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Innov'enfance s'adapte aux besoins des familles

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Implantée dans le Nord, l'association Innov'enfance se bat depuis dix ans pour une approche pionnière des modes de garde de la petite enfance. L'objectif : vaincre les rigidités institutionnelles et administratives pour s'adapter aux demandes des familles.

« Qui va garder les enfants ? » Une maman seule part accoucher à la maternité et n'a personne à qui confier ses deux autres enfants pendant la nuit. Un papa de quatre enfants doit aller travailler à l'aube chaque matin pendant un mois, mais ses revenus ne lui permettent pas de s'offrir les services d'une assistante maternelle. A la campagne, une jeune mère qui n'a pas le permis de conduire voudrait pouvoir confier ses jumeaux, quelques heures par semaine, à une halte-garderie proche de son village. Les structures classiques, avec des horaires rigides et des listes d'attente saturées, peuvent rarement apporter de réponses à ces situations, pourtant assez banales. Le casse-tête revient hanter les parents chaque fois qu'un mode de garde sortant des sentiers battus doit être trouvé.

Des modes de garde plus souples

Dans le Nord, le département le plus jeune de France, des réponses ont été esquissées, grâce au patient travail de l'association Innov'enfance (1). Créée en 1988 par des bénévoles issus du milieu des crèches parentales, cette petite structure milite pour une approche résolument pionnière des modes de garde dans le milieu de la petite enfance. Le credo des 40 salariés ? Vaincre les rigidités institutionnelles et administratives pour s'adapter aux vrais besoins des familles.

Innov'enfance gère aujourd'hui cinq structures pour un budget total de 4,7 millions de francs. L'association a démarré sur les chapeaux de roues, avec la mise sur pied en 1989 d'un service de garde d'urgence à domicile, afin de répondre aux déficiences temporaires des modes de garde. Baptisé Domicil'enfance, c'est une sorte de halte-garderie volante. Sept monitrices-éducatrices et auxiliaires de puériculture composent l'équipe. Hospitalisation d'un parent, formation professionnelle temporaire, enfant malade... ? « Il suffit de passer un coup de fil au standard et l'intervenante arrive, pour une heure, une journée ou même une nuit », explique Véronique Lecomte, directrice d'Innov' enfance. Le service a de quoi faire rêver bien des familles. Il semble d'ailleurs essaimer doucement : « On nous appelle de toute la France pour nous demander comment nous avons fait, nous sommes des vedettes désormais », plaisante Véronique Lecomte.

Derrière les sourires, on sent une détermination sans faille. Payées 5 400 F par mois pour 130 heures de travail (une débutante touche en moyenne 7 500 F pour 160 heures par mois), les intervenantes sont animées d'une forte motivation personnelle : « Il est arrivé qu'on me demande de partir dans l'heure ou de dormir une semaine au domicile d'une famille », témoigne Nassera Guébli, monitrice- éducatrice à Domicil'enfance. « C'est justement le côté particulier de cette structure qui m'a séduite. Je travaillais avant en internat et l'institution me semblait un poids. Avec Domicil'enfance, je suis dans la famille, je m'occupe de la fratrie. Je retourne à l'individu, contrairement à l'institution où il faut parfois faire passer le groupe avant l'enfant. Et puis certaines familles sont tellement soulagées en nous voyant arriver... Là, je me sens vraiment utile. Dans certains cas, on fait plus que garder les enfants. J'ai déjà dû régler des problèmes de cantine avec l'école ou déclarer la naissance d'un enfant à la mairie. »

Une équipe suivie par une psychologue

Les sept jeunes femmes sont suivies par la psychologue Brenda Crevel, elle-même ancienne éducatrice de jeunes enfants. Une séance de deux heures est organisée tous les deux mois. « Cette médiation les renforce dans leur rôle », estime Brenda Crevel. « Garder les enfants à domicile est délicat : on peut avoir peur de prendre la place des parents, de mal faire. On peut être confronté à des situations difficiles. Je pars de leurs préoccupations pour cheminer avec elles. Que faire avec un enfant difficile qui vous fuit ? Comment accompagner un père dont la femme vient de mourir ? » Autant de questions auxquelles Brenda Crevel tente de répondre. «  On est assez seules dans ce métier. La médiation permet d'exprimer ce que l'on ressent, d'entendre les autres en parler. Brenda nous aide à pousser nos réflexions », renchérit Nassera Guébli.

Confrontées à des situations sociales parfois difficiles, les intervenantes doivent aussi rester dans les limites de leur mission. Que peuvent-elles faire quand elles décèlent un problème grave ? « Les parents ne peuvent pas tricher. S'il y a un problème, on essaie d'en parler. Si ça ne s'arrange pas, il arrive que les parents arrêtent de faire appel à nous. » On touche ici aux limites de la mission de Domicil'enfance, qui ne peut intervenir que si la famille en fait la demande. Reste que la structure est parfois sollicitée à l'initiative d'une assistante sociale pour résoudre une situation difficile. « Imaginez une femme isolée qui part en urgence à la maternité, sans avoir le temps de prévoir une solution de garde pour ses enfants scolarisés. A la sortie de l'école, personne n'est là pour les petits. » Domicil'enfance permet alors qu'une garde à domicile soit organisée pour quelques jours. Toutefois, la structure, toujours requise avec l'accord de la famille, ne peut répondre à toutes les situations d'urgence. Aussi, un projet est-il actuellement à l'étude avec l'association Colline (l'antenne régionale de l'Association des collectifs enfants, parents, professionnels) afin de permettre que Domicil'enfance soit saisie directement par les travailleurs sociaux, voire le juge des enfants. Le dossier est en cours. Il va falloir maintenant trouver les fonds. Un parcours du combattant où Innov'enfance a dû apprendre à naviguer entre les différents financeurs.

