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« Une liberté publique à réaffirmer »

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Pour résister aux tentations d'encadrement législatif ou réglementaire, les associations ont la responsabilité d'affirmer l'authenticité et la qualité de leur démarche. Les associations ont à prendre à bras le corps ce qui fonde leur identité [...]pour faire reconnaître le « fait associatif » comme une manière d'entreprendre collectivement à partir de valeurs communes.
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 Face à l'extraordinaire expansion du monde associatif, il est important de signaler que ce que la loi a institué en 1901 est encore de nos jours un mode d'organisation de l'activité humaine pertinent à condition toutefois d'user habilement de la simplicité et de la subtilité de la loi en restant fidèle à ses fondamentaux et aux acquis.

Avant tout, le droit de s'associer est synonyme de liberté individuelle. A celle-ci sont attachées deux autres libertés importantes : celle de définir la finalité de l'association et celle d'organiser le groupement. En se regroupant librement autour d'un projet, les femmes et les hommes qui constituent une association installent un contrat civil qui leur confère dès lors une égalité de droits et de devoirs mais qui implique pour faire sens une capacité à favoriser la participation de toutes les composantes au projet collectif. Etre une école d'apprentissage de la démocratie se mérite. Or, dans une société de plus en plus complexe, la démarche des associations l'est d'autant plus et le défi à relever de nos jours est sans doute celui de ne pas sacrifier à l'efficacité du projet, la démocratie interne. Cet équilibre est délicat.

Il est vrai que très souvent les associations sont estimées notamment pour leur capacité à générer du lien social et toujours appréciées à l'aune de leurs activités d'autant plus que celles-ci répondent aux besoins exprimés par la demande sociale. Ce regard bienveillant à l'égard d'un acteur singulier qui s'est souvent révélé efficace dans la mise en œuvre des politiques publiques a sans doute, quelquefois, fait oublier aux partenaires des associations et aux responsables des associations eux-mêmes, la nécessité d'entretenir “l'être associatif” en tant que tel. En effet, la plus-value de l'association est également contenue dans la démarche même de cette dernière et dans son fonctionnement. Pour jouer pleinement son rôle et participer à la construction d'une société plus juste, plus solidaire, l'association se doit d'être un espace de participation de qualité, une micro-société en quelque sorte où s'opère d'emblée le brassage social, où le dialogue et l'échange doivent s'ajouter au seul partage des valeurs. Il en va de la capacité de l'association à générer une véritable fécondité citoyenne. C'est là où la culture de la participation n'a pas le même sens que dans la société de capital. Cette nécessité est d'autant plus importante que la vie associative a recours pour mener ses actions à des catégories de ressources humaines diversifiées et notamment au recrutement de salariés. Elle révèle d'ailleurs aujourd'hui un espace nouveau d'activité placé entre le bénévolat et le salariat qui ne peut pas se satisfaire de la législation existante (statut du volontaire). L'élargissement de la palette des acteurs du projet oblige aujourd'hui à plus de rigueur intellectuelle pour véritablement générer l'implication responsable de toutes les composantes dans un partage des rôles bien compris.

Voilà pourquoi entre autres, l'association se doit en permanence de s'interroger sur le sens de son action, d'édicter clairement les conditions d'exercice du pouvoir en ne s'arrêtant pas à la juxtaposition des organes de décisions. Davantage qu'à l'origine, l'association moderne est amenée à se construire par la mise en œuvre d'un scénario d'acteurs subtil mais déterminant pour assurer son dynamisme.

La transparence constitue sans doute l'un des sujets les plus récurrent de ces dernières années, touchant à la fois la vie publique, politique et les associations. Il y a autour de cette question des enjeux majeurs pour le présent et pour l'avenir des associations. Il ne s'agit pas d'un effet de mode. En effet, la complexité du concept tient notamment aux interactions que la transparence induit avec la liberté d'association et au risque qu'elle fait courir de limiter l'exercice de ce droit : elle n'est pas légitime dans l'absolu. Néanmoins, les associations risquent d'être victimes du succès du statut associatif qui recouvre de nos jours des réalités diverses dommageables à l'identité du monde associatif (la loi 1901 est quelquefois utilisée à des fins différentes de son objet premier : commerce, administration, prosélytisme en tout genre...). Des travaux menés sur la transparence et des expériences concrètes, il ressort la nécessité d'une prise de conscience sur l'intérêt d'une nouvelle pratique. De nombreuses initiatives ont déjà été prises en ce sens. Néanmoins, la transparence des associations peut encore progresser

Pour résister aux tentations d'encadrement législatif ou réglementaire, les associations ont la responsabilité d'affirmer l'authenticité et la qualité de leur démarche. L'une des garanties contre les dérives réside entre autres dans une attitude volontaire des associations elles-mêmes, appuyée sur une déontologie librement définie. Fondée elle-même sur un contrat, l'association est au cœur d'un certain nombre de contrats formels ou implicites (statuts, règlements intérieurs, convention de financement, affiliation, production de rapports d'activités, financiers en assemblée générale…). Même si l'exigence de transparence ne saurait être globale et uniforme sur tout et pour tous, cette voie mérite d'être cultivée pour aboutir sans contrainte extérieure à un rayonnement de l'information interne et externe.

Très souvent décrié, le fait fédératif peut être, comme l'affiliation à un réseau, un vecteur de cette transparence.

D'ailleurs, sans négliger l'intérêt et la pertinence des associations dont l'activité se développe hors des réseaux, il faut convenir que l'un des atouts des associations organisées en union ou en fédération est leur capacité à appréhender les enjeux qui naissent sur des territoires diversifiés (régional, national, européen...) et d'en faire bénéficier leurs partenaires lorsqu'elles agissent au niveau le plus local de la commune par exemple.

