Par une lettre commune du 24 juillet, Martine Aubry et Laurent Fabius ont fait savoir aux partenaires sociaux qu'ils refusaient d'agréer la nouvelle convention d'assurance chômage signée par le patronat (MEDEF, CGPME, UPA), la CFDT et la CFTC (1). Tout en soulignant leur « volonté d'améliorer l'indemnisation du chômage et de mieux accompagner les chômeurs vers l'emploi », les ministres de l'Emploi et des Finances dénoncent le système proposé par la convention pour y parvenir, en particulier le plan d'aide au retour à l'emploi (PARE).
Selon eux, « l'amélioration de la couverture chômage est insuffisante » : seuls quatre des 75 milliards d'excédents attendus y sont consacrés et la réduction de huit à quatre mois de la période d'affiliation nécessaire pour ouvrir droit aux allocations n'augmenterait « la proportion des chômeurs indemnisés que de 0,2 % ». En outre, les deux ministres reprochent à la convention de ne prévoir « aucune enveloppe spécifique [...] pour financer le PARE », cœur du nouveau dispositif. Ils réaffirment également leur crainte de voir émerger « un système à double vitesse d'aide au retour à l'emploi » : l'un réservé aux chômeurs indemnisés ayant signé le PARE et qui bénéficieraient des offres d´emploi des entreprises par le biais des Assedic, l'autre aux « chômeurs les plus éloignés de l'emploi [qui] se retrouveraient définitivement cantonnés dans l'assistance et les emplois de solidarité ». Par ailleurs, ils rejettent totalement le dispositif de sanctions progressives prévu par la convention pour les chômeurs qui ne s'engageraient pas dans une démarche active de recherche d'emploi (2). Martine Aubry et Laurent Fabius estiment en effet que, « pour être impartiales », les décisions de sanction ne doivent pas être prises par les Assedic, mais « rester de la responsabilité de l'Etat ». De plus, ils redoutent que le mécanisme ainsi mis en place permette de « contraindre les chômeurs à prendre des emplois ne correspondant pas à leur qualification ». Enfin, les ministres s'opposent à la suppression de l'allocation de formation-reclassement prévue au 1er janvier 2001, mesure qui serait « contradictoire avec l'objectif d'améliorer l'aide au retour à l'emploi ».
Le gouvernement cimente son argumentaire en se référant à une décision du Conseil d'Etat du 22 décembre 1995 selon laquelle l'Etat ne peut agréer une convention comportant des clauses non conformes à la législation en vigueur au moment de sa conclusion, dès lors qu'elles sont indivisibles du reste du texte, et quand bien même il serait expressément prévu qu'elles n'entreraient en vigueur que sous réserve de modifications législatives et réglementaires. Or, tel est le cas notamment des dispositions concernant le PARE. En conséquence, affirment Laurent Fabius et Martine Aubry, « il apparaît que la convention ne peut juridiquement faire l'objet ni d'un agrément total, ni même d'un agrément partiel ».
Ce refus d'agrément ne remet pas en cause l'indemnisation des chômeurs qui continuent à percevoir normalement leurs allocations. Un décret ayant en effet prorogé la convention d'assurance chômage applicable au 30 juin, jusqu'à l'agrément d'une nouvelle (3).
Suspense, jusqu'au 4 septembre, sur l'avenir du paritarisme
En conclusion de leur lettre , Martine Aubry et Laurent Fabius lancent un appel à la reprise des négociations. Cependant, dès réception de ce document, les signataires de la convention ont fait savoir, dans une déclaration commune, qu'ils suspendaient immédiatement leur participation à la gestion de l'Unedic. Décision pour l'instant sans conséquence sur le fonctionnement de cette dernière et l'indemnisation des chômeurs. Ils ont indiqué qu'ils réuniront leurs instances avant de se retrouver, le 4 septembre, « pour tirer toutes les conséquences de cette situation », c'est-à-dire décider ou non de quitter l'Unedic, voire les autres organismes sociaux paritaires. Répondant à l'Agence France presse, Martine Aubry a indiqué, le 26 juillet, que « si les signataires [refusaient] la discussion ou [prenaient] la responsabilité de quitter le paritarisme [...], il ne serait pas pour autant question d'étatiser le régime d'assurance chômage ». Dans le cas où un établissement public serait mis en place pour assurer la gestion de l'Unedic, « les partenaires sociaux seraient évidemment partie prenante, notamment dans les instances de décision », a précisé la ministre (4).
Dans une lettre du 1er août adressée au gouvernement, patronat et syndicats signataires de la nouvelle convention semblent adoucir leur position. S'ils lui demandent de réexaminer son refus d'agrément, ils se disent toutefois « disposés à ouvrir la discussion dès que possible » sur quatre points essentiels : la clarification des relations financières entre l'Unedic et l'Etat, l'extension du PARE aux demandeurs d'emploi relevant du régime de solidarité, l'élaboration d'une convention de partenariat entre l'ANPE et l'Unedic et la conclusion d'une convention entre l'Unedic et l'Etat définissant leurs modalités de collaboration. En réponse à cette lettre, le gouvernement a écrit aux signataires pour confirmer son refus d'agrément et demander à nouveau une poursuite des négociations. Chacun campe donc pour l'instant sur ses positions, d'autant que le MEDEF a bien souligné que discussion ne signifie pas renégociation.
(1) Voir ASH n° 2172 du 23-06-00.
(2) Voir ASH n° 2171 du 16-06-00.
(3) Voir ASH n° 2174 du 7-07-00.
(4) Pour une réaction à cette crise du paritarisme, voir ce numéro.