« L'enfance maltraitée, traitons-la bien », tel est l'objectif du plan d'action pour la « bientraitance », présenté par Ségolène Royal, le 25 septembre, à la veille de la journée nationale sur ce sujet. La ministre déléguée à la famille et à l'enfance en a profité pour annoncer la tenue, en 2001, d'états généraux de l'enfance maltraitée. Ils permettront de réaliser « le bilan et l'évaluation de l'application des nombreux textes législatifs et réglementaires » avec tous les acteurs de terrain.
Décliné en une vingtaine de mesures, le plan d'action pour la « bientraitance » vise à mobiliser la chaîne des préventions afin que les parents exercent mieux leurs responsabilités éducatives. En cas d'échec, le plan prévoit de renforcer le travail en réseau des différents intervenants.
Responsabiliser et accompagner les familles
La ministre appelle à une mobilisation de l'ensemble des dispositifs d'aide aux parents. En particulier, le projet de loi de finances pour 2001 prévoit d'augmenter de 11 millions de francs les moyens accordés par l'Etat aux réseaux de parentalité et aux centres de conseils conjugaux. Par ailleurs, Ségolène Royal a rappelé que le projet de réforme du droit de la famille (1) contribuera à lutter contre les maltraitances psychologiques des enfants. Elle s'est déclarée attachée à une procédure de reconnaissance solennelle de l'enfant par ses deux parents devant l'officier d'état civil.
Encourager la coordination
Pour faciliter l'intervention coordonnée des pouvoirs publics, la ministre adressera prochainement une instruction aux préfets les invitant à installer, en liaison avec le président du conseil général et le service départemental de l'aide sociale à l'enfance, d'ici à la fin de l'année, un groupe de coordination départemental. Il réunira l'ensemble des services de l'Etat concernés : procureurs, présidents de tribunaux pour enfants, inspecteurs d'académie, directeurs départementaux des affaires sanitaires et sociales et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse, service de police. Les responsables des caisses d'allocations familiales pourront y être associés. De plus, la ministre déléguée à la famille et à l'enfance souhaite que les protocoles de coopération entre les conseils généraux et les services de l'Etat, mis en place dans une cinquantaine de départements, soient généralisés. Un protocole type sera mis en ligne avant la fin 2000 sur le site du ministère de la Solidarité. Ségolène Royal entend également que tous les départements se dotent, comme la loi les y oblige, de schémas départementaux de la protection de l'enfance. « Seuls la moitié des départements sont aujourd'hui couverts, ce n'est pas normal », s'est-elle indignée.
Un tableau de bord national
Il est de la responsabilité de l'Etat de se doter d'un outil statistique national fiable sur la protection de l'enfance, a déclaré Ségolène Royal. Faisant sienne la critique du récent rapport de l'inspection générale des affaires sociales, qui regrettait l'absence de capacité d'évaluation de la puissance publique en la matière (2), elle a annoncé la création d'un tableau de bord national de l'aide sociale à l'enfance. Constitué à partir de l'enquête sociale annuelle révisée, il sera accessible sur Internet.
Développer les soins
Pour renforcer l'accompagnement de la souffrance psychique des enfants et des adolescents, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 inscrira, selon Ségolène Royal, la création de lits d'hospitalisation complète en psychiatrie infanto-juvénile, dans les 17 départements qui en sont actuellement dépourvus.
Par ailleurs, la loi de juin 1998 sur la répression des infractions sexuelles a prévu la prise en charge à 100 % par l'assurance maladie des soins prodigués aux victimes d'abus sexuels (3). Ségolène Royal veut étendre cette mesure à l'ensemble des cas de maltraitance. Une concertation avec les partenaires concernés débutera en octobre.
Soutenir les professionnels
Il faut s'attaquer au tabou de la maltraitance en institutions, a affirmé la ministre. Pour traiter les témoignages des professionnels témoins de sévices en établissements, une cellule spécialisée va être mise en place, avant la fin de l'année, au sein du service national d'écoute « allo enfance maltraitée » (numéro d'appel 119). De plus, une cellule nationale de suivi des cas de maltraitance en institutions, regroupant l'ensemble des partenaires (notamment l'Association nationale des directeurs d'action sociale et de santé des conseils généraux) sera placée auprès de la ministre. Installée également d'ici à décembre, elle sera chargée de donner suite aux signalements communiqués par le 119.
Le renforcement des contrôles à l'embauche des personnels de l'enfance constitue une autre priorité. Pour lutter contre la pédophilie, les agents recrutés par le secteur associatif devront apporter la preuve qu'ils n'ont pas été condamnés pour des faits contraires à la probité et aux bonnes mœurs. La ministre s'est engagée à soumettre à la concertation un projet de texte législatif au cours du dernier trimestre.
Enfin, Ségolène Royal souhaite que les schémas national et régionaux de formation des travailleurs sociaux intègrent la notion de parentalité partagée et prennent mieux en compte les problématiques familiales et la nécessité de préserver au mieux le lien familial. Le Conseil supérieur du travail social se réunira en novembre prochain pour aborder cette question.
Avec cette livraison, nos lecteurs reçoivent, dans le cadre de leur abonnement, un numéro spécial
(1) Voir ASH n° 2166 du 12-05-00.
(2) Voir ASH n° 2177 du 25-08-00.
(3) Voir ASH n° 2081 du 21-08-98.