Recevoir la newsletter

L'ANPE joue le partenariat et la médiation

Article réservé aux abonnés

Dès 2001, des équipes Emploi-insertion vont se mettre en place afin de permettre aux publics issus de quartiers sensibles d'accéder aux services de l'ANPE. Un projet qui s'appuie sur des expériences locales déjà engagées.

Offrir un service de proximité aux personnes issues des quartiers en difficulté pour leur permettre de résoudre les problèmes périphériques à l'emploi et les amener à fréquenter de nouveau les organismes publics locaux. C'est l'objectif visé par les équipes Emploi-insertion qui vont progressivement se mettre en place à partir du début de l'année prochaine dans le cadre de la politique de la ville (1). « Force est de constater que dans ces quartiers, où le taux de chômage reste deux fois plus élevé que la moyenne nationale, la reprise économique ne profite pas à ceux qui cumulent souvent plusieurs types de difficultés : santé, logement, adaptation aux contraintes sociales, enfermement de la cité, etc. », déplore Joëlle Casorla, responsable des équipes Emploi-insertion à l'Agence nationale pour l'emploi  (ANPE)   (2). Même tonalité à la délégation interministérielle à la ville (DIV), pilote de l'opération, où Jérôme David, chargé de mission, observe que « les habitants de certaines banlieues n'accèdent pas à l'emploi, ni à la formation, parce qu'ils ne fréquentent pas les structures existantes et ne font pas valoir leurs droits ».

Des structures-relais

Pour aider ces publics à acquérir plus d'autonomie, ajoute Joëlle Casorla, c'est au plus près d'eux qu'il faut agir sans pour autant créer des « ANPE bis » afin d'éviter l'effet ghetto. Les équipes Emploi- insertion qui vont voir le jour prendront donc appui sur des équipements déjà implantés dans les quartiers et reposeront sur des équipes partenariales et pluridisciplinaires. C'est à elles qu'il reviendra d'assurer le relais avec les structures d'insertion, les services sociaux, les Assedic, etc. « Il ne s'agit pas de faire à la place des différentes institutions mais d'en faciliter l'accès aux populations issues des quartiers et d'en accroître l'efficacité », défend Jérôme David.

Une même ville peut constituer plusieurs équipes Emploi-insertion dès lors que les quartiers concernés sont inscrits dans le contrat de ville signé avec la DIV. Une subvention de fonctionnement représentant un tiers du budget - plafonnée à 300 000 F - sera accordée aux projets retenus. Dans l'appel à propositions lancé par les pouvoirs publics le 31 août dernier, il est précisé que les équipes Emploi- insertion doivent se composer a minima de trois acteurs : l'ANPE, les missions locales et les collectivités locales. Si les missions locales avaient déjà une vocation pluridisciplinaire, « elles n'avaient pas toujours les moyens d'assurer un repérage suffisamment fin des problèmes sociaux préalables à l'insertion professionnelle », note le chargé de mission de la DIV.

Sur la centaine de projets d'ores et déjà examinés, le portage juridico-financier est le plus souvent assuré par l'agence locale pour l'emploi, par une structure associative ou par la mission locale, plus rarement par les collectivités locales. Certaines initiatives prévoient la mise à disposition d'une personne du centre communal d'action sociale pour prendre en charge les problèmes sociaux. D'autres préfèrent confier cette interface à un « adulte-relais » ou à un emploi-jeunes. « Nous sommes plus exigeants sur son profil lorsqu'il a à assurer le relais avec les services sociaux », souligne toutefois Jérôme David. D'autres projets déposés envisagent d'associer, dès le lancement de l'équipe, des structures associatives spécialisées dans la prise en charge des problèmes sociaux.

Sur la base d'initiatives locales

Cette dynamique nouvelle impulsée par la politique de la ville s'appuie, pour partie, sur les expériences conduites depuis plusieurs années déjà par l'ANPE, lorsque aucune agence locale n'est directement implantée dans les quartiers en difficulté. A Strasbourg, c'est une plate-forme de services qui a été mise en place dans les sites concernés, en partenariat avec les missions locales, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes  (AFPA) et d'autres organismes de formation, les services sociaux et des associations. A Orléans, l'antenne emploi repose sur une délégation de service de l'ANPE à une structure municipale : agents de la mairie et de l'agence sont présents ensemble dans les quartiers. « Nous avons toujours considéré qu'il valait mieux contribuer au traitement global des problèmes rencontrés en développant des synergies avec d'autres acteurs de l'insertion sociale et professionnelle », explique Joëlle Casorla. Pas question donc de créer des « mini-agences », « il faut répondre aux besoins de premier niveau des personnes et les amener à fréquenter à nouveau les services de l'agence ».

C'est ce qui s'est passé à Carcassonne où près de 400 personnes issues des quartiers difficiles ont retrouvé le chemin de l'agence locale, grâce à la médiation développée depuis septembre 1999. Un tiers d'entre elles ont retrouvé un emploi (CDI, CDD, CIE, intérim, emplois- jeunes...) après leur inscription à l'ANPE. « Pour pouvoir traiter correctement ces demandeurs d'emploi, il fallait qu'ils reviennent s'inscrire en comprenant le sens et l'intérêt de cette démarche dont la perception est trop souvent administrative », défend Alain Baris, directeur de l'ANPE de Carcassonne. D'emblée, ce dernier s'est opposé à l'idée d'une agence délocalisée dans ces quartiers au profit d'une équipe de médiateurs chargés de l'accompagnement vers l'emploi. Un projet qu'il a d'abord fallu « vendre » au préfet : lequel, après s'être fait prendre à parti par des jeunes à Carcassonne, avait explicitement demandé la création d'une permanence de l'ANPE dans les territoires sensibles...

« Des ambassadeurs » pour l'emploi

Au lieu de cela, trois jeunes, eux-mêmes issus des zones fragiles des quartiers, ont été recrutés en contrats emploi-jeunes. Ils assurent aujourd'hui la médiation vers l'emploi dans les six quartiers relevant du contrat de ville de Carcassonne. Tenant des permanences grâce au partenariat noué avec des structures déjà présentes (régies de quartiers, maison des jeunes et de la culture, etc.). « Ces médiateurs ne sont pas des conseillers de l'ANPE mais de véritables ambassadeurs de l'agence locale vis-à-vis de personnes en perte de repères qui ont besoin d'être guidées », souligne Alain Baris.

Pour être à même de présenter la gamme de services offerts par l'agence, les trois médiateurs ont bénéficié d'une formation préalable d'une durée de trois semaines, assortie de piqûres de rappel régulières leur permettant d'actualiser leurs connaissances. Une demi-journée par semaine, ils viennent en outre consulter les offres d'emploi locales afin de rester au fait du marché du travail. Il leur incombe également d'assurer le relais avec les services sociaux, lorsque cela est nécessaire. « Pour que cela fonctionne, il est important d'être clair sur le profil des emplois-jeunes recrutés, précise Alain Baris. Il ne s'agit pas de faire du social ni de devenir conseiller à la place de l'agence locale, mais bien d'assurer un travail de médiation. »

Un an après le lancement de cette opération, le bilan est plutôt positif. Au-delà du nombre de nouveaux inscrits, le profil des personnes qui s'adressent aux médiateurs a évolué : si les jeunes étaient les premiers à aller assez volontiers vers les médiateurs, l'effet d'entraînement joue à présent auprès de publics plus âgés et relevant d'autres problématiques. « Nous parvenons à toucher ainsi des personnes qui manquent de qualification, qui ont une vision très floue du marché du travail ou dont le projet n'est pas réaliste. Pour d'autres, il faut véritablement reconstruire une image de l'ANPE. »

Les indicateurs d'efficacité pour ce type de mission sont délicats à définir et l'ANPE entend rester prudente et pragmatique sur le sujet. La capacité d'insertion dans un dispositif de formation et la recherche active d'emploi seront notamment analysées.  « Pour chaque équipe Emploi-insertion, une évaluation qualitative sera réalisée au bout d'un an d'activité », annonce Joëlle Casorla. Paradoxalement, c'est l'accroissement de l'effectif de demandeurs d'emploi inscrits qui constituera l'indicateur le plus voyant. Par analogie, Jérôme David observe : « Lorsque le nombre de plaintes augmente dans un commissariat, cela ne signifie pas forcément que la criminalité est plus importante, mais que les gens n'ont plus peur d'aller porter plainte... »

A Carcassonne, « obtenir d'un gitan qu'il aille en formation ou d'un jeune maghrébin qu'il s'inscrive pour la première fois dans un cercle de recherche d'emploi représente déjà un exploit en soi », estime pour sa part Alain Baris. La force du dispositif repose d'ailleurs pour beaucoup sur le fait d'avoir recruté des jeunes issus de ces communautés, importantes localement. « Lorsqu'une femme d'origine maghrébine désire travailler, il faut souvent parvenir à convaincre son mari et, en pareil cas, il serait illusoire de vouloir envoyer un conseiller de l'agence locale pour l'emploi », insiste le directeur de l'ANPE de Carcassonne. Pour autant, pas question de spécialiser ou d'affecter les médiateurs au traitement de tel ou tel quartier en fonction de leurs propres origines : tous interviennent sur l'ensemble des quartiers.

L'ANPE ne cache pas non plus que, si elle n'est pas implantée dans ces zones, c'est également pour des raisons de sécurité. L'a priori est plus favorable vis-à-vis de jeunes issus de ces quartiers, reconnaît- on à Carcassonne. A Nice, ce sont les problèmes d'insécurité qui ont fait partir la mission locale du quartier de l'Ariane. L'agence locale pour l'emploi y est présente dans le cadre d'un espace emploi-formation créé en partenariat avec des prestataires de formation.

Ici l'approche adoptée par l'ANPE est différente : un conseiller de l'agence est détaché dans des locaux prêtés par la mairie. Avec l'appui d'un animateur de proximité (un emploi-jeune), chargé de recueillir les offres d'emploi et de conduire un premier entretien avec les personnes afin de leur proposer les prestations les mieux adaptées à leurs attentes. De l'alphabétisation à l'aide au repérage des offres d'emploi, en passant par la médiation avec un premier employeur, la rédaction d'un CV ajusté au poste recherché ou d'une lettre de motivation, les services proposés sont essentiellement tournés vers l'emploi. « Si d'autres problèmes annexes se présentent, nous dirigeons les personnes vers les structures spécialisées », explique Evelyne Marchand, la conseillère principale de l'ANPE détachée dans ce quartier. Pour elle, la principale plus-value d'une telle antenne réside dans « un travail d'écoute et de proximité plus important que dans une agence traditionnelle, où l'accompagnement individualisé est plus difficile ».

Saisir les opportunités

C'est également dans le cadre de ce travail de proximité qu'il est possible de mener des actions innovantes du type de ce qui s'opère à l'occasion du festival de Nice. Profitant de cet événement local relayé par des carnavals de quartier, l'espace emploi-formation de l'Ariane a ainsi permis, depuis trois ans, à une trentaine de femmes, de suivre une formation de costumière d'une durée de six mois. « Tout en confectionnant les costumes destinés au carnaval, nous travaillons sur le projet professionnel de ces femmes », ajoute Evelyne Marchand. 80 % d'entre elles réussissent d'ailleurs leur insertion à l'issue de la formation, pour la plupart dans des emplois de services.

Si l'expérience est là aussi positive, la conseillère principale regrette toutefois que les animateurs de proximité, susceptibles de repérer les jeunes prêts à aller vers l'emploi, soient trop peu nombreux. Un manque de moyens qui sera peut-être comblé dans le cadre du projet d'équipe Emploi-insertion déposé pour le quartier de l'Ariane.

Virginie Besson

Notes

(1)  L'objectif à terme est de créer 150 équipes dans les quartiers - Voir ASH n° 2164 du 28-04-00.

(2)  ANPE : 4, rue Galilée - 93158 Noisy- le-Grand - Tél. 01 49 31 74 00.

LES ACTEURS

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur