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Emplois-jeunes : quand les publics en difficulté font de la prévention spécialisée

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Dans quelles conditions les publics des quartiers en difficulté accèdent-ils aux emplois- jeunes sur le terrain même de la prévention spécialisée ? Leur intervention interfère- t-elle avec les missions des professionnels ? Ces questions étaient au cœur d'une étude du Comité national de liaison des associations de prévention spécialisée (CNLAPS), menée au cours du premier semestre 2000 et rendue publique le 28 novembre, lors de son colloque sur les « nouveaux emplois dans les quartiers »   (1).

L'investigation s'est déroulée en deux temps. Un questionnaire a d'abord été envoyé à l'ensemble des associations de prévention spécialisée réparties dans toute la France sur les emplois-jeunes repérés dans leur proche environnement. Puis six rencontres régionales ont permis d'échanger autour des difficultés rencontrées sur le terrain.

Sur les 504 emplois-jeunes décrits, plus de la moitié sont consacrés à des fonctions de « sécurisation des espaces collectifs », publics ou privés : le comité regroupe sous ce vocable les auxilliaires de police et surtout les médiateurs en tout genre et les agents d'ambiance dans les transports, un quartier, une rue, un immeuble, un gymnase...

Des missions floues

L'enquête fait ressortir une série de problèmes spécifiques au public et au terrain concernés.

Le fonctionnement du dispositif lui-même est souvent mal cadré, estime le CNLAPS. Le tutorat fonctionne de manière « assez laxiste », le supérieur hiérarchique est souvent considéré comme le seul référent. Surtout pour les postes affectés à des missions de médiation, de « médiation-gardiennage » ou de « médiation-animation », un « flou considérable » règne sur la définition des tâches. Le comité note aussi « un usage pratique de ce travail pour des objectifs de contrôle social  ». L'étude remarque enfin que la pérennisation des emplois-jeunes, lorsqu'elle est envisagée, prévoit beaucoup plus souvent l'intégration dans une fonction « classique » que dans la nouvelle fonction consolidée.

Des jeunes pris en tenaille

Pour les jeunes eux-mêmes, l'enquête souligne que lorsqu'ils sont affectés à des missions de médiation dans des quartiers « sensibles » dont ils sont originaires ou auprès de groupes sociaux en rupture, ils sont « pris en tenaille entre leur exercice salarié et leur vie personnelle ». Ils ne trouvent que « difficilement, voire pas du tout » le moyen de se sortir de cette situation contradictoire.

Le processus « d'ethnicisation » des emplois- jeunes dans les fonctions de médiation au sein des quartiers « sensibles » a été souligné à Lille. Certains jeunes recrutés pour leur « aura » dans leur milieu d'origine voient leur « efficacité ruinée » du seul fait de leur professionnalisation, remarquent aussi quelques associations parisiennes.

On peut s'interroger, poursuit l'étude, sur le rôle du dispositif dans la trajectoire des jeunes qui y sont impliqués. S'agit-il de la « nouvelle version de l'ascenseur social » pour une fraction de la population ? D'un processus de notabilisation pour les jeunes « leaders » de quartier ?D'un vecteur supplémentaire pour les stratégies de survie ou d'un outil dans la panoplie d'insertion sociale ?

En matière de formation, le comité relève en tout cas que les attentes des jeunes, des employeurs et des organismes de formation « ne sont pas en phase ». Il juge que les pré- requis sont souvent hors d'atteinte pour les jeunes les plus démunis.

Les professionnels remis en cause ?

Les professionnels de la prévention spécialisée sont également confrontés à des difficultés spécifiques. Tout d'abord par rapport aux jeunes envers lesquels ils doivent parfois conserver un rôle de soutien éducatif, tout en développant avec eux des rapports de collègues de terrain. Ensuite, la multiplication des missions de médiation confiées aux emplois-jeunes renvoie aux professionnels la question de leur légitimité et de leur efficacité face aux demandes de « sécurisation » exprimées notamment par les municipalités. A cet égard, les rencontres régionales « ont été l'occasion d'ouvrir une réflexion autocritique qui reste à approfondir », note le comité, qui incite à poursuivre l'examen des capacités du secteur à définir sa spécificité, à produire du savoir sur ses pratiques, à communiquer, à prendre sa place dans la nouvelle structuration des métiers du social...

Finalement, l'étude insiste sur la nécessaire « consistance du projet » à l'origine de la création d'un emploi-jeune, sur l'indispensable clarification des missions confiées, et sur la nécessité de concevoir de nouvelles formations et pédagogies adaptées à ces emplois-jeunes.

Plus généralement, le CNLAPS souhaite une réflexion « approfondie et critique » sur le sens, pour la société, du « processus de segmentation et de professionnalisation d'attitudes civiques de base » corrélatif à la multiplication des missions de médiation.  M.-J. M.

Notes

(1)  Les emplois-jeunes, nouveaux acteurs du social, et la prévention spécialisée - Disponible lors de la parution des actes du colloque au CNLAPS : 562, avenue du Grand-Ariétaz - 73000 Chambéry - Tél. 04 79 96 27 30.

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