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L'IVG : comment elles la vivent

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« L'allongement du délai de recours à l'interruption volontaire de grossesse, loin d'inciter les femmes à prolonger leur réflexion, permettrait simplement à plusieurs milliers d'entre elles de ne pas vivre des moments inutilement douloureux et stigmatisants. » Balayant les polémiques suscitées par les dispositions du projet de loi sur l'avortement, présenté le 4 octobre en conseil des ministres (1), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) apporte ainsi un sérieux appui au gouvernement.

A partir des premiers résultats d'une enquête qualitative menée auprès de 80 femmes ayant eu une grossesse accidentelle dans les trois dernières années (2), des chercheuses de l'Inserm et du Centre national de recherche scientifique (CNRS) tordent le cou aux discours simplistes et aux fantasmes sur l'avortement. Y substituant une vision nuancée, tenant compte de l'expérience des intéressées. « Après 30 ans de légalisation de la contraception moderne, l'avortement est loin d'être devenu un acte banal ou anodin pour les femmes. Il permet de pallier les échecs sans pour autant être une méthode de contraception. »

Les échecs de la contraception pas toujours évitables

Cette étude présente l'intérêt d'avoir cherché à comprendre les raisons qui poussent les femmes à avorter (on enregistre environ 220 000 IVG par an en France). Raisons complexes liées à leurs parcours personnels, mais aussi aux déterminants socio-économiques et aux carences des politiques de santé. Et qui ne sauraient se résumer à « un comportement égoïste ». D'abord, souligne le document, les échecs de contraception sont fréquents et «  loin d'être tous évitables ». S'ils renvoient aux « accidents » des méthodes, à leur inadéquation ou au manque d'information, ils s'expliquent également, notamment en cas de refus des hommes d'utiliser le préservatif, par une certaine image de la femme dans la société. Sans compter, rappellent les chercheuses, que la démarche contraceptive est tout simplement «  impossible  » pour quelques femmes : leur fragilité est telle que cette « capacité sociale à maîtriser sa vie » leur est inaccessible.

Quant à la décision d'interrompre la grossesse, elle ne se résume pas « loin s'en faut, à l'existence ou non d'un refus d'enfant ». Cet acte « responsable loin d'être anodin » renvoie souvent au fait que les femmes jugent la maternité impossible en raison d'une relation affective trop incertaine ou de leurs conditions de vie difficiles. Dans tous les cas, la décision se prend très rapidement, « y compris et surtout pour les femmes qui ont dépassé le délai légal de recours à l'IVG ». Contrairement aux idées reçues, le temps de la réflexion n'est donc pas à l'origine des dépassements. De même, en dépit de nombreux discours, les grossesses adolescentes ne sont pas systématiquement des drames, précise l'étude. Elles sont parfois pour la jeune femme « l'occasion d'un rétablissement positif de son positionnement social ».

La recherche revient également sur les difficultés d'accès à l'IVG : « propos moralisateurs et déstabilisants de la part de médecins », inégalités géographiques, problèmes financiers... Et à cet égard, le rôle du premier professionnel de santé rencontré, sa connaissance des filières de soins et son attitude sont « déterminants ». « C'est d'ailleurs souvent la découverte tardive de leur grossesse et les difficultés pratiques d'accès aux soins qui génèrent [chez les femmes] un dépassement du délai légal », précise l'étude. Quant à l'obligation de l'autorisation parentale, son obtention a posé problème pour la majorité des mineures rencontrées. Et selon les chercheuses, elle débouche rarement sur l'établissement de relations plus confiantes au sein de la famille. « Au contraire, tout semble se passer comme si les tensions et le manque de communication qui existaient [...] se cristallisaient à l'occasion de la grossesse “fautive” ». « Violence symbolique à l'encontre des jeunes », cette obligation peut même « rendre plus difficile leur accès à l'information et une pratique efficace de la contraception ».

Elargir l'offre contraceptive

A travers les propos des femmes interrogées, cette recherche pointe ainsi l'hétérogénéité des situations. Avec néanmoins une constante : les difficultés de ces personnes « à adopter sur le long terme une pratique qui s'inscrive dans la norme, celle d'une maîtrise parfaitement efficace de leur contraception, difficultés liées au caractère contradictoire des injonctions normatives auxquelles elles sont soumises ».

L'étude propose en conclusion d'étendre l'offre contraceptive, trop « largement médicalisée », et d'améliorer le statut des femmes. Regrettant « la stagnation, depuis plusieurs années, des recherches sur les méthodes proposées  », elle note que plusieurs femmes rencontrées se sont vu refuser la stérilisation. Enfin, elle plaide pour la substitution de l'obligation de l'autorisation parentale par le libre choix de l'accompagnement par un adulte. Ce qui « favoriserait les comportements de prévention  » en participant à « la reconnaissance d'une sexualité responsable des adolescentes » I.S.

Notes

(1)  Voir ce numéro.

(2)  Cette enquête effectuée en 1999 et 2000 s'inscrit dans un vaste programme de recherches sur le sujet. Lequel comprend une enquête quantitative auprès de 7 000 femmes (premiers résultats disponibles en 2001)  - Nathalie Bajos, responsable de l'étude - Unité Inserm 292 - Hôpital de Bicêtre - 94276 Le Kremlin-Bicêtre - Tél. 01 45 21 22 96.

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