Voici une étude complète sur des structures jusqu'ici peu analysées : les centres maternel qui accueillent les femmes enceintes ou les jeunes mères isolées - et leur enfant - en difficulté sociale ou psychologique. Fille de la Révolution française, l'idée des « maisons maternelles » n'a pris réellement forme qu'au lendemain de la Première Guerre mondiale, avant d'obtenir une reconnaissance légale en 1939, renforcée par l'ordonnance du 2 novembre 1945 sur la protection maternelle et infantile. Une longue histoire, donc, qu'explore cette étude, pilotée par la démographe et historienne Catherine Rollet, directrice de recherche au CNRS. Elle montre combien certains centres, encore aujourd'hui, sont marqués par un passé placé sous le signe de l'isolement : il s'agissait d'offrir un lieu calme, propice au repos, mais aussi de soustraire ces « pécheresses » aux yeux d' « une société peu encline à pardonner à la femme qui avait “failli” et encore moins à la respecter ou à protéger l'enfant né de ses relations coupables ». Il serait cependant « illusoire », insistent les auteurs, d'imaginer « les centres “centrés” sur eux » :l'ouverture, à présent, est de mise pour assurer aux femmes la meilleure réinsertion possible. D'où l'inscription de ces structures dans de nombreux réseaux institutionnels. L'insertion professionnelle n'est qu'un de leurs objectifs, à côté de l'aide à la reconstruction de l'identité de ces femmes en rupture et de la constitution du lien mère-enfant. Les professionnels très divers qui exercent en ces lieux - éducateurs spécialisés, assistantes sociales, conseillères en économie sociale familiale, puéricultrices... - décrivent d'ailleurs les conflits entre ces différentes priorités. D'un côté, ils doivent faire face aux « demandes pressantes » d'insertion sociale des services extérieurs qui adressent les femmes. De l'autre, leurs propres exigences vis-à-vis de leur mission subordonnent l'insertion à un travail préalable autour du vécu et des relations mère-enfant. Les femmes, également, évoquent leurs contraintes :la discipline, qu'elles ont parfois du mal à supporter, les tensions avec les éducateurs, les regards qui observent et évaluent... Mais aussi les soutiens qu'elles reçoivent dans tous les domaines, les affinités avec le personnel éducatif ou les autres résidentes, l'envie de s'en sortir et l'espoir, enfin, d'y arriver. C.G. Les centres maternels - Pascale Donati, Suzanne Mollo, Alain Norvez, Catherine Rollet - Ed. L'Harmattan - 170 F.
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Les centres maternels
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