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La lutte contre les exclusions sort de l'exception

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Déception pour les associations :il n'y aura pas de second programme triennal de prévention et de lutte contre les exclusions. Le gouvernement préfère l'inscription de cette lutte dans le cadre de budgets pérennes.

Faut-il des mesures spécifiques pour la lutte contre les exclusions ? Martine Aubry a tranché en présentant, au conseil des ministres du 13 septembre, le bilan de deux années d'application de la loi du 29 juillet 1998. Affichée comme politique prioritaire depuis cette date, la lutte contre les exclusions est à présent intégrée dans les différentes politiques publiques. « On passe de l'expérimental au structurel », justifie-t-on dans l'entourage de la ministre.

Personne ne remet en cause la mobilisation sans précédent qui a accompagné la mise en œuvre de la loi. Sur ce point, le satisfecit de Martine Aubry rejoint les constats des associations. Et ceux du rapport d'évaluation de la mission de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) rendu public le 13 septembre (1), dont les ASH avaient dévoilé les grandes lignes dès juillet. Personne non plus ne minimise l'importance de l'effort financier engagé par l'Etat : plus de 40 milliards de francs en trois ans (20 milliards pour l'emploi, 8 milliards pour l'action sociale et la revalorisation des minima sociaux, 7,7 milliards pour la santé et la couverture maladie, 5,6 milliards pour le logement et, enfin, un milliard pour l'éducation, les loisirs et la culture). Néanmoins si, dans l'ensemble, la loi a été mise en œuvre très rapidement, la non-parution de certains textes d'application paralyse l'action des acteurs de terrain. Il en va ainsi du décret élargissant les missions des CHRS et de celui relatif à l'enregistrement unifié des demandes de logement HLM.

  Malgré les mesures annoncées...

Toutefois, si bon nombre d'efforts ont été accomplis, « l'objectif de l'accès de tous aux droits de tous est encore loin d'être atteint », s'accordent à reconnaître les associations du collectif Alerte. « A part l'impact de la couverture maladie universelle, les améliorations dans la vie quotidienne sont lentes à se faire sentir », souligne-t-on à ATD quart monde. Ce que d'ailleurs ne conteste pas Martine Aubry, qui, au-delà de son inventaire des avancées permises par la loi contre les exclusions (voir au verso), estime nécessaire « d'accentuer et d'amplifier » les efforts. Concrètement, la loi du 29 juillet 1998 fera ainsi l'objet d'une meilleure communication tant auprès des personnes en difficulté que de l'opinion publique (voir encadré). La ministre souhaite également lancer une réflexion avec les acteurs locaux afin de rationaliser l'organisation territoriale de la lutte contre les exclusions, complexifiée encore il y a deux ans. De plus, insiste-t-elle, « un effort particulier doit être accompli, non en termes de droits nouveaux, mais de relais spécifiques en direction de certains publics qui ne vont pas eux-mêmes vers les structures », notamment les titulaires, depuis plusieurs années, du RMI ou de l'allocation de parent isolé et les jeunes sortant d'une prise en charge institutionnelle (aide sociale, prison...). Enfin, outre la promotion de la lutte contre les exclusions au niveau européen, Martine Aubry promet d'engager « un travail approfondi concerté avec les professionnels et les bénéficiaires » sur les dispositifs « qui rencontrent des difficultés certaines de mise en œuvre »  : droit au compte bancaire et service bancaire de base, insaisissabilité des prestations.

  ... les inquiétudes demeurent « C'est nécessaire, positif, mais insuffisant », juge-t-on à la FNARS. La publicité faite autour de la loi doit s'accompagner «  d'un réel travail d'information et de formation des acteurs en contact avec les publics :administrations, guichetiers de banque... ». De même, l'association met en garde contre les risques de figer les dispositifs par une rationalisation bureaucratique. Quant à la mise en place de « relais spécifiques » pour aller au-devant des exclus, elle suscite de nombreuses interrogations. Quand va-t-on cesser d'inventer des choses nouvelles, se demandent plusieurs responsables associatifs ?

Et puis, il y a tous les points passés sous silence par la ministre. Et le collectif Alerte de rappeler « l'inadaptation flagrante de certains dispositifs », notamment la non-continuité des ressources pour les jeunes bénéficiaires de TRACE, la lenteur des collectivités locales à traduire dans les faits le droit aux transports... L'IGAS reconnaît d'ailleurs que la collectivité s'est insuffisamment investie sur au moins quatre points :le logement, les jeunes en difficulté, l'accès des adultes à l'emploi ou encore le traitement du surendettement.

Mais surtout, rejoignant en cela la demande des associations, l'inspection estime nécessaire d'élaborer un second programme triennal d'action, mettant l'accent sur les publics les plus exclus et le traitement des handicaps lourds comme l'illettrisme et l'alcoolisme, la souffrance psychique... Or, Martine Aubry est catégorique : s'il se justifiait pour la période 1998-2000, un tel programme n'a plus de raison d'être, la lutte contre les exclusions s'inscrivant désormais dans le cadre de budgets pérennes. « Une erreur politique », s'insurge Gilbert Lagouanelle, directeur des actions institutionnelles au Secours catholique. « Un programme triennal traduit une volonté politique. En outre, même s'il est ajustable chaque année, il donne des indicateurs chiffrés, des budgets et permet une bonne visibilité de l'évolution des mesures  », explique la FNARS. Visibilité d'autant plus importante que dans dix jours commence le débat sur le projet de loi de finances et que Martine Aubry s'apprête à quitter le gouvernement. Pour les associations, un second programme serait «  un sérieux garde-fou  » face aux risques de dilution d'une politique dans la gestion de dispositifs sectoriels, alors que la reprise économique risque, paradoxalement, d'accroître l'exclusion des plus démunis.

Informer sur l'accès aux droits

Afin de renforcer la communication en direction des publics en difficulté et des acteurs à leur contact, il est prévu d'organiser, à partir d'octobre 2000, des journées départementales de mobilisation contre les exclusions. Dès le printemps 2001, une campagne d'information sera en outre lancée en direction, d'une part, des personnes menacées ou frappées d'exclusion et, d'autre part, du grand public. Son coût : 20 millions de francs en 2001. Par ailleurs, dès à présent, un forum Internet Exclusion (www.social.gouv.fr) permet aux professionnels d'échanger leurs informations. Enfin, un kit de communication sur la loi du 29 juillet sera prochainement envoyé aux administrations et associations.

