Deux ans après la promulgation de la loi contre les exclusions, c'est au tour du Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE) (1) de proposer son bilan, sur le volet qui le concerne particulièrement. Et d'émettre quelques critiques qui rejoignent en partie celles déjà formulées en juin par la Fédération Coorace (2). « On peut se demander si [...] les novations essentielles de la loi d'orientation que sont la procédure d'agrément, le renforcement des moyens financiers et la territorialisation de l'insertion par l'économique [...]sont parfaitement mises en œuvre », s'interroge le conseil dans un récent rapport.
Des logiques culturelles différentes
Ainsi, l'agrément par l'ANPE des emplois d´insertion (3) « s'est mis en place avec quelques difficultés », notamment en raison de différences de culture entre agences locales pour l'emploi et structures d'insertion. « Trop nombreuses sont encore les agences qui demeurent dans une logique de l'offre, issue d'une culture d'entreprise tenant compte prioritairement de critères comme la qualification ou les acquis professionnels, qui doivent être relativisés dans le cas de personnes en difficulté tant sur le plan professionnel que social », pointe le CNIAE. Quant aux refus d'agrément, « peut-on admettre que certains[...], certes très minoritaires, puissent avoir pour effet[...] des ruptures de parcours d'insertion ? », s'indigne-t-il. La procédure d'agrément, cependant, lui semble constituer un « atout » pour l'accompagnement de publics « de plus en plus en difficulté et abandonnés par la reprise économique » : garde-fou contre les dérives dans les parcours d'insertion - par exemple contre « l'assistance éternelle » -, elle permettrait d'envisager sereinement l'allongement de ces derniers. Peut-être sous la forme d'un contrat emploi-solidarité prolongeable jusqu'à quatre ans.
Le soutien public à l'insertion par l'activité économique, de son côté, reste peu lisible, éclaté entre plusieurs lignes du budget de l'Etat et celles qu'y consacrent les collectivités territoriales. Surtout, même si l'enveloppe publique progresse, « le développement de l'offre d'insertion n'est pas au rendez-vous » : elle stagne globalement, voire baisse dans certains secteurs, comme les associations intermédiaires (AI) (4). Les explications sont nombreuses : position difficile des AI à la suite de la nouvelle réglementation, délais de paiement des crédits d'Etat excessivement longs, financement insuffisant de l'accompagnement social et de l'encadrement technique ainsi que du fonctionnement et de la structuration des réseaux... Quant à la croissance de l'intérim d'insertion, qui s'adresse à des publics proches de l'emploi, elle « n'est pas sans risque social » : « On peut s'interroger[...] sur cet essor d'une offre d'insertion en fin de parcours qui ne serait pas couplée à un essor de l'offre d'insertion sur tout le parcours », souligne le CNIAE.
Enfin, une nouvelle fois, les dysfonctionnements et le « manque d'ambition » des comités départementaux d'insertion par l'activité économique sont pointés. Tous sont en place, mais « nombreux sont ceux qui ne sont pas en mesure d'orienter les initiatives, de dégager des besoins prioritaires et les outils et méthodes les plus appropriés ».
Rapprocher entreprises et structures d'insertion par l'économique
Au terme de ces constats, le Conseil formule plusieurs préconisations pour favoriser le retour ou l'accès à l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail. L'amélioration du système des cumuls entre minima sociaux et revenus d'activité, par exemple. Ou encore le renforcement des liens entre entreprises et structures d'insertion par l'activité économique : ces dernières disposent de savoir-faire en matière d'accueil et d'encadrement des publics en grande difficulté qui permettraient de sécuriser les entreprises « classiques » par un réel suivi dans l'emploi, distinct du tutorat interne.
(1) CNIAE : 98, rue de l'Université - 75007 Paris - Tél. 01 40 49 57 65.
(2) Voir ASH n° 2171 du 16-06-00.
(3) Voir ASH n° 2123 du 11-06-99, n° 2124 du 18-06-99 et n° 2143 du 26-11-99, p 19.
(4) Voir ASH n° 2183 du 6-10-00.