Qu'attendez-vous de la présidence française ?
- Qu'enfin soit adoptée une stratégie européenne en matière de lutte contre l'exclusion, qui ne soit pas limitée à une approche de réparation, mais multidimensionnelle, inscrite dans l'ensemble des politiques. C'est aussi, semble-t-il, la position de la présidence française. Nous souhaitons également que des objectifs précis soient fixés, comme dans le domaine de l'emploi. Les buts généraux
- telle la diminution du taux de pauvreté
- sont insuffisants. D'ailleurs, en France, la loi contre les exclusions a pris en compte l'accès aux ressources, aux biens, aux services et aux droits fondamentaux, à tout ce qui permet de tenir sa place dans la société. Ces objectifs, en outre, doivent être quantifiés. On peut, par exemple, dans chacun des pays, déterminer le nombre de personnes relevant d'un système de ressources, quel qu'il soit, et n'en bénéficiant pas. Ou obtenir des données sur l'accès aux soins des publics situés au-dessous du seuil de pauvreté. A partir de ces éléments, on peut fixer des objectifs chiffrés. Dont l'atteinte, ou non, devrait faire l'objet d'une évaluation annuelle dans chaque Etat.
Parmi les priorités françaises, figure aussi l'adoption d'une charte européenne des droits fondamentaux (3). Pourquoi un tel texte, soutenu par les ONG européennes ?
- Le développement généralisé de mécanismes de marché dans un espace européen ne crée pas que des gagnants. Les pays de l'Union doivent se doter, à l'échelle communautaire, de textes garantissant que les progrès économiques sont synonymes d'espérance pour tous. De plus, il est important, à la veille de l'élargissement à de nouveaux pays, de