Les impôts directs, et surtout les prestations sociales, sont de plus en plus redistributifs, mais compensent de moins en moins bien les inégalités croissantes de revenus depuis 1990. C'est ce paradoxe que font apparaître deux études de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) (1).
La première enquête retrace l'évolution des revenus des ménages de 1970 à 1996, pointant une nette rupture en 1990 : jusque-là, les revenus avant impôts et prestations des ménages salariés avaient fortement augmenté, en particulier ceux des plus pauvres (notamment grâce à la revalorisation du salaire minimum dans les années 70). Ainsi, les revenus du haut de l'échelle étaient 9,7 fois plus élevés que ceux du bas en 1970, contre 9,3 fois en 1990. Mais après cette date, la progression du travail à temps partiel, l'explosion du chômage et la réforme de son indemnisation (introduction de la dégressivité à partir de 1993) ont nettement réduit les ressources des plus modestes. D'où un accroissement des inégalités sur cette période : les revenus des plus riches deviennent 11,6 fois plus élevés que ceux des plus pauvres en 1996.
Pour contrer ce phénomène, les principaux transferts à vocation distributive ont été adaptés (création du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de parent isolé notamment) et permettent de mieux combler le fossé : ils ont ainsi réduit de 42 %l'écart entre les plus hauts et les plus faibles revenus initiaux en 1975, de 46 % en 1984 et de 56 % en 1996. Toutefois, cette amélioration de la redistribution n'a pas compensé, entre 1990 et 1996, la croissance des inégalités de niveau de vie : alors que les ressources des plus aisés étaient 4,6 fois supérieures à celles des plus pauvres après transferts en 1990, elles sont devenues 5,1 fois plus élevées en 1996.
Les prestations familiales, outil le plus efficace de redistribution
Dans notre système fiscal et social, ce sont les prestations familiales qui jouent un rôle majeur dans la réduction des inégalités (elles baissent d'un quart le rapport entre revenus extrêmes), devant les allocations logement, le revenu minimum d'insertion, l'allocation de parent isolé et le minimum vieillesse. L'impôt sur le revenu, pour sa part, est de moins en moins redistributif depuis 1984, alors que la taxe d'habitation pèse davantage sur les ménages salariés à bas revenus.
« Le système socio-fiscal a des effets redistributifs plus marqués en 1998 qu'en 1990 », confirme la seconde étude de l'INSEE dont le champ, plus large, recouvre l'ensemble des impôts, cotisations, contributions sociales et allocations. Elle met en évidence une forte augmentation des prélèvements en général, qui joue en faveur des moins aisés puisqu'ils deviennent plus progressifs. C'est surtout la mise en place de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), qui permet de lutter plus efficacement contre les inégalités durant cette période, estiment les auteurs. Viennent ensuite les prestations familiales et les aides au logement, « mieux ciblées sur les ménages à bas revenus ». La fiscalité directe, pour sa part, « évolue peu » alors que la fiscalité indirecte (TVA) pénalise davantage le bas de l'échelle sociale.
(1) Publiées dans France, portrait social 2000-2001 - INSEE - Disp. en librairie et dans les points de vente INSEE - Tél. 01 41 17 66 11 - 79 F (12,04 euros).