Le droit peut constituer une « menace crédible » dans la lutte contre les discriminations, à condition d'être « adapté aux buts poursuivis, facile d'accès » et véritablement mis en œuvre. Telle est la conclusion du Groupe d'études et de lutte sur les discriminations (GELD), dans un rapport (1) rendu après six mois de discussions au sein d'un groupe de travail composé de juristes, de représentants des ministères, des syndicats ou des associations.
L'étude dresse tout d'abord un état des lieux très critique et constate qu'il existe un fossé entre le nombre supposé de pratiques discriminantes et la faiblesse des actes discriminatoires effectivement sanctionnés par les tribunaux. Un phénomène qui, selon les auteurs, tient notamment au fait qu'en droit français, c'est à la victime d'apporter la preuve du délit (2). La faible mobilisation des forces de police et la « passivité » des parquets, seraient également un obstacle à la répression effective.
Pour remédier à ces difficultés, le groupe de travail fait une série de recommandations. Dans le domaine civil tout d'abord, il prend note de la récente proposition de loi qui renverse la charge de la preuve en droit du travail (3), mais propose d'aller encore plus loin, en permettant aux associations antiracistes d'agir en justice devant les prud'hommes et/ou d'intervenir dans la procédure devant les tribunaux de droit commun, au même titre que les organisations syndicales. Il plaide également pour un élargissement des pouvoirs d'enquête de l'inspecteur du travail.
Dans le domaine pénal, le groupe suggère de permettre à la victime d'être entendue dès la réception de la plainte, lors du déclenchement de l'enquête et pendant l'instruction. En outre, un certain nombre de propositions visent à mobiliser les parquets contre les délits de discriminations.
Enfin, il prône la mise en place d'une nouvelle instance, qui élaborerait et proposerait « aux acteurs sociaux des stratégies juridiques et/ou judiciaires, et qui permettrait de rompre ainsi avec un traitement juridique parcellisé des discriminations ».
(1) « Le recours au droit dans la lutte contre les discriminations : la question de la preuve » - Note n° 2 du conseil d'orientation du GELD - Octobre 2000.
(2) Au civil, c'est la réalité du préjudice causé par le geste discriminatoire qu'il faut prouver. Au pénal, en plus de la réalité de l'acte et de la nature du motif, il convient de démontrer l'intention.
(3) Proposition de loi socialiste votée le 12 octobre par l'Assemblée nationale et qui était, à l'origine, contenue dans le projet de loi de modernisation sociale.