Pourquoi cette étude et comment l'avez-vous réalisée ?
- L'AEMO est parfois contestée, elle est surtout mal connue. Nous avons décidé de balayer devant notre porte en lançant cette enquête. Notre ancienneté et notre expérience nous le permettaient. Après une phase de sensibilisation de 18 mois, un groupe de 12 salariés volontaires
- assistants sociaux, éducateurs spécialisés et psychologues - s'est donc engagé dans une recherche-action visant à objectiver les pratiques. Le groupe a choisi lui-même son thème de travail et ses outils : deux questionnaires très détaillés à remplir, un mois et six mois après l'ouverture du dossier. Un chercheur extérieur, Franck Darty, a apporté un soutien méthodologique pour construire ces outils et rédiger la synthèse. Promofaf a financé cette « formation-action » d'une durée de deux ans.
Quels en sont les premiers résultats ?
- La construction des questionnaires elle-même préfigure une certaine modélisation du travail en AEMO. Mais les professionnels se sont aperçus qu'ils ne pouvaient répondre à toutes leurs questions, qu'ils connaissaient mieux certains aspects de la vie du jeune et de sa famille que d'autres. Cet écart les a conduits à s'interroger sur les modèles, les « normes », les représentations à l'œuvre, consciemment ou non, chez les travailleurs sociaux. Par ailleurs, l'interrogatoire en deux temps a permis de voir comment l'analyse de la situation et les moyens d'intervention se construisent. Au départ, l'action est centrée sur le jeune, du fait des comportements qui ont suscité l'intervention. Six mois plus tard, elle concerne surtout la dynamique familiale, dans un contexte souvent compliqué et qui n'était pas perçu à l'origine. Autre constat fort : le nombre extrêmement restreint des moyens d'intervention. L'essentiel de l'action porte sur des entretiens individuels (dans 62 % des cas) et familiaux (80 %). Mais les questionnaires n'étaient pas assez fouillés sur ce point, et nous ne savons pas exactement ce que les travailleurs sociaux ont mis sous ce vocable d'entretien.
Les capacités parentales sont-elles restaurées grâce à l'AEMO ?
- Il faudrait mener une recherche sur les deux ou trois ans que dure une mesure d'AEMO pour en évaluer l'efficacité sur ce plan. L'étude éclaire mieux les méthodes utilisées que les résultats. Et sur les méthodes, elle permet d´établir que les travailleurs sociaux « ne font pas n'importe quoi », que les leviers d'intervention employés sont cohérents avec la perception de la situation et les objectifs poursuivis. La somme des données recueillies n'a pu être encore entièrement exploitée au plan qualitatif, mais elle invite à poursuivre et élargir la réflexion ! Devant les situations multiproblématiques des familles auxquelles nous avons affaire, il est sûr que l'AEMO ne peut répondre à tous les besoins : il faudrait lui associer d'autres types d'intervention, permettre des collaborations, des partenariats multiprofessionnels très ouverts.
Propos recueillis par Marie-Jo Maerel
(1) Active en Ile-de-France, l'association Jean-Cotxet (850 salariés au total) gère des services de protection de l'enfance de tous types (prévention spécialisée, accueil d´urgence, foyer éducatif, placement familial, etc.). Ses trois services d'AEMO (administrative et judiciaire) à Paris et dans la Seine-Saint-Denis occupent 68 salariés et ont suivi 1 138 jeunes en 1999.
(2) Sur la restauration des capacités parentales dans le cadre des mesures d'AEMO - Disp. auprès de l'association Jean-Cotxet : 52, rue Madame - 75006 Paris - Tél. 01 45 49 63 80.