Remis le 17 octobre au Premier ministre, riche de 154 propositions et de 12 orientations, le rapport de la commission sur l'avenir de la décentralisation, dite « commission Mauroy » du nom de son président, propose de « refonder l'action publique locale » (1) . Elle suggère notamment, à ce titre, d'approfondir la décentralisation au profit des régions, de rapprocher les services publics des usagers et de moderniser la fiscalité locale. Saluant la « qualité de ces travaux, menés dans le souci d'aboutir à un consensus », Lionel Jospin a d'ores et déjà annoncé qu'il présenterait, le 27 octobre, à Lille ses « perspectives » pour une « nouvelle étape » de la décentralisation. Lesquelles feront ensuite « l'objet d'un débat d'orientation générale à l'Assemblée nationale et au Sénat ». Le ministre de l'Intérieur, Daniel Vaillant, sera chargé quant à lui, en liaison avec les ministres intéressés, de « mener la concertation avec l'ensemble des acteurs concernés (collectivités locales, usagers, acteurs économiques et associations) en vue de la préparation des textes nécessaires ».
Faire de la région un « pôle majeur de la décentralisation »
La commission appelle clairement de ses vœux l'émergence d'un « pouvoir régional fort ». Pour ce faire, elle préfère les formules de coopération interrégionales à l'idée d'un élargissement des périmètres ou de la fusion de certaines régions. Elle préconise également l'octroi de nouvelles compétences à ces collectivités, essentiellement dans des domaines où elles interviennent déjà : construction et entretien des établissements d'enseignement supérieur, attribution de tous les crédits de la formation professionnelle sauf ceux relevant de la solidarité nationale, réalisation d'investissements en matière d'équipement sanitaire.
Rapprocher les services publics des usagers « Rendre l'action publique plus efficace suppose de[...] rapprocher plus encore les services de proximité des usagers », souligne le rapport. Une série de propositions avancées dans ce cadre touchent le secteur social. La commission Mauroy demande ainsi la création d'observatoires départementaux d'action sociale, afin d'améliorer la connaissance des populations prises en charge. Elle invite de même à mieux informer le public sur les dispositifs existant en matière d'action sociale d'urgence et sur les moyens humains et financiers mis en œuvre (information assurée par les départements). Pour redonner une cohérence aux mesures d'assistance éducative et à celles relatives à l'enfance délinquante, elle plaide pour une refondation des textes en matière de protection judiciaire de la jeunesse. L'objectif étant aussi de clarifier les rôles des départements et de l'Etat. Par ailleurs, au jeu des propositions de transfert de compétences, les départements pourraient se voir confier la santé scolaire (c'est-à-dire la médecine scolaire et les assistantes sociales qui y concourent). Toujours au chapitre des préconisations intéressant le secteur social, il est envisagé la création d'un centre unique d'information et d'orientation des personnes handicapées, absorbant les actuels « guichets uniques » (2), pour aider celles-ci à connaître les prestations et services auxquels elles ont droit et à en bénéficier. Enfin, s'agissant des personnes âgées, le rapport suggère de prendre en compte la proportion de cette population dans le calcul de la dotation générale de décentralisation des départements.
L'objectif exprimé par la commission de rapprocher les services publics des usagers se retrouve également en matière de politique du logement. Elle propose ainsi d'attribuer aux régions la gestion des aides au logement localisables, telles que les aides à la résorption de l'habitat insalubre ou celles aux bailleurs sociaux (PLAS, PALULOS, PLI). De même, elle plaide pour un transfert de contingents de logements sociaux des préfets aux intercommunalités, ainsi que pour un regroupement des offices municipaux HLM dans le cadre d'offices intercommunaux.
Refondre les finances locales
La réforme des finances locales aura été sans conteste le sujet le plus discuté au sein de la commission Mauroy. On se souvient en effet que c'est à la suite du remplacement de la vignette automobile par des dotations de compensation (3) que neuf élus de droite avaient claqué la porte de la commission, en accusant l'Etat d'opérer une recentralisation financière (4). Partant du constat qu'effectivement la réforme de la taxe professionnelle, de la taxe d'habitation ainsi que la suppression de la vignette, ont fait de l'Etat le premier contribuable local, la commission souhaite que « soit affirmée la nécessaire autonomie fiscale des collectivités locales ». Plus concrètement, elle prône une modernisation de la taxe d'habitation, et suggère de transférer aux maires la responsabilité de procéder ou non à la révision des valeurs locatives de leur commune. Elle propose également une spécialisation des impôts, en affectant un impôt principal à chaque type de collectivité.
Autres pistes de réflexion
D'autres pistes de réflexion ont été dégagées au cours des travaux notamment autour de la notion d'engagement de tous les citoyens dans la vie politique locale. A cet égard, il a été envisagé d'accorder aux étrangers le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, dans les mêmes conditions que pour les ressortissants communautaires. Cette question, qui n'a pas recueilli l'unanimité au sein même de la commission, a récemment fait l'objet d'une proposition de loi restée dans l'impasse en raison de l'opposition de la droite et notamment de la majorité sénatoriale (5).
(1) Refonder l'action publique locale, rapport de la Commission pour l'avenir de la décentralisation - Disponible sur le site Internet sur du Premier ministre (
(2) Voir ASH n° 2154 du 18-02-00.
(3) Voir ASH n° 2181 du 22-09-00.
(4) Une partie d'entre eux se sont d'ailleurs joints à Christian Poncelet, président du Sénat, pour présenter une proposition de loi garantissant l'autonomie financière des collectivités locales.
(5) Voir ASH n° 2174 du 7-07-00.