« Les zones d'attente et les centres de rétention sont l'horreur de notre République. » C'est le constat dressé par le député Louis Mermaz (PS) dans un rapport accablant présenté dans le cadre de la discussion sur les crédits alloués à la police dans le budget 2001 (1).
On dénombre actuellement 122 zones d'attente (les aéroports de Roissy et d'Orly concentrent toutefois 88 % de leur activité) et 17 principaux centres de rétention. Pour mémoire, le placement en zones d'attente, dont la durée peut aller jusqu'à 20 jours, concerne les étrangers bloqués à leur arrivée sur le territoire français, soit parce qu'ils ne sont pas autorisés à y entrer, soit parce qu'ils demandent leur admission au titre de l'asile. Le nombre de personnes maintenues dans ces structures est en augmentation constante ( 9 982 sur les six premiers mois de l'année 2000, soit + 143 % par rapport au premier semestre 1999). Les centres de rétention « accueillent », de leur côté, les étrangers contraints de quitter le territoire français (expulsion, reconduite à la frontière...), pendant le temps nécessaire à l'organisation de leur départ et pour une durée maximale de 12 jours. Le nombre de personnes retenues dans les seuls centres « statutaires » de métropole pourrait être proche de 20 000 cette année (contre 14 672 en 1999).
Au terme d'une série de contrôles dans quatre zones d'attente et cinq centres de rétention, le bilan dressé par le parlementaire est sans appel : « Des personnes sont traitées dans ces lieux de façon inacceptable. » Le rapporteur somme ainsi le gouvernement de « réagir ».
Un effort financier demandé pour améliorer les infrastructures
Le tableau dressé par le député de l'Isère sur l'état des structures visitées est particulièrement sombre. Il décrit ainsi, pour les zones d'attente comme pour les centres de rétention, des locaux inadaptés, « exigus, vétustes et sinistres », dégageant une « impression d'enfermement » et où sont « entassés » des hommes et des femmes « dans des conditions de promiscuité inacceptables ». Une situation déjà dénoncée par les associations (2). En conséquence, l'ancien président de l'Assemblée nationale appelle le gouvernement à engager un effort financier pour améliorer les conditions d'accueil des zones d'attente, pour proposer « davantage d'hygiène, d'espace et de chaleur humaine » à des « personnes qui n'ont commis aucun crime, sinon d'être nées » dans des pays en proie à la guerre ou à la misère (3). Même recommandation pour les centres de rétention pour lesquels le parlementaire réclame un vaste plan de rénovation. Selon lui, certains ne seraient même plus en état d'être aménagés et devraient cesser toute activité.
Une réforme attendue pour l'accueil des mineurs isolés
Louis Mermaz revient par ailleurs sur le problème posé par l'arrivée, chaque année, de centaines de « jeunes errants » aux frontières françaises (891 en 1999). Il rappelle ainsi qu'un projet de loi est en cours de préparation, tendant à conférer aux mineurs isolés de 16 à 18 ans (soit 90 % des situations concernées) la capacité d'agir en justice et de demander l'asile. Une proposition qui « peut avoir un air sympathique, mais [qui] peut aussi se retourner contre les jeunes », a t-il ajouté devant la presse. Sous couvert de permettre d'organiser leur défense, elle les rend en effet, de facto, expulsables (4). En outre, le député souligne que si, comme la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) l'a affirmé, l'admission des mineurs doit être la règle, « encore faut-il que les services sociaux puissent les encadrer dans des structures adaptées » .
Un encadrement des centres de rétention jugé indispensable
Le député regrette tout autant l'absence de cadre réglementaire en matière de rétention à ce jour, ce qui favorise des inégalités de traitement entre les étrangers concernés. Un projet de décret est, là encore, en préparation. Sa version initiale, très critiquée par la CNCDH (5), a été remaniée par le Conseil d'Etat. Louis Mermaz espère ainsi que le gouvernement appréciera la portée des différentes observations faites par ces instances, notamment celles réclamant la fixation d'une durée maximale pour le maintien dans un local de rétention (24 ou 48 heures) et d'un « délai assez bref pour la mise en conformité des structures existantes (avant le 1 er janvier 2002) ». Il demande aussi que soit encouragée la « présence d'observateurs extérieurs » , comme celle des parlementaires ou des associations (6). Un souhait exprimé également pour les zones d'attentes, où il faudrait « peut-être songer à élargir les possibilités offertes aux associations pour y accéder », suggère le député.
Un traitement plus ouvert des demandes d'asile
Enfin, plus généralement, Louis Mermaz plaide pour une réflexion sur la politique française en matière d'asile, qui est aujourd'hui une « machine à fabriquer des clandestins ». Il réclame, en particulier, un renforcement des moyens humains et financiers de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, une réduction de la durée du traitement des dossiers (actuellement d'un an, parfois deux) ainsi qu'un examen « plus ouvert » des demandes, pour que l'asile acquiert « enfin la place que le législateur entendait lui conférer », celle qui « permettra à notre pays de se proclamer, de nouveau, terre d'asile pour les opprimés ».
(1) C'est en effet la police qui, pour l'essentiel, est responsable de ces structures.
(2) Voir ASH n° 2160 du 31-03-00.
(3) Une nouvelle zone d'attente d'une capacité de 160 lits devrait ouvrir à Roissy début 2001.
(4) Voir ASH n° 2182 du 29-09-00.
(5) Voir ASH n° 2158 du 17-03-00.
(6) La loi du 15 juin 2000 prévoit la visite au moins une fois par semestre du procureur de la République dans ces locaux - Voir ASH n° 2178 du 1-09-00.