Dans un autre ordre d'idée, l'atomisation du monde associatif, son morcellement est peu en phase sans doute de nos jours avec la nécessité de révéler l'Association comme un acteur à part entière, comme un partenaire reconnu. Ceci est vrai dans le cadre, par exemple, des politiques de développement qui soulèvent des questions de fond sur la société touchant au principe d'équité et de cohésion sociale faisant appel à l'exercice d'une démocratie locale de qualité basée sur la concertation.

Par ailleurs, il faut noter qu'au fil de l'histoire, les associations ont pris une part beaucoup plus active à la vie économique du pays ne serait-ce que par la création d'emplois nécessaire d'une part au développement de leurs activités, d'autre part aux réponses à apporter au phénomène de l'exclusion. Pour autant, leur dimension économique fait toujours l'objet de suspicions et malgré le sens de la loi 1901 à cet égard, le mode de production économique des associations n'est pas réellement reconnu sans doute parce que la richesse générée produit avant tout des effets sociaux.

La loi 1901 n'interdit pas à l'association d'être dans l'économique, tout au plus, elle en fixe l'une des conditions : le non-partage des bénéfices, c'est-à-dire des excédents. Dès l'instant que ce principe de non-lucrativité, constitutif de l'identité de la démarche associative, est respecté, on peut considérer que la dimension économique de l'activité des associations devrait être légitimée dès lors qu'il s'agit de réaliser les activités qui découlent de l'objet social. La concertation et le débat sur le dossier fiscal démontrent que cela ne va pas de soi, même si l'association paie l'impôt en l'occurrence, la taxe sur les salaires. L'application des règles de droit commun pose un problème de fond.

Or, réside dans l'exercice de cette fonction de l'association (rendue plus visible du fait, entre autres, des exigences faites au monde associatif de développer davantage de compétences gestionnaires) un enjeu essentiel :pourra-t-on concevoir en effet que la compétence “politique” des associations (démocratie participative, production de cohésion sociale, etc.) puisse être accompagnée d'une démarche économique qui bien que limitée par le droit pourrait s'inscrire dans une économie dite plurielle, respectueuse des initiatives qui ne se présentent pas forcément sous le standard des acteurs de l'économie de marché ? Sans entrer dans le détail, là encore, les associations ont à prendre à bras-le-corps ce qui fonde leur identité et qui renvoie aux fondamentaux de la loi 1901 en évitant la banalisation pour faire reconnaître le “fait associatif” comme une manière d'entreprendre collectivement à par- tir de valeurs communes.

Au-delà des critères identifiant la démarche associative, le plus significatif sans doute dans la transformation des pratiques est le rapprochement opéré entre le secteur privé et le secteur public fondé sur la relation des associations avec les pouvoirs publics. Il s'agit là d'une longue histoire qui s'est construite au fil du temps sur des bases mouvantes d'une époque à l'autre. De l'encadrement à l'instrumentalisation, de la méfiance à l'indifférence ou à la confiance, l'association s'est souvent, par nécessité de sécurité financière conformée aux évolutions des politiques publiques, à la logique de dispositifs. Elle a, dans tous les cas, servi l'intérêt général : c'est ce qu'il faut d'abord retenir. Mais le monde associatif n'aurait pas joué son rôle s'il ne s'était pas préoccupé d'installer le débat pour rechercher les voies les plus appropriées afin d'optimiser les relations entre deux types d'acteurs dont l'action conjuguée est un gage de qualité dans la prise en compte de l'intérêt général et pour générer une démocratie vivante. Se pose là la question du partenariat à construire en dehors de la subordination et de l'arbitraire. L'expérience montre que la culture de part et d'autre s'affine mais entre l'affirmation du rôle irremplaçable des associations et sa traduction sur le terrain de la relation partenariale, il existe encore des écarts importants qui montrent que le rapport n'a rien d'égalitaire. Il faut lever les barrières du dialogue en réglant le conflit permanent de légitimité qui oppose trop souvent collectivités publiques et associations.

Mais cela ne suffit pas pour sceller un partenariat authentique et solide, il convient que chaque partie s'engage à reconnaître des droits et à observer des obligations. La convention constitue dans ces conditions le meilleur cadre contractuel pour un partenariat équilibré.

Cependant, des conditions sont à réunir pour réaliser un partenariat touchant à la fois la forme et le fond : objet du financement prenant en compte la logique publique et le projet de l'association, la pluralité, la réciprocité des engagements, l'évaluation des résultats, les modalités de contrôle... Cette question de fond ne concerne d'ailleurs pas uniquement ce qu'il est convenu d'appeler les grands réseaux associatifs mais toutes les associations quels que soient leur taille et leur territoire d'intervention.

La plus grande des exigences à la veille du centenaire de la loi 1901 serait sans doute de réaffirmer l'intérêt de cette liberté publique fondamentale tout en veillant à ce que les relations entre la puissance publique et les associations puissent évoluer en dehors d'un environnement réglementaire ou de contrôle alourdi, sur la base d'engagements contractuels solides, appuyés sur la reconnaissance des spécificités de chacun. Ceci implique du côté des associations qu'elles s'engagent dans une démarche d'authentification de leur projet en affirmant encore davantage leur identité.

Le dossier avance et la mise en place d'une nouvelle politique en la matière est attendue prochainement. »  

Par Edith Arnoult-Brill  Présidente du Conseil national de la vie associative

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