Des parents paniqués

Il aura fallu à toute l'équipe un sacré dynamisme pour donner naissance à Domicil' enfance et à ses petites sœurs, les lieux multi-accueil Luciole 1 (20 enfants, Lille) et Luciole 2 (20 enfants, Roubaix), la halte-garderie Les Lutins (10 enfants, ouverte aux enfants porteurs de handicaps) et la halte- garderie itinérante Trottine (15 enfants, en milieu rural). Laboratoire d'une garde d'enfants plus souple, plus adaptée à nos modes de vie actuels, l'association Innov' enfance est presque née par hasard, de la rencontre de jeunes mères de famille frustrées par les modes de garde traditionnels.

Flash-back : tout a commencé en 1983, dans l'une des premières crèches parentales de la région, à Villeneuve-d'Ascq. Trois amies impliquées dans le fonctionnement de la structure vivent mal le renvoi des enfants malades à la maison, sans qu'aucune solution temporaire ne puisse être proposée aux parents paniqués. Elles détestent aussi devoir constamment refuser les nouvelles demandes, faute de place dans leur crèche déjà saturée. « Très vite, nous avons eu conscience qu'il y avait un besoin énorme pour des modes de garde plus souples. Domicil'enfance a vu le jour grâce à l'appui de la caisse d'allocations familiales de Lille, qui nous a financés sur ses fonds propres. Sans ce soutien, nous n'aurions rien pu faire », explique Véronique Lecomte.

Domicil'enfance intervient aujourd'hui 3 700 heures par an à Lille et 3 200 heures à Roubaix. En fonction de leurs revenus, les parents paient entre 3 F et 55 F pour une heure de garde, quel que soit le nombre d'enfants dans la fratrie. Avec une limite géographique majeure : « Pour des raisons de subventions, nous ne pouvons intervenir que dans un quota horaire très restreint en dehors de Lille et de Roubaix. » Malgré cela, le service touche des centaines de familles. « Nous devons aujourd'hui refuser une demande sur deux », assure Rachida Ibaz, coordinatrice du service à domicile. Pourtant, Domicil'enfance n'est toujours pas reconnu par la caisse nationale des allocations familiales comme mode de garde atypique : « C'est l'administration française. Il faut absolument rentrer dans le bon tiroir ! Nous continuons à nous battre pour cette reconnaissance qui nous permettrait d'étendre Domicil'enfance à toute la région et à toutes les familles. »

Véronique Lecomte et son équipe persistent d'ailleurs à déployer des trésors d'ingéniosité pour entrer dans d'autres « bons tiroirs ». Pas toujours facile :Luciole 1 a, par exemple, dû revoir sa copie : « A l'époque, on voulait une structure ouverte 24 heures sur 24. Trop ambitieux : financièrement, nous n'étions pas rentables. On a donc réduit les horaires. Ensuite, en 1996, on nous a imposé les taux de remplissage. Ouvert de 7 à 19 heures, en halte-garderie, on n'obtenait pas les 60 % de remplissage. Il a fallu encore réduire nos horaires. Tout cela nous oblige à tenir des comptes d'apothicaire. Et en parallèle, on nous demande aussi d'avoir des projets d'ouverture sur le quartier ! » Des projets d'ouverture, quand les moyens financiers sont là, Innov'enfance n'en manque pourtant pas. Trottine en est peut-être la plus belle illustration. La halte-garderie itinérante en milieu rural fonctionne depuis septembre 1997, dans les villages de Gruson, Lannoy, Tressin et Toufflers. Baisieux les a rejoints en 1999. A tour de rôle, pour une demi-journée, chaque village accueille la halte-garderie dans une salle communale. L'équipe accomplit alors un petit miracle, transformant des salles plutôt ternes en un lieu plein de tapis de couleurs et de matériel pédagogique, tout droit sortis d'une camionnette appartenant à Trottine. « Aucune de ces communes ne pouvait s'offrir de halte-garderie, trop chère. Il a fallu quatre années de travail en collaboration entre la caisse d'allocations familiales de Roubaix, les communes et la PMI pour que le projet se concrétise », note Véronique Lecomte.

Un « supplément de vie » pour les villages

« Priorité est faite aux enfants des villages participants, mais les enfants des environs sont aussi acceptés, dans la limite des places disponibles», explique Brigitte Lemaître, la responsable de Trottine. « Tourner sur plusieurs communes permet de toucher des familles qui n'ont pas de voiture, mais aussi de donner un supplément de vie au village. » Dans ces communes éloignées d'une quinzaine de kilomètres des deux grandes métropoles de la région, la halte-garderie est devenue tout aussi importante pour les enfants (du point de vue de la socialisation) que pour les parents (souvent des mamans qui trouvent là les seules heures d'indépendance de leur semaine). Financée par les communes, la caisse d'allocations familiales et le conseil régional, Trottine fait aujourd'hui l'unanimité. Lors de la réunion annuelle des maires des villages participants, le 28 septembre dernier, les seuls points de débat ont porté sur l'éventuelle extension des horaires de la halte-garderie et sur la participation financière d'une sixième commune. Comme pour Domicil'enfance, le principe essaime doucement. C'est dire si l'équipe d'Innov'enfance peut être satisfaite. D'autant qu'elle espère que le nouveau décret sur l'accueil collectif des enfants de moins de 6 ans (2) va apporter un ballon d'oxygène à ses projets. Guylaine Idoux

Notes

(1)  Innov'enfance : 81, rue Gantois - 59000 Lille - Tél. 03 20 15 20 45.

(2)  Voir ASH n° 2177 du 25-08-00.

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