Pour faire face aux arrivées croissantes de mineurs étrangers isolés sur le territoire français (1), le gouvernement planche actuellement sur un projet de modification de la loi sur l'entrée des étrangers en France, permettant de considérer les mineurs isolés demandeurs d'asile de plus de 16 ans comme des majeurs. La Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) (2), saisie le mois dernier par le Premier ministre, a rendu son avis le 21 septembre et cautionne, sous certaines conditions, le projet gouvernemental.
Actuellement, l'étranger qui arrive clandestinement en France par voie maritime, aérienne ou ferroviaire peut être placé en zone d'attente pendant quatre jours, temps nécessaire pour organiser son départ ou, le cas échéant, déterminer si sa demande d'asile n'est pas manifestement infondée. Là où les majeurs voient généralement ce placement prolongé (il peut aller jusqu'à 20 jours), les mineurs sont remis en liberté lors de leur passage devant le juge chargé de statuer sur leur maintien dans la zone d'attente, car, compte tenu de leur âge, ils ne bénéficient pas de la capacité juridique et ne peuvent donc se voir opposer un refus d'admission sur le territoire.
Alors que les associations réclament de longue date un accueil et une prise en charge de ces jeunes « livrés à eux-mêmes », le gouvernement prévoit d'autoriser ces mineurs, « en l'absence de représentant légal [les] accompagnant », à « agir en justice » devant les juridictions compétentes en matière d'expulsion et de rétention administrative. Ainsi, en accordant une nouvelle capacité juridique à ces mineurs de plus de 16 ans, le projet de loi permettrait au juge de les maintenir en zone d'attente, comme pour les majeurs, et d'ordonner, éventuellement, un placement en rétention administrative en vue de leur expulsion.
Plusieurs associations de défense des droits de l'Homme avaient fait part de leurs inquiétudes après avoir pris connaissance des intentions du gouvernement (3). Le CNCDH devait déterminer si ce projet était conforme aux droit national et international protégeant les mineurs. L'avis qu'elle a rendu est mitigé. En effet, elle rappelle, dans un premier temps, que, pour elle, les enfants, qu'ils soient demandeurs d'asile ou non, ne doivent pas être maintenus en zone d'attente mais admis immédiatement sur le territoire. La commission retient ensuite l'hypothèse où le gouvernement ne suivrait pas cette première préconisation. Elle demande en effet que, dans ce cas, des garanties soient « à tout le moins » prises. En premier lieu, elle rejette l'idée qu'une distinction d'âge soit opérée entre les mineurs de 16 à 18 ans et ceux de moins de 16 ans. Ce faisant, elle refuse donc que les jeunes de plus de 16 ans soient, comme l'envisage le projet, considérés comme des majeurs. Mais, sous couvert de réclamer une protection de ces mineurs « dès leur arrivée en zone d'attente », elle soutient l'idée de désigner un « administrateur ad hoc » (une association habilitée, par exemple), dont la mission serait non seulement de représenter le mineur dans sa demande d'asile, mais aussi d'obtenir la représentation d'un avocat commis d'office et de veiller à son accompagnement psychologique et social. Conséquence : cette procédure établissant ainsi la représentation du jeune en justice, elle le mettrait, de fait, dans la position d'un adulte.
La commission ajoute enfin que, « lorsque l'administration décide de refouler un mineur » , elle doit en aviser l'administrateur ad hoc « afin que ce dernier puisse s'assurer que les conditions d'accueil dans le pays de destination, sont conformes à l'intérêt supérieur de l'enfant ». Moyennant le respect de l'ensemble de ces garde-fous, elle laisse donc la porte ouverte à la reconduite à la frontière des mineurs étrangers isolés de 16 ans.
(1) Voir ASH n° 2162 du 14-04-00.
(2) CNCDH : 35, rue Saint-Dominique - 75700 Paris - Tél. 01 42 75 77 09.
(3) Voir ASH n° 2174 du 7-07-00.