C'est le 2 décembre, à Nantes, que Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur, lancera officiellement la célébration du centenaire de la loi du 1er juillet 1901 sur la liberté d'association. Laquelle va donner lieu, l'année prochaine, à une série de manifestations initiées par des associations et des collectivités territoriales et « labellisées » par la mission interministérielle créée pour l'occasion sous la présidence de Jean-Michel Belorgey, conseiller d'Etat et ancien député (1). Avec deux temps forts : en février 2001, une rencontre des plates-formes associatives européennes organisée au Parlement européen ; fin juin, trois colloques au Conseil économique et social, à l'Assemblée nationale, au Sénat et une manifestation nationale réunissant les pouvoirs publics et le monde associatif.
Pas question néanmoins pour la mission de s'en tenir à l'aspect festif de cette célébration et au seul hommage rendu à Pierre Waldeck-Rousseau, le père de la loi. Elle compte bien profiter du centenaire pour impulser une réflexion sur la place de la vie associative, ses acquis et difficultés. C'est le sens d'ailleurs des 15 manifestations qu'elle a programmées en régions, dès cette année, au cours desquelles chercheurs, responsables associatifs, médias planchent sur différents thèmes : le temps ou l'argent associatif, les rapports avec les pouvoirs publics...
Temps de commémoration donc, mais aussi d'évaluation et de bilan. A cet égard, les chiffres sont éloquents (2) : de 700 000 à 800 000 associations recensées, 60 000 nouvelles enregistrées chaque année, 20 millions, au moins, d'adhérents de plus de 14 ans. En un siècle, la loi du 1er juillet 1901 a permis un développement spectaculaire de la vie associative. Sachant que sa croissance quantitative s'est accompagnée d'une transformation de sa place dans la société. Les associations ont pris en charge, dans les domaines de la santé, de l'action sociale, de l'éducation, du sport, des actions délaissées par la sphère marchande ou que les pouvoirs publics ne souhaitaient plus exercer. Et leur rôle économique n'a fait que croître. Avec 270 000 d'entre elles inscrites au répertoire des entreprises, 250 milliards de francs de budget consolidé, 1 300 000 salariés (plus de 800 000 en équivalents temps plein), elles constituent une composante économique et sociale incontestable. En particulier, dans les domaines de la santé et de l'action sociale qui, avec près de 560 000 salariés (380 000 en équivalents temps plein), restent toujours leur principal champ d'intervention. On rappellera, à cet égard, que plus de la moitié des travailleurs sociaux sont embauchés par les associations.
Créée en 1992, la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) regroupe 14 organisations (3) . Reconnue comme l'instance politique de représentation du monde associatif lors des assises nationales de la vie associative, elle s'est vu attribuer le label « grande cause nationale » pour l'année du centenaire de la loi 1901 sur le thème de l'engagement associatif. Dans ce cadre-là, la CPCA devrait interpeller les candidats aux élections municipales sur leur engagement auprès du monde associatif et organiser des assises régionales autour du projet associatif. Elle réfléchit également à une « charte d'engagements réciproques entre les pouvoirs publics et les associations » affirmant clairement les principes et les règles du jeu de la coopération. Texte qui, après concertation avec les administrations, pourrait être signé par le Premier ministre et le président de la CPCA au 1er juillet 2001.
Pourtant, le secteur s'est plaint longtemps d'un manque de reconnaissance et de soutien de la part des pouvoirs publics. Force est de reconnaître sur ce point que les choses avancent. L'élaboration de la loi contre les exclusions en concertation avec le collectif Alerte est à cet égard significative de la prise en compte par l'Etat du rôle incontournable des associations dans l'accès à la citoyenneté et la reconstruction du lien social. De même, les assises nationales de la vie associative, les 20 et 21 février 1999 (4), marquent un tournant dans leurs relations avec la puissance publique. D'abord, le gouvernement a pris acte des efforts de structuration d'un secteur, longtemps perdu dans ses divisions, en reconnaissant la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) comme un interlocuteur politique à côté du rôle d'expertise joué par le Conseil national de la vie associative (CNVA). Ensuite, la méthode même a changé puisque les associations participent désormais au suivi de ces assises, dans le cadre de groupes de travail au sein de la délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie sociale (DIES).
Bel exemple de concertation, notamment, « l'affaire » des instructions fiscales du 15 septembre 1998 et du 16 février 1999 qui précisent les conditions dans lesquelles une association peut être soumise aux impôts commerciaux (5). Là, l'important travail engagé avec les services du ministère des Finances a permis aux associations, qui craignaient une fiscalisation aveugle de leurs activités, de faire reconnaître certaines de leurs spécificités. Et si tout n'est pas réglé, le groupe de suivi auquel elles participent, leur permet de pointer les dysfonctionnements décelés sur le terrain.
