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Perquisition dans un centre pour toxicomanes : polémique

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L'affaire soulève un tollé dans le milieu de la prise en charge des toxicomanes. Elle débute le 17 juillet, lorsqu'une juge d'instruction de Pontoise, enquêtant dans le cadre d'un trafic de stupéfiants, saisit au centre méthadone de Sarcelles (95), le centre Rivage (1), le dossier d'une personne qu'elle soupçonne. Mais « outre ce dossier médical, elle a également pris la liste de tous les patients et consulté leurs dossiers médicaux, notamment les analyses d'urine qui permettent de détecter si les patients prennent bien le traitement à la méthadone [...] et également de voir s'ils continuent à consommer des drogues. Ils sont donc susceptibles d'être interrogés et mis en cause », explique le docteur Gilles Nester, psychiatre, responsable du centre.

Le 28 juillet, nombre d'organismes - Médecins du monde, Aides, Syndicat de la magistrature, Ligue des droits de l'Homme, etc. -, de centres de soins pour toxicomanes et d´associations d'usagers ont apporté leur soutien au centre Rivage en adressant une lettre ouverte au Premier ministre. Ils y déplorent « les conséquences [désastreuses] de cette procédure : rupture de confidentialité, mise à mal de la nécessaire confiance entre les patients et les équipes. Un seul usager incriminé et c'est tout un centre de soins qui est menacé dans son fonctionnement ! Comment convaincre les usagers d'entrer dans une démarche de soins si, de ce seul fait, ils s'exposent à des poursuites judiciaires ? », interrogent-ils.

Les signataires ne contestent pas la légalité de la procédure judiciaire mais soulignent combien le cas, isolé jusqu'ici, du centre Rivage, révèle un grand danger pour tous les organismes de soins aux toxicomanes : les dossiers médicaux ne sont pas à l'abri des perquisitions. Alors, comment concilier l'exigence de confidentialité inhérente aux soins et la nécessaire instruction judiciaire dans une affaire de drogue ?

Mieux protéger l'anonymat des patients « En particulier, les examens urinaires sont un outil thérapeutique pour les équipes mais ne sont en aucun cas destinés à apporter une preuve judiciaire de l'usage. Sans garantie de confidentialité, les équipes ne pourront pas continuer à les pratiquer », préviennent les auteurs de la lettre à Lionel Jospin. Les associations d'usagers, pour leur part, remettent en cause l'utilisation de ces tests : «  Dans les centres méthadone, on en use et en abuse, des usagers sont même infantilisés, punis par des réductions de méthadone parce que ces examens prouvent qu'ils continuent à consommer de la drogue. Tout cela au lieu de privilégier la relation de confiance et le dialogue », estime Nathalie Vallet , de l'Observatoire du droit des usagers dans les institutions sociales (2). « En effet, chaque centre de soins est très libre dans sa manière d'utiliser ces tests. Une circulaire nous oblige juste à en réaliser un au premier contact du patient avec le centre, puis recommande d'en faire régulièrement. Il serait nécessaire que les textes définissent de manière plus stricte leur utilisation », confirme Gilles Nester. Tout le monde est d´accord : cette affaire est l'occasion pour les professionnels de réfléchir à leurs pratiques : comment utiliser ces examens médicaux dans la relation au patient ? Faut-il conserver ces résultats dans les dossiers ? Comment mieux garantir l'anonymat des usagers (par un codage des résultats médicaux, par exemple)  ? 

A cette occasion, certaines associations réclament à nouveau une réforme de la loi de lutte contre la toxicomanie du 31 décembre 1970. Mais pour Gilles Nester, « il est urgent que des circulaires redéfinissent l'anonymat, la confidentialité, et protègent mieux les patients ».

Au secrétariat d'Etat à la santé, on indique qu'une réflexion sera menée courant septembre pour « faire en sorte que cela ne se reproduise plus ».  P.D.

Notes

(1)  Centre Rivage : 10, avenue Joliot-Curie - 95200 Sarcelles - Tél. 01 39 93 66 67.

(2)  Voir ASH n° 2127 du 9-07-99.

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