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Stérilisation des handicapés mentaux : le débat relancé

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Le 14 septembre, l'Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) (1) a demandé que le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) soit saisi, une nouvelle fois, de la question délicate de la stérilisation des handicapés mentaux.

Elle entendait ainsi réagir aux accusations dont est l'objet l'un de ses établissements, le centre d'aide par le travail-foyer de Sens (Yonne). En effet, le 11 septembre, l'Association de défense des handicapés de l'Yonne déposait plainte devant le tribunal de grande instance pour «  violences ayant entraîné des mutilations et infirmités permanentes  » à la suite d'opérations de stérilisation par ligature des trompes effectuées sur de jeunes femmes handicapées mentales.

Pas de politique d'eugénisme

Des accusations qui irritent le président de la fédération, Fernand Tournan. « L'APAJH a toujours affirmé et pratiqué en toutes circonstances le respect scrupuleux des personnes, et particulièrement des plus fragiles d'entre elles, handicapées », s'insurge-t-il. Expliquant qu'en l'espèce, l'accompagnement à la contraception « avait en tout point respecté les règles éthiques applicables en la matière  ». Ce que confirme d'ailleurs la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de l'Yonne.

Dans un communiqué du 11 septembre, cette dernière précise qu'elle avait été saisie de ce problème en 1999 et que « cette pratique a cessé après l'enquête » réalisée par le médecin inspecteur de santé publique. Enquête qui, ajoute-t-elle, met en évidence qu' « il n'y a pas eu de politique d'eugénisme pratiquée par cet établissement  ». En effet, « la démarche menée avec le médecin psychiatre de l'établissement s'est entourée des garanties suivantes : graduation de la contraception et proposition de ligature des trompes en cas d'échec des autres modes de contraception, examen médical préalable, protocole de décision comprenant l'accord de la famille ou du tuteur et de la personne elle-même ».

Par ailleurs, sur les 13 cas recensés, « 11 ont un caractère réversible », précise Fernand Tournan. Lequel se réserve le droit, après l'enquête judiciaire, de porter plainte contre l'Association de défense des handicapés de l'Yonne. Mais surtout, le président de la fédération entend bien que cette affaire permette d'aborder « au fond cette question fondamentale de la sexualité des personnes handicapées et surtout de leur droit à la sexualité  ». Il dénonce en effet l'absence de cadre juridique précis qui expose les professionnels aux risques de poursuites alors même qu'ils proposent un accompagnement à la contraception dans le respect de règles éthiques strictement définies (2). Déjà, en 1996, dans un avis sur « la contraception chez les personnes handicapées mentales » (3), le Comité consultatif national d'éthique soulignait la nécessité de prévoir «  un cadre réglementaire pour prévenir les actes abusifs à l'égard des personnes handicapées mentales, notamment des jeunes femmes ».

Faut-il légiférer ?

Une orientation qui, à l'époque, avait suscité des craintes, notamment au sein de l'Association des paralysés de France (4). Laquelle voyait, dans cet avis, même si le CCNE ne se prononçait pas clairement sur la question de la légalisation, «  la porte ouverte à la multiplication d'initiatives en vue d'obtenir un cadre légal et réglementaire à de telles pratiques ». Et bon nombre d'associations s'étaient élevées contre l'idée d'officialiser par la loi le recours à la stérilisation dans certains cas. Une position d'ailleurs partagée par l'inspection générale des affaires sociales qui, en 1998, chargée d'examiner les problèmes posés par les pratiques de stérilisation des personnes handicapées, avait affirmé que la stérilisation de ces publics ne pouvait faire l'objet d'un texte spécifique (5).

Quoi qu'il en soit, «  le fait de rester dans l'imprécision n'est pas favorable à l'accompagnement des personnes handicapées », rétorque Fernand Tournan, réclamant tout au moins une réflexion pour aménager le cadre existant. Et celui-ci, outre sa volonté d'en référer à nouveau au Comité consultatif national d'éthique, est bien décidé à interpeller les autres associations par le biais du Comité d'entente. Parallèlement, l'APAJH a demandé à Dominique Gillot la constitution d'un groupe de travail sur la question.

Dresser un état des lieux des pratiques existantes

Reste, tient à préciser Patrick Gohet, directeur général de l'Unapei, qu'avant même de s'interroger sur un éventuel vide juridique, il faut relancer la réflexion éthique autour du droit à la vie affective et sexuelle des personnes handicapées mentales. En faisant le point, à partir des différents travaux engagés au niveau national, mais aussi des démarches conduites au sein des équipes, notamment depuis 1996, année de la publication de la circulaire sur la prévention du VIH dans les établissements accueillant des handicapés mentaux (6). Car, pour le responsable de l'Unapei, l'erreur serait bien de vouloir chercher une solution législative avant même d'avoir réfléchi aux principes généraux.  I.S.

Notes

(1)  APAJH : 26, rue du Chemin-Vert - 75541 Paris cedex 11 - Tél. 01 48 07 25 88.

(2)  En l'état actuel du droit  « toute intervention mutilante sur le corps humain, sans but thérapeutique, est illicite ».

(3)  Voir ASH n° 1971 du 19-04-96.

(4)  Voir ASH n° 1986 du 30-08-96.

(5)  Voir ASH n° 2088 du 9-10-98.

(6)  Voir ASH n° 2002 du 20-12-96.

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