Pourquoi ces états généraux ?
- La commission des libertés et droits de l'Homme du CNB a eu cette idée en février, à la suite de la publication du livre du docteur Vasseur dénonçant les conditions de vie dans les prisons. Les avocats savaient déjà qu'elles étaient abominables, déplorables, dégradantes. Compte tenu de notre rôle, nous estimions qu'il était de notre devoir d'organiser une grande manifestation sur le sujet. Mais nous ne souhaitions pas l'aborder sous un angle uniquement juridique, cela aurait été réducteur. Nous voulions ouvrir le débat à des aspects de la condition carcérale que nous connaissons mal : la maladie, la sexualité, la détresse morale et psychique des détenus, les conditions de travail du personnel pénitentiaire notamment. D'où cette idée des états généraux, qui impliquent un travail de longue haleine, associant tous les intervenants dans les prisons, sur tout le territoire.
Concrètement, comment se dérouleront ces états généraux ?
- Pour commencer, nous lançons l'opération aujourd'hui par un colloque, à Paris, au cours duquel nous aborderons quatre problèmes : la surpopulation carcérale ; la santé, en particulier le suicide, la souffrance psychique, les femmes enceintes et les naissances en prison, le traitement des maladies chroniques ;les peines alternatives
- comment se fait-il qu'en l'an 2000, l'Etat n'ait pas trouvé d'autres sanctions que l'isolement en cage des personnes comme au Moyen Age ? - ; enfin, la citoyenneté - pourquoi la peine privative de liberté entraîne-t-elle automatiquement la suppression du droit à la famille, à la santé, à la sexualité, à la dignité ? Au-delà du colloque, nous invitons toutes les professions judiciaires, les travailleurs sociaux, les syndicats de l'administration pénitentiaire, les associations de réinsertion et d'aide aux familles, les médecins, les bénévoles, les politiques, etc., à réfléchir tous azimuts sur une réforme de fond de la condition pénitentiaire. Pour recueillir leurs propositions, nous nous sommes associés avec l'Observatoire international des prisons, qui possède une organisation très décentralisée. Nous ferons la synthèse de toutes les doléances dans un livre blanc, remis le 14 juillet au gouvernement.
Avez-vous le sentiment que ces doléances seront bien reçues par le pouvoir politique ?
- Il existe une réelle volonté politique du gouvernement (2) et du législateur de mettre à plat et de repenser le système pénitentiaire. De nombreux parlementaires sont déterminés à poursuivre leurs consultations sur la lancée de leurs rapports publiés en juillet (3). Je pense que les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat sortiront un avant-projet de loi courant 2001. C'est pourquoi je suis persuadé que le législateur sera réceptif aux remontées, nombreuses j'en suis sûr, de ces états généraux. En tout cas, ces derniers seront révélateurs de notre capacité de mobilisation collective et de l'état de santé de notre démocratie.
Propos recueillis par Paule Dandoy
(1) Cet établissement d'utilité publique est chargé de représenter les 35 000 avocats français auprès des pouvoirs publics - CNB : 23, rue de la Paix - 75002 Paris - Tél. 01 53 30 85 60.
(2) Voir ASH n° 2189 du 17-11-00.
(3) Voir ASH n° 2174 du 7-07-00.