Florence Elguiz et Isabelle Sarazin

Satisfecit du gouvernement

Pour Martine Aubry, nul doute que « le pari a été tenu ». Deux ans après le vote de la loi du 29 juillet 1998 , « les résultats sont là. Les droits sociaux sont renforcés et apparaissent déjà moins formels. » Tour d'horizon des actions engagées pour lutter contre les exclusions. L'emploi Sur le front de l'emploi, un «  effort sans précédent  » a été accompli, selon la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, en faveur de l'insertion professionnelle et de l'aide au retour à l'emploi. Ainsi, dans le cadre du «  nouveau départ  », qui propose un parcours individualisé vers une reprise d'activité aux demandeurs d'emploi avant qu'ils n'atteignent 12 mois de chômage, aux jeunes avant 6 mois et aux chômeurs de très longue durée, 1 400 000 personnes ont été accueillies et 55 % d'entre elles sont sorties de l'ANPE après un délai de 4 mois. Avec TRACE (trajet d'accès à l'emploi), ce sont plus de 65 000 jeunes qui ont été aidés dans l'élaboration de leur parcours à l'emploi (2)  ; 15 mois après leur entrée dans le dispositif, 80 %d'entre eux travaillent ou sont en formation. Grâce aux emplois de solidarité dans les associations, les collectivités locales et les établissements publics, 72 000 personnes en difficulté ont également accédé, depuis 1999, à un travail. Toujours selon le ministère, « l'impulsion  » donnée au secteur de l'insertion par l'activité économique a fait passer le nombre de salariés en équivalent temps plein dans les entreprises d'insertion et de travail temporaire d'insertion de 10 915 en 1998 à 18 927 aujourd'hui (+ 73 %). Autre dispositif mis en avant : le contrat de qualification pour adultes, conclu par plus de 6 000 bénéficiaires, dont 60 % de chômeurs de longue durée (3) . L'assouplissement des règles de cumul d'un minimum social avec un revenu d'activité a concerné près de 150 000 allocataires du revenu minimun d'insertion (RMI), 10 000 attributaires de l'allocation de parent isolé et 50 000 titulaires de l'allocation de solidarité spécifique. Autre mesure à mettre à l'actif du gouvernement : la création d'une prime de 2 000 F à 3 000 F pour les femmes en difficulté reprenant une activité professionnelle   (4) . La santé Côté santé, l'ensemble de la population « bénéficie désormais d'un accès aux soins ». Après quelques mois de mise en œuvre, la couverture maladie universelle est présentée comme «  un succès  », malgré «  les obstacles inhérents  » à ce nouveau droit : 4,5 milllions de personnes couvertes par la CMU complémentaire à la rentrée 2000, chiffre supérieur de 1,8 million à celui des bénéficiaires de l'ancienne aide médicale. D'autre part, ajoute le document de synthèse du ministère, « l'élaboration des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins [4] a permis d'établir un diagnostic et des priorités partagés ». Et 300 permanences d'accès aux soins de santé, qui offrent aux exclus la possibilité de bénéficier de consultations à tout moment dans les hôpitaux (5) , ont été financées l'an dernier. Le logement Selon l'évaluation gouvernementale, le droit au logement « a été renforcé et doté de moyens supplémentaires ». En particulier, les moyens financiers des fonds de solidarité logement ont été doublés. La création d'une aide à la médiation locative   (6) a permis de mobiliser 20 000 logements pour un montant de 60 millions de francs. La mise en œuvre de la taxe sur les logements vacants, dans 8 agglomérations, a alimenté, quant à elle, à hauteur de 70,4 millions de francs le budget de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. Par ailleurs, le bilan souligne que la moitié des départements dispose d'une charte de prévention des expulsions   (7) . Et qu'une enveloppe de 75 millions de francs a été ouverte cette année pour lutter contre le saturnisme infantile. Les moyens nouveaux débloqués par l'Etat pour les impayés d'eau (30 millions), d'énergie et de téléphone (réduction de l'abonnement téléphonique de 33 F et 277 millions de francs pour la prise en charge des dettes) sont également à retenir. Enfin, la réforme annoncée des aides personnelles au logement, « qui mobilisera 6,5 milliards de francs supplémentaires  », bénéficiera aux ménages à faibles revenus. L'accès de tous à tous les droits Dernier pan de l'évaluation : «  l'accès de tous à tous les droits » qui, d'après le ministère, a progressé grâce à la prise en compte de la lutte contre les exclusions dans l'ensemble des politiques publiques. Au chapitre du droit « à des moyens de vie décents », sont mentionnées, pêle-mêle : la revalorisation du RMI et des allocations de solidarité, la mise en place de l'allocation spécifique d'attente ou encore la réforme de l'allocation de veuvage. En outre, le ministère insiste sur l'amélioration des procédures de traitement du surendettement (4 337 moratoires prononcés par les commissions de surendettement et effacement des dettes pour 91 dossiers). De son côté, la procédure d'effacement des dettes fiscales des chômeurs surendettés et des personnes en difficulté a permis d'accorder des dégrèvements à près de 300 000 personnes. S'agissant de « l'accès à l'éducation », le ministère met en avant « l'extension conséquente de la carte des zones d'éducation prioritaire  » (un élève sur cinq désormais concerné ), la création de bourses au mérite (8) , ainsi que le versement, en 2000, d'une aide individuelle de 2 000 F à 11 500 jeunes préparant le brevet d'aptitude à la fonction d'animateur ou de directeur (BAFA/BAFD)   (9) . Pour ce qui est des loisirs et des sports, 10 000 personnes ont déjà pu partir en 2000 grâce la «  bourse solidarité vacances » et le coupon sport, aide individuelle de 100 F ou 200 F, sera versé cette année à 200 000 jeunes, se félicite le ministère. Pour terminer, ce dernier énumère les mesures destinées à consacrer « le droit à une vie familiale ». Parmi celles-ci : « l'intensification des réseaux d'aide à la parentalité  », « le quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire  » ou encore, l'instauration du cumul de l'allocation pour jeune enfant avec le RMI. F.E. - V.H.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2175 du 14-07-00.

(2)  Voir ASH n° 2179 du 8-09-00.

(3)  En mars dernier, une circulaire appelait à l'essor de cette mesure - Voir ASH n° 2164 du 28-04-00.

(4)  Voir ce numéro.

(5)  Voir ASH n° 2172 du 23-06-00.

(6)  Voir ASH n° 2159 du 24-03-00.

(7)  Ces chartes devaient être élaborées dans tous les départements avant le 31 juillet 2000, selon la circulaire interministérielle du 9 février 1999 - Voir ASH n° 2107 du 19-02-99.

(8)  Voir ASH n° 2177 du 25-08-00.

(9)  Voir ASH n° 2128 du 16-07-99.

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