Deux ans après le vote de la loi contre les exclusions, le dispositif de prévention des expulsions est « indéniablement un de ceux pour lequel les contrastes d'application sont les plus frappants », constate le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, dans son VIe rapport remis au président de la République, le 14 novembre (1).
Des parties de territoire « s'affranchissent de la loi », certains départements « refusent » même que leurs services sociaux s'investissent dans les enquêtes sociales nécessaires au travail de prévention, s'insurge le Haut Comité. Seulement 25 % des départements ont mis en place des dispositifs de coordination entre les différents services de l'Etat, du conseil général et des organismes sociaux. Si les préfectures et les directions départementales des affaires sanitaires et sociales « se sont généralement bien engagées dans cette réforme », les conseils généraux « sont inégalement impliqués [...] comme si la prévention ne les concernait pas », soulignent les rapporteurs. Ainsi, une véritable politique de prévention en amont des jugements des tribunaux reste encore à instaurer dans un certain nombre de départements. L'instance demande également une augmentation des crédits des fonds de solidarité pour le logement pour l'accompagnement social des familles, particulièrement celles qui cumulent problèmes économiques et difficultés de comportement.
Par ailleurs, vu la complexité du volet logement de la loi contre les exclusions, il juge nécessaire de développer des actions d'information et de formation, au-delà des services de l'Etat, impliquant les conseils généraux, les communes et leurs centres communaux d'action sociale, les bailleurs, le secteur associatif et les caisses d'allocations familiales.
Les membres du Haut Comité n'oublient pas l'engagement important des associations, notamment, pour l'accueil et l'orientation des ménages en difficulté, l'hébergement temporaire ou d'urgence et la médiation locative. Ils souhaitent que des procédures nouvelles soient aménagées afin d'éviter des délais de paiement par les collectivités publiques trop importants.
Autre préoccupation : les difficultés récurrentes pour loger les grandes familles. Le Haut Comité regrette que les parlementaires n'aient pas retenu dans le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains - dont l'adoption définitive est attendue pour ce 21 novembre - sa proposition pour une différenciation positive des grands logements dans le décompte des 20 % de logements sociaux, à respecter par les communes dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants. Le 1 % logement pourrait aussi proposer des prêts privilégiés à des particuliers ou à des sociétés civiles immobilières qui s'engageraient à produire ce type de logements (construction ou transformation). De même, les caisses d'allocations familiales pourraient davantage s'engager dans l'aide à l'investissement. En outre, l'Etat pourrait encourager la construction de tels logements par des propriétaires privés en leur accordant un régime fiscal particulier (déduction forfaitaire des revenus fiscaux de 50 % au lieu des 25 % actuels).
Le rapport revient sur le mois de carence pour l'aide personnalisée au logement, qui n'est « ni une véritable économie, ni une mesure de justice ». Ce mécanisme, dont il réclame la suppression, pousse les familles modestes à se retourner vers des dispositifs sociaux (Fonds de solidarité pour le logement, CAF, aides communales) pour obtenir une aide et solliciter des prêts augmentant leur taux d'endettement. « Des coûts qui relèvent du droit commun sont ainsi transférés vers des dispositifs en faveur des plus défavorisés, au risque de développer des formes d'assistance pour un public qui n'en relève point. »
L'instance prône également des mesures fiscales « qui reconnaissent davantage l'intérêt du maintien ou de la création d'un parc privé très social ».
Plus largement, le Haut Comité appelle à un nouveau programme d'actions pour offrir un logement décent aux personnes défavorisées « plus ambitieux que le précédent ». Il inclurait, entre autres, un plan de création de structures spécialisées dans la « grande exclusion » .
(1) Le logement des personnes défavorisées à l'épreuve de l'application de la loi, VIe rapport 2000 - Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées : 38, rue Liancourt - 75014 Paris - Tél. 01 40 64 49 33 - Disponible sur demande.