En décembre 1999, lors des assises de la tutelle, Elisabeth Guigou, alors garde des Sceaux, avait promis que l'année 2000 constituerait une étape importante dans la modernisation du système de la protection juridique des majeurs. Où en est-on ?
- Avant même que le gouvernement ne prenne un tel engagement, le rapport des inspections générales des affaires sociales, des services judiciaires et des finances avait pointé, en novembre 1998, l'urgence de réformer le système. Et nous avions été associés au groupe de travail interministériel, mis en place sous la présidence de Jean Favard pour approfondir ses suggestions. Celui-ci a rendu public son rapport le 18 mai dernier (3). Si l'UNAF est d'accord sur le cadre juridique et philosophique des propositions, le cadre technique reste à rediscuter. Mais depuis sa parution, il n'y a plus rien !
Comment expliquez-vous que le gouvernement se soit arrêté en cours de route ?
- Il est vrai que le climat politique, avec les changements ministériels intervenus, n'a guère facilité l'avancée d'une réforme difficile, car elle engage plusieurs acteurs : le ministère de la Justice pour l´adaptation du code civil, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, la caisse nationale des allocations familiales, le ministère des Finances pour la mise en œuvre du budget global et des nouveaux modes de financement, les magistrats concernés par l'évolution des textes, en particulier, par la suppression de la saisine d'office... La difficulté de la mobilisation interministérielle peut expliquer l'absence d'arbitrage sur ce dossier.
Quels sont les risques, si rien ne bouge ?
- L'ensemble des associations et fédérations tutélaires était d'accord pour une réforme. Elles ont même proposé de procéder à des expérimentations. Mais cette situation favorable ne durera pas. Si rien n'avance, le risque est grand de voir les acteurs se démobiliser. Pendant deux ans, ils se sont très largement investis sur ce dossier. D'où leur immense déception aujourd'hui, voire leur colère, face au silence incompréhensible des pouvoirs publics. Ils ont du mal à comprendre qu'un sujet que ces derniers jugeaient très important il y a quelques mois soit, tout à coup, devenu anodin et sans intérêt.
Qu'allez-vous faire ?
- Nous voulons, dans un premier temps, réinterroger les pouvoirs publics sur les raisons de leur silence. Ensuite, les associations et les fédérations sont décidées à se mobiliser au niveau des départements en direction des préfets et des parlementaires. En 1997, la France a été interpellée par la Commission européenne sur le fait qu'un nombre trop important de personnes - 500 000, soit 1 % de la population majeure - se trouvaient sous protection juridique. Notre crainte, c'est que le gouvernement soit obligé de réformer en urgence son dispositif. Et qu'il gère en état de crise un sujet qui touche aux libertés et qui n'est pas simple. C'est bien d'ailleurs parce que la réforme est difficile qu'il faut s'y mettre dès à présent !
Propos recueillis par Isabelle Sarazin
(1) L'Association nationale des gérants de tutelle, la Fédération d'aide à la santé mentale Croix-Marine, la Fédération nationale des associations tutélaires, l'Union nationale des associations familiales, l'Unapei, l'Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes.
(2) UNAF : 28, place Saint-Georges - 75009 Paris - Tél. 01 49 95 36 00.
(3) Voir ASH n° 2168 du 26-05-00.