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« LE DROIT POUR UNE PERSONNE HANDICAPÉE DE NE PAS VIVRE »

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Dominique Drilleau, directeur de l'AGCAT, explore les conséquences financières et morales de l'arrêt rendu par la Cour de cassation, accordant une indemnité à un enfant né handicapé, parce que la rubéole de sa mère n'avait pas été décelée.

« L'arrêt solennel de la Cour de cassation du 17 novembre 2000 reconnaît comme préjudice personnel d'une personne née handicapée le fait de n'avoir pu être objet d'un avortement, ce préjudice provenant d'une erreur de prédiction médicale qui a détourné sa mère de procéder à une interruption volontaire de grossesse  (IVG).

« Comme le soulignent les professeurs de droit Labrusse-Riou et Mathieu (1), le point de vue des juges conduit en cas de handicap annoncé à obliger la mère à pratiquer l'IVG. En effet, dans le cas de Nicolas Perruche, si sa mère avait été correctement avertie et si elle n'avait pas pratiqué d'IVG, le préjudice de l'enfant aurait été le même : être né handicapé par absence d'IVG, mais cette fois de la faute de sa mère et non des médecins.

« Les personnes handicapées déjà nées ou à naître peuvent désormais être présumées nées par faute de leur mère, ce qui pose la question de l'éventuelle responsabilité civile, c'est-à-dire financière, de celle-ci, à qui son enfant (par son père s'il est mineur, de lui-même ou par son tuteur quand il est devenu majeur) peut réclamer des dommages et intérêts parce qu'elle aurait sciemment refusé une IVG ou simplement se serait mal renseignée.

« Les compagnies d'assurance n'intervenaient quant au handicap qu'en cas de responsabilité dans l'origine du handicap même : erreur dans un soin, accident. Désormais, tout handicap apparaît potentiellement comme relevant de la responsabilité civile et donc des assurances. Celles-ci n'excluront-elles pas désormais de leur garantie les acteurs médicaux des naissances ainsi que les mères d'enfants nés handicapés ?

« Les personnes handicapées peuvent désormais être présumées nées par faute de leur mère »

« En effet, les personnes handicapées sont coûteuses dans la mesure où les efforts collectifs sont très importants à leur égard :soins, consultations, aides à domicile, aides à l'intégration, allocations, externats, internats. L'essentiel des financements spécifiques vient de la sécurité sociale et de l'aide sociale, qui interviennent subsidiairement : s'il y a responsabilité civile à l'origine du handicap, ou bien le financement collectif n'a pas lieu, ou bien le financeur se fait rembourser. Avec la jurisprudence Perruche, le coût du handicap tendrait à peser essentiellement désormais sur des fonds privés (si les assurances suivent).

« La société à l'avenir a donc intérêt à vérifier, en cas de naissance d'un enfant handicapé, si cette naissance ne provient pas de la faute de la mère. Ajoutons que, si la mère d'un enfant handicapé est coupable de l'avoir laissé naître, doit- on lui laisser l'autorité parentale sur cet enfant qui est sa victime ?

« On le voit, les risques de régression quant à la vision sur les personnes handicapées et leurs mères sont immenses. Ces risques concernent aussi le cas des personnes handicapées par accident : laisser survivre une personne avec des séquelles devrait logiquement être aussi considéré comme une faute de la part des soignants ou des parents. Un projet actuel de loi “rénovant l'action sociale et médico-sociale” affirme les droits fondamentaux des usagers des institutions sociales et médico-sociales, entre autres le droit à l'intégrité. Celui-ci sonne faux désormais pour les personnes handicapées dont, par définition, l'intégrité est incomplète : avec la nouvelle jurisprudence, la personne handicapée a droit à être intègre en n'étant pas.

« Pour reprendre la conclusion des professeurs cités plus haut, il est plus que temps que le législateur intervienne de manière précise dans le domaine de la bioéthique au lieu de laisser celle-ci dériver au gré des opinions, même judiciaires. Le législateur (le national, mais aussi l'européen) doit “veiller à ce que les politiques de santé publique ne conduisent pas à lutter contre la maladie par la suppression des malades”. »

Dominique Drilleau Directeur de l'Association girondine des centres d'aide par le travail (AGCAT). 4, côte de l'Empereur - 33151 Cenon cedex -Tél. 05 56 40 45 25.

Notes

(1)   « La vie humaine comme préjudice ? »  - Catherine Labrusse-Riou et Bertrand Mathieu - Article auquel ont été associés 28 professeurs et chercheurs des facultés de droit - Le Monde du 29-11-00.

Tribune Libre

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