Nous avions longuement évoqué dans nos colonnes les discriminations subies par les travailleurs sociaux de la municipalité d'extrême droite de Vitrolles (Bouches-du-Rhône). Et ouvert un large débat parmi les professionnels à la suite du licenciement de 31 agents contractuels - dont des éducateurs de rue, des animateurs, des directeurs de maisons de quartiers, des agents d'ambiance et de prévention - survenu le 30 août 1997 (1).
Malgré le désaveu de la municipalité...
Trois ans après, le 27 juin 2000, la cour administrative d'appel de Marseille a désavoué la municipalité de Vitrolles. Elle estime que la délibération est entachée de vice de forme, faute d'avoir été précédée d'une consultation régulière du comité technique paritaire. Son arrêt vient confirmer le jugement du tribunal administratif de Marseille qui, le 25 février 1999, avait annulé la décision en relevant, pour sa part, que « le motif d'économie avancé par la ville de Vitrolles » pour justifier les licenciements « ne peut être regardé comme établi ». La mairie a d'ores et déjà indiqué son intention de se pourvoir en cassation.
« Le licenciement des 31 agents est donc reconnu pour la seconde fois juridiquement illégal », se réjouissent le syndicat CFDT Interco 13 (2) et d'anciens salariés de la ville regroupés au sein de l'association La Charrette (3). Néanmoins, « il reste encore une étape juridique à passer, c'est bien entendu les conséquences administratives de cet arrêt ». Les agents licenciés ont en effet déposé auprès du tribunal administratif des recours de plein contentieux afin d'obtenir le paiement intégral des salaires qu'ils auraient dû percevoir s'ils n'avaient pas été mis à la porte, ainsi que des dommages et intérêts pour le préjudice subi. Car celui-ci est loin d'être négligeable si l'on considère que seulement la moitié des personnes - dont quelques-unes avaient 11 ans, voire 15 ans d'ancienneté - ont retrouvé un emploi. Et encore, trop souvent en deçà de leurs qualifications professionnelles et dans des conditions d'exercice précaires. « Le 30 août 1997 a même été la fin d'un processus d'intégration pour deux agents de prévention antillais recrutés pour travailler auprès des jeunes. Ils ont dû finalement retourner dans leur département », analyse, très amer, Bruno Bidet, délégué CFDT. ... le sentiment d'injustice des professionnels
Mais le plus « irréparable » est encore ailleurs. C'est l'immense sentiment de frustration et paradoxalement d'injustice que ressentent les travailleurs sociaux, bien qu'ils aient eu juridiquement gain de cause. Si les juges ont désavoué la municipalité, ils ont en effet évité soigneusement de se prononcer sur le fond. « Rien n'est dit sur le caractère idéologique des licenciements et le fait que nous avons été pénalisés par rapport aux valeurs que nous défendions. Alors que le motif économique mis en avant par la municipalité n'est qu'un alibi », s'insurge Pascale Morbelli, porte- parole de La Charrette. Laquelle dénonce « le premier licenciement collectif dans le cadre de la fonction publique territoriale ». Tout comme le syndicat CFDT 13, elle déplore le silence de l'institution judiciaire sur l'aspect politique du dossier. Pourtant, soulignent-ils, « les contractuels licenciés ont subi lors des élections municipales de février 1997, de la part de certains élus d'extrême droite et, plus particulièrement des époux Mégret, une campagne de critique et de dénigrement médiatique », dont les ASH s'étaient d'ailleurs fait largement l'écho.
C'est ce silence autour de la volonté politique municipale de sanctionner les valeurs du travail social que dénoncent aujourd'hui les professionnels. D'autant que la « charrette » des 31 contractuels n'est que « la partie visible » de l'iceberg, relève Bruno Bidet. Lequel estime que plus de 80 personnes -auxiliaires de puériculture, agents dans les crèches, les écoles...-, relevant d'emplois encore plus précaires et dans l'impossibilité de faire valoir leurs droits, ont également été remerciées par la municipalité. I.S.
(1) Voir ASH n° 2064 du 27-03-98.
(2) CFDT Interco 13 : Maison des syndicats - Centre urbain - 13127 Vitrolles - Tél. 04 42 75 15 58.
(3) La Charrette - C/o Pascale Morbelli - Tél. 04 42 79 68 29.