Une porte ouverte « à la stérilisation forcée de personnes présentant un handicap mental ». C'est ainsi que le groupe de réflexion éthique de l'Association des paralysés de France (APF) (1) qualifie l'amendement limitant la stérilisation pour les handicapés mentaux au projet de loi sur l'interruption volontaire de grossesse. Texte adopté en première lecture par les députés le 5 décembre (2).
Comme elle l'avait déjà fait en 1996 lors de la parution de l'avis du Comité consultatif national d'éthique sur ce sujet (3), cette commission exprime ses « craintes vis-à-vis d'une dépénalisation qui ne peut aboutir, malgré les précautions affichées, qu'à l'infécondité organisée d'une catégorie de population stigmatisée sur un critère quelconque et, qui plus est, mal défini ».
« Les garde-fous prévus par le législateur en l'état actuel du projet n'ont que très peu de portée réelle », dénonce-t-elle. Et de pointer l'incohérence consistant à interdire le geste chez les mineurs alors que les questions de procréation se posent bien avant la majorité légale et à l'autoriser pour les majeurs protégés « ayant le statut d'un mineur ».
Par ailleurs, l'assimilation « tutelle/stérilisation » comporte un double risque, avertit le groupe de réflexion : d'une part, d'encourager le placement abusif sous tutelle dans le seul but de stériliser ; d'autre part, d'accréditer « l'idée d'appropriation légitime de la santé et du corps d'une personne “protégée“ (d´abord pour ses biens) par des tiers ». Les sages de l'APF ne croient pas davantage à l'efficacité d'un « comité d'experts », puisqu'il serait composé des représentants de ceux qui demandent habituellement la stérilisation (parents et médecins). Enfin, « le critère médical retenu est scandaleux » : le texte propose d'autoriser la stérilisation en cas, notamment, « d'impossibilité avérée de mettre en œuvre efficacement [les méthodes contraceptives] », « impossibilité subjective qui restera in fine à l'appréciation discrétionnaire de l'entourage », prévient le groupe.
Ce dernier, regrettant au passage que l'amendement soit passé de manière « souterraine », appelle à un débat public sur ces questions. Celui-ci permettrait, espère-t-il, d'éviter une « réponse sociale de facilité » et de garantir aux familles et aux travailleurs sociaux « les moyens d'accompagner dans la r esponsabilité et la dignité les personnes atteintes d'un handicap mental ».
(1) APF :17, boulevard Blanqui - 75013 Paris - Tél. 01 40 78 69 00.
(2) Voir ce numéro.
(3) Voir ASH n° 1971 du 19-04-96 et n° 1977 du 31-05-96.