Autre point sur lequel la concertation semble avoir plutôt bien fonctionné : les conventions pluriannuelles d'objectifs qui, ardemment souhaitées par les associations, devraient leur éviter la course aux subventions et sécuriser leurs trésoreries. Certes, les modalités de financement sur une base pluriannuelle étaient déjà définies par la circulaire du 7 juin 1996. Mais celle-ci était mal appliquée et ne concernait que les administrations centrales. Actuellement à la signature du Premier ministre, le nouveau projet de circulaire préparé par la DIES concernerait désormais tous les services de l'Etat, tant au niveau central que déconcentré, ainsi que les établissements publics sous leur tutelle et il prévoierait des systèmes d'avance. Vigilantes sur le texte définitif, les associations espèrent participer au groupe de suivi et surtout à la définition des critères et des procédures d'évaluation de leur projet, exigée en contrepartie.
Mais la reconnaissance du secteur s'est également jouée à travers la réforme du Fonds national pour le développement de la vie associative, en mars 2000 (6). Au-delà de la hausse significative de sa subvention, ses domaines d'intervention ont notamment été étendus au financement d'études sur la vie associative et d'expérimentations. Et son conseil de gestion est désormais composé à parité des représentants des différents ministères et des associations.
Certes, tout n'avance pas à la même vitesse. C'est ainsi que les efforts menés pour mieux connaître la « nébuleuse » associative doivent être poursuivis. Dans ce cadre le groupe de travail constitué avec les associations, la DIES, les ministères concernés et le Conseil national de l'information statistique de l'INSEE, pour réfléchir aux moyens de doter le secteur d'un outil statistique, doit être réactivé. Enfin, on ne saurait passer sous silence tous les autres chantiers en cours, comme l'éventuelle réforme de la reconnaissance d'utilité publique, la professionnalisation des emplois-jeunes, la place des femmes dans les associations, le statut juridique des organismes d'utilité sociale, à partir du rapport Lipietz dont la mouture définitive a été remis début octobre à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité (7).
Bien sûr, tout n'est pas réglé. « La place de l'association n'est pas encore officiellement complètement reconnue et dans tous nos domaines nous nous sentons vivre sous une certaine menace (fiscalité, marchés publics, judiciarisation des responsables) », explique-t-on à la CPCA. Il est certain que le développement de l'activité économique et sociale des associations n'était nullement inscrit dans la loi de 1901. Et que son régime juridique apparaît aujourd'hui moins adapté.
Faut-il pour autant réformer en profondeur une loi symbole de liberté et qui a pu, grâce à la souplesse de son dispositif, accompagner les évolutions de la vie associative ? Souvent exprimée, notamment à l'occasion de dérives constatées dans le fonctionnement de certaines associations, cette revendication pourrait bien resurgir à la faveur d'un centenaire marqué par les échéances électorales municipales, puis législatives. Pourtant, aussi bien le Conseil d'Etat, qui a consacré une partie de son rapport 2000 aux associations, que les principaux responsables du secteur s'accordent à juger dangereux de toucher au dispositif. Même s'ils estiment nécessaire- selon des modalités et à des degrés divers - de procéder à des clarifications et d'opérer certains progrès.
C'est tout le sens des réflexions de Jean-Michel Belorgey, président de la mission interministérielle pour la célébration du centenaire de la loi, de Jean-Michel Bloch-Lainé, président de l'Uniopss et d'Edith Arnoult-Brill, présidente du CNVA, que les ASH ont sollicités pour l'occasion. Sachant qu'au-delà du débat sur la réforme ou non de la loi, un autre défi se pose aux associations d'action sociale, défend Francis Batifoulier, directeur d'une maison d'enfants. A savoir leur capacité à concilier leurs exigences éthiques et politiques et le management.
Isabelle Sarazin
(1) Mission interministérielle pour la célébration du centenaire de la loi 1901 : 35, rue Saint-Dominique - 75007 Paris - Tél. 01 42 75 53 62.
(2) Sources : rapport public 2000 du Conseil d'Etat (
(3) Dont la Fonda, l'UNAF, l'Uniopss, la coordination Sud, le Cnajep, le CGOL- LFEEP, la Cadecs - CPCA : 14, passage Dubail - 75010 Paris - Tél. 01 40 36 80 10.
(4) Voir ASH n° 2108 du 26-02-99.
(5) Voir ASH n° 2144 du 3-12-99 et n° 2146 du 17-12-99.
(6) Voir ASH n° 2157 du 10-03-00.
(7) Voir ce numéro.