Recevoir la newsletter

L'exclusion, définir pour en finir

Article réservé aux abonnés

 On connaît le poids des mots et de leurs significations explicites et implicites. A cet égard le concept d'exclusion, et toute la rhétorique qui s'est construite autour de lui, est particulièrement révélateur. C'est ce que montre cet ouvrage en réinterrogeant la notion, et les différentes théories qui la sous- tendent, à travers les contributions de sociologues et spécialistes de l'action sociale. D'abord, que désigne-t-on sous ce terme fourre-tout ? Faut-il parler plutôt de « déliaison » comme le défend le sociologue Michel Autès, et mettre l'accent sur la dimension symbolique de l'exclusion, soit la perte de sens du rapport des hommes aux choses et des hommes entre eux ? Ou faut-il se référer à la notion de « désaffiliation » prônée par son homologue, Robert Castel, et braquer le projecteur sur les trajectoires, les processus et les personnes qui décrochent et basculent ?

De toute façon, quel que soit le vocabulaire utilisé - déliaison, désaffiliation, fracture sociale, rupture du lien social... -, on ne peut qu'être frappé par l'inflation de termes qui qualifient - ou plutôt disqualifient - les personnes en situation de précarité, répond Monique Sassier, sous-directrice de l'UNAF. Car, le plus paradoxal, c'est qu'à force de vouloir décrire et comprendre le phénomène, on a chiffré, catégorisé et finalement réduit la pensée et le discours politique. Et l'on a précipité l'ensemble des acteurs publics et privés, tout comme les exclus eux-mêmes, « dans une espèce de ville piège ou dans des situations de leurre » dont plus personne ne sortira. C'est ainsi que l'exclusion est venue légitimer la multiplication de dispositifs spécifiques, la construction de la dualité sociale et les discours sur l'insécurité et la violence, rendant inutile tout travail sur leurs causes. A partir de là, se pose bien évidemment la question de la pertinence d'une reconnaissance législative. Autrement dit, la loi du 29 juillet 1998 a-t-elle vocation à modifier fondamentalement les rapports entre les groupes sociaux qui fabriquent l'exclusion ou n'est-elle qu'un lot de dispositifs censés traiter un problème en soi ? se demande Monique Sassier. Laquelle y voit surtout une loi de procédures «  aléatoire » parce que construite sur une dualité : les exclus et les autres. Enfin, on ne saurait passer sous silence la dimension politique de l'exclusion qui renvoie en creux à une certaine vision du monde et de la société. En ce sens, elle est « une façon nouvelle de poser - et d'esquiver - la question sociale », affirme, le sociologue, Saül Karsz. Et pour lui, contrairement à ce qui est couramment admis, ce n'est pas le lien social qui se délite actuellement, mais «  une configuration idéologique soumise aux démentis du réel, ainsi confrontée à ce qui résiste ».

Autant d'interrogations critiques qui invitent à revisiter cette « notion complètement molle », selon l'expression de Robert Castel, d'exclusion. Préalable indispensable pour ne pas se laisser enfermer dans des habitudes de langage et donc de pensée. De ce point de vue, ce « remue-méninges » conceptuel doit être considéré par les travailleurs sociaux comme une piqûre de rappel salutaire pour bousculer leurs pratiques. Et prendre en charge sans exclure.  I.S.

L'exclusion, définir pour en finir  -Sous la direction de Saül Karsz - Ed. Dunod -135 F.

Lectures du Mois

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur