiales, le comité d'éthique de l'APF condamne néanmoins la violence que cette procédure et l'arrêt de la Cour de cassation représentent pour les parents ayant décidé d'accepter et d'accompagner leur enfant handicapé tel qu'il est. Il craint également que l'arrêt « Perruche » encourage le corps médical à se protéger en donnant des pronostics anténataux alarmistes, voire à accentuer leur « pression abortive » sur les mères. Toutefois, ces risques ne découlent pas de l'arrêt, « ils sont d'abord la conséquence d'une revendication croissante des parents et du corps social pour le “droit à un enfant normal” », nuancent les « sages » de l'APF. Lesquels estiment finalement que la société doit aujourd'hui répondre à cette question :la différence de la personne handicapée doit-elle être « pensée dans un projet de société “pour tous” ou [comme] un aléa de la nature contre lequel le corps social doit simplement s'assurer puisqu'il peut, médicalement, s'en “prémunir” de mieux en mieux » ?
Quoi qu'il en soit, « ces questions ne feraient pas l'objet de tant de débats si les moyens d'accompagnement et d'insertion sociale des personnes handicapées et de leurs familles étaient à la hauteur de la dignité qu'on leur accorde en théorie », ajoute le comité d'éthique.
(1) APF :17, boulevard Blanqui - 75013 Paris - Tél. 01 40 78 69 00.
(2) Voir ASH n° 2190 du 24-11-00.
(3) Voir ASH n° 2190 du 24-11-00.
(4) Voir ASH n° 2192 du 8-12-00.