Recevoir la newsletter

La misère hors la loi

Article réservé aux abonnés

 Après les nombreux rapports d'évaluation de la loi contre les exclusions, les diverses études sociologiques sur la pauvreté, le regard de Paul Bouchet, président d'ATD quart monde, apporte un éclairage différent et radical. Cet ancien avocat de droit social, qui a présidé la Commission consultative des droits de l'Homme et exercé les fonctions de médiateur dans de nombreuses situations difficiles, explique ici ses convictions de militant et d'humaniste. Les « pauvres » ne peuvent sortir seuls de l'exclusion. En ce sens, « leur défaite est d'abord celle de la société tout entière ». Plutôt que de créer des droits pour les exclus les maintenant en marge du droit commun, c'est donc la misère - notamment endémique - qu'il faut «  mettre hors la loi ».

Dans l'entretien approfondi qu'il a accordé à Philippe Petit, Paul Bouchet revient en particulier sur le long combat mené par le collectif Alerte pour faire aboutir la loi contre les exclusions, dont le projet fut initié par le mouvement ATD quart monde. Fallait-il en passer nécessairement par une loi d'orientation ? Oui, défend Paul Bouchet, parce que « le droit fournit les moyens indispensables au changement social ». Comment éviter une loi de procédures ? En revenant périodiquement à son fondement éthique. D'où l'importance, insiste-t-il, de la disposition solennelle - jugée pourtant par certains inutile - de son article premier rappelant que « la lutte contre les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l'égale dignité de tous les êtres humains et une priorité de l'ensemble des politiques publiques de la nation ». La misère n'est donc plus seulement « un objet de compassion », mais elle est reconnue comme la violation du droit à la dignité.

De fait, en consacrant l'accès de tous aux droits fondamentaux, et en sortant du cadre de l'assistanat, ce texte opère un tournant majeur dans les politiques sociales. Reste pourtant à traduire la loi dans les faits et à bousculer les inerties et comportements individualistes et sécuritaires. Et là, le combat pour faire évoluer les mentalités « encore marquées par l'acceptation de la misère comme une fatalité » est loin d'être gagné, concède le président d'ATD quart monde. Car, à côté de l'amélioration des conditions économiques et sociales, ce n'est qu'au terme d' « une longue bataille culturelle »  que l'on pourra « changer l'image des pauvres pour qu'ils soient réellement traités en partenaires ». Des partenaires qui, contrairement à l'opinion communément admise, ont également des choses à apporter à la société : à commencer, estime Paul Bouchet, par leur « savoir du vécu » qui leur permet de survivre y compris dans des conditions effroyables. Et dont la reconnaissance invite à remettre en cause l'approche élitiste du droit à la culture, entendu uniquement comme l'accès à la culture dominante. Après l'étape législative, c'est donc à un changement d'état d'esprit et à une « mobilisation civique » - notamment à la faveur des prochaines échéances électorales - qu'appelle de ses vœux le président d'ATD quart monde, pour éradiquer la misère la plus profonde. A travers ses propos, il nous invite finalement à une réflexion sur la place de l'éthique, du droit et du politique. L'éthique devant primer sur le politique si l'on veut parvenir à un changement durable.  I.S.

La misère hors la loi  - Paul Bouchet - Ed. Textuel (diffusion Le Seuil) - 95 F.

Lectures du Mois

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur