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Formations sociales : le désenchantement ?

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 Le schéma national des formations sociales, que dévoilent cette semaine les ASH, ne sera pas rendu public avant début 2001. D'ores et déjà, les représentants des centres de formation s'alarment du manque d'engagement financier pour mettre en œuvre des orientations jugées pourtant ambitieuses.

Le schéma national des formations sociales (1) ne sera-t-il qu'une coquille vide ? Et les espoirs suscités par l'article 151 de la loi de lutte contre les exclusions, qui confère au système de formation une mission de service public, vont-ils se dégonfler comme une baudruche ? Au vu des éléments budgétaires en préparation, les représentants des centres de formation affichent de réelles inquiétudes. Surtout, ils s'alarment du décalage existant entre les orientations généreuses affichées par la direction générale de l'action sociale et des financements en peau de chagrin. Un «  hiatus qu'on ne s'explique pas. Pendant longtemps, on s'est plaint qu'il n'y avait pas de pilote dans l'avion. Aujourd'hui, l'Etat affiche une réelle ambition pour la formation. Mais il n'y a toujours pas de pilote pour le financement, déplore Jean-Pierre Blaevoet, ancien secrétaire général du Groupement national des Instituts régionaux de formation en travail social (GNI). Entre la commande passée aux centres de formation et le paiement de la commande, c'est le grand écart.  »

  Un programme ambitieux

De fait, et on ne peut que s'en féliciter, les orientations 2000-2005 du schéma national des formations sociales - que les Actualités sociales hebdomadaires ont pu se procurer - sont à la mesure des enjeux pour le secteur. Après les avoir validées le 12 septembre, le comité de suivi (qui regroupe notamment les représentants ministériels, des centres de formation, les acteurs de la formation professionnelle...) doit se réunir à nouveau le 6 novembre pour examiner leur mise en œuvre à partir d'hypothèses de travail. Quant au document final, il devrait être transmis au début de l'année prochaine au Conseil supérieur du travail social, soit avec plus de six mois de retard sur le calendrier initial. Les préfets de région auront alors six mois pour arrêter les schémas régionaux qui auront dû se caler sur les grandes lignes du programme national.

Incontestablement, les orientations du schéma national constituent un programme ambitieux de rénovation des formations sociales. Dans le droit fil du rapport d'évaluation du système de formation de 1995, il renforce le pilotage de l'Etat et ouvre les formations à l'ensemble des dispositions de la formation professionnelle, par exemple la validation des acquis professionnels. Néanmoins, si ce programme met en place une réelle politique de qualification correspondant aux attentes du secteur, les moyens ne semblent guère au rendez-vous. D'abord, les 632,4 millions de francs prévus dans le cadre du projet de loi de finances 2001 pour la formation des professions sociales (dépenses déconcentrées) sont jugés largement insuffisants. « L'enveloppe n'augmente que de 2,82 %par rapport à l'an dernier, ce qui couvre tout juste les évolutions salariales habituelles  », estime Marie-France Marques, directrice de l'Association française des organismes de formation et de recherche en travail social (Aforts). Quid alors de la mise en œuvre de la réduction du temps de travail, de l'avenant « cadres », de l'augmentation des effectifs en formation initiale ou du développement de la recherche souhaités par le schéma national ? Et comment cette enveloppe va-t-elle s'articuler avec la mise en place des contrats types pluri- annuels signés entre l'Etat et les centres de formation, institués par la loi contre les exclusions pour conforter justement la situation juridique et financière des établissements ? Soumis en mai dernier au Conseil d'Etat, le projet de décret accompagné des arrêtés d'application devrait être prochainement proposé à la signature ministérielle. Pour une mise en œuvre promise- avec un an de retard - pour le début de l'année 2001. Mais si les représentants des centres de formation sont d'accord avec les principes de calcul, ils s'inquiètent des bases qui pourraient être retenues : les directions régionales des affaires sanitaires et sociales ont en effet jusqu'au 31 octobre pour effectuer des simulations à partir d'un forfait moyen national par étudiant estimé à 12 500 F et d'un coût du poste de formateur à hauteur de 320 000 F. « Ce qui est insuffisant », estime Jean-Pierre Blaevoet, ce coût tournant dans certains IRTS autour de 340 000 F. De toute façon, explique-t-on à l'Aforts, le chiffre des 320 000 F ne permet pas de prendre en compte l'avenant « cadres ». De plus, la sécurité financière annoncée est loin d'être acquise, déplore Marie-France Marques, puisque si la loi instaure un contrat pluri-annuel , « les modes de financement restent annuels et soumis aux aléas budgétaires ».

L'amertume des représentants des centres de formation est d'autant plus forte qu'après la grave crise financière qu'ils avaient traversée en particulier en 1986 et 1987, ils avaient réussi, depuis 1998, à obtenir des rallonges budgétaires importantes. Ce qui avait surtout permis des remises à niveau et une augmentation timide de certains quotas d'étudiants. Or sans un réel effort financier, les avancées de la loi contre les exclusions pourraient paradoxalement fragiliser à nouveau des établissements qui avaient pu sortir la tête hors de l'eau. Et, en fait de consolidation du dispositif de formation, les obliger à « bricoler » tant bien que mal, notamment en recourant massivement aux formateurs vacataires ou en limitant l'accueil de nouveaux étudiants. Soit, un résultat inverse à la volonté et à la nécessité d'augmenter le nombre de professionnels diplômés pour faire face aux départs à la retraite prévisibles, surtout dès 2004, à la mise en œuvre de la RTT, au développement de l'aide à domicile et aux emplois-jeunes. Sauf, comme le redoutent certains, à imaginer que l'Etat veuille abandonner des pans de plus en plus larges de la formation aux organismes paritaires collecteurs agréés et autres financeurs...

La direction générale de l'action sociale se refuse à une telle vision alarmiste. Evoquant les efforts déjà accomplis, en particulier le financement de près de 3 700 places nouvelles pour la formation depuis 1997, ses services expriment au contraire leur volonté d'essayer d'aller plus loin. Ils comptent, à cet égard, s'appuyer sur les éléments du schéma national des formations pour négocier des moyens supplémentaires pour... 2002. Quant à la mise en œuvre du contrat Etat-centre de formation, elle dépend étroitement des conditions fixées par Bercy, se défend-on à la DGAS. Autant d'arguments pourtant qui ne suffisent pas à rassurer les représentants des centres de formation. Lesquels devraient réclamer des engagements concrets, le 30 octobre, au cours d'un rendez-vous avec Sylviane Léger, directrice générale de l'action sociale. A charge pour l'ancienne conseillère budgétaire au cabinet de Martine Aubry de se saisir de ce lourd héritage laissé par son prédécesseur : le dossier du financement des formations.

Isabelle Sarazin

Notes

(1)  Voir ASH n° 2120 du 21-05-99.

(2)  Voir ce numéro.

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