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L'enfant sorcier africain entre ses deux juges

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 Pour le moins dérangeant, cet ouvrage bouscule les représentations habituelles du fonctionnement de la justice. Quittant la sécurité d'une approche normative du droit et renonçant à leur toute-puissance de magistrats, deux juges des enfants, Martine de Maximy (devenue juge d'instruction) et Thierry Baranger, invitent à concevoir autrement leur fonction. En acceptant, face à certains enfants de migrants en danger, de confronter leur grille d'analyse des dysfonctionnements familiaux avec d'autres références culturelles. Et de transformer le cadre judiciaire en un « espace transitionnel » permettant un va-et-vient entre deux mondes. A l'origine, la démarche est avant tout pragmatique : ces magistrats se sentent impuissants face à certains comportements de jeunes, notamment les enfants réputés sorciers, originaires d'Afrique centrale. Souvent déprimés, accusés d'errance nocturne, violents, ressentis comme dangereux pour leur entourage, ceux-ci renvoient à un univers culturel où le visible se mêle à l'invisible. Et leurs agissements n'ont de signification que si l'on se réfère à la sorcellerie, inscrite au cœur du fonctionnement social et psychologique des sociétés traditionnelles d'Afrique noire.

La méthode est pour le moins novatrice. Pour restituer du sens à ces conduites et réussir à protéger ces enfants de migrants, les deux juges ont développé une expérience d' « intermédiation culturelle » en partenariat avec le laboratoire d'anthropologie juridique de l'université de Paris-I. Et font appel, lorsque c'est nécessaire, à des « interprètes culturels », psychologues ou anthropologues de la même origine culturelle que la famille du mineur en danger. Il s'agit par la médiation de parvenir à proposer « une solution partageable » entre la culture d'accueil et la culture d'origine et de revenir par là à une approche pédagogique de la loi. Les juges illustrent leur démarche par une analyse très concrète des cas de Téo (l'enfant-panthère), Sara (l'enfant-princesse), Edgar (l'enfant-hibou)... Chaque fois, la prise en compte de l'étiologie sorcière dans leur travail a permis d'éviter de prononcer des mesures sans signification au regard des représentations des familles et d'organiser une réponse cohérente avec le cadre judiciaire et leurs systèmes de référence. Bien sûr, le détour par l'interculturel, et cette ouverture à l'ethnopsychiatrie et à l'anthropologie juridique, ne sont pas sans risques. Risques pour le juge de donner trop de place aux systèmes de référence étrangers, de transformer son cabinet en lieu de soins traditionnel, d'ébranler ses propres repères identitaires... Dangers que n'ignorent pas les auteurs de l'ouvrage qui s'appuient non seulement sur un cadre d'intervention rigoureux, mais aussi sur leur réflexion éthique relative à la justice des mineurs. Laquelle « n'est pas seulement une instance de normalisation et de régulation sociale mais aussi un lieu de passage et d'insertion et donc un “espace initiatique”  ». I.S.

L'enfant sorcier africain entre ses deux juges -Martine de Maximy, Thierry Baranger, Hubert de Maximy - ODIN éditions : 39, avenue Saint-Fiacre - 78100 Saint-Germain-en-Laye - Tél.01 30 61 24 45 - 98 F (+ 16 F de port).

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