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La prison en changement

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« Non seulement [...] le système pénitentiaire a subi maints remaniements, mais [...] c'est dès l'origine qu'il a été l'objet de [...] propositions de réforme. L'actualité nous fournit l'exemple d'une reprise de cet élan réformateur puisant dans l'indignation des sénateurs et des députés “découvrant” la prison. » Claude Veil et Dominique Lhuilier, qui ont animé un séminaire sur la prison, à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, posent le cadre : malgré son image de lieu figé, la prison change et a toujours changé. Néanmoins - et c'est l'objet de l'ouvrage qu'ils codirigent -, la nature et la portée de ces évolutions méritent l'analyse : transformations « dans » ou « de » l'institution ? Adaptations conjoncturelles ou mutations structurelles ? La question se pose, par exemple, à propos de l' « ouverture » des prisons. Depuis la Libération, de nouveaux acteurs y ont fait leur entrée. Les travailleurs sociaux, notamment, « mais leur intégration dans la prison n'a pas modifié considérablement les pratiques », note le sociologue Philippe Combessie : souvent tenus à l'écart des décisions importantes de la gestion de l'établissement, ils paraissent comme « en prison dans la prison », selon le mot d'un chef de service socio-éducatif d'un grand établissement carcéral parisien. Au fil des ans, d'autres intervenants extérieurs les ont rejoints : enseignants, agents ANPE, bénévoles d'associations... Mais la logique d'enfermement continue de prédominer, marquée par une coupure radicale entre détenus et non-détenus. Même lorsqu'elle s'ouvre, « la prison sépare, la prison exclut du monde extérieur les individus qu'une décision de justice a privés de liberté ».

L'ouvrage passe également au crible l'évolution des missions des surveillants, tiraillés entre droit et sécurité, celle de l'architecture des prisons, mais c'est à l'évolution de la politique de santé en milieu carcéral - aspect « révélateur de problématiques plus générales » - qu'il consacre ses plus longs développements. La loi du 18 janvier 1994 a transféré de l'administration pénitentiaire au service public hospitalier la responsabilité de la prise en charge de la santé des détenus. Une réforme impulsée par le constat de l'ampleur de la prévalence du VIH en prison. Et, plus généralement, de l'ensemble des problèmes sanitaires qui s'y concentrent, liés à l'exclusion, à la marginalisation, aux conduites addictives... « La prison est-elle devenue un lieu de prise en charge médicale des paumés, des pauvres, de ceux que la société peine à intégrer ? A l'évidence, la réponse est aujourd'hui affirmative », constate Olivier Obrecht, ancien chef du service de médecine en milieu pénitentiaire des maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis. Guidée par la volonté de considérer la personne emprisonnée comme un citoyen devant bénéficier des mêmes droits en matière de santé qu'une personne libre, la réforme a-t-elle atteint son but ? Olivier Obrecht relève un « hiatus entre les textes et la pratique »  : l'accès au médecin passe par l'intermédiaire d'un surveillant, le secret médical n'est pas toujours garanti... La prison demeure au carrefour de plusieurs logiques : policière, judiciaire et médicale. Dans ce contexte, souligne cet auteur, « porter une attention à l'homme malade, indépendamment de son statut de détenu, reste encore aujourd'hui un combat qui n'est pas gagné ».   C.G.

La prison en changement - Sous la direction de Claude Veil et Dominique Lhuilier - Ed. érès - 165 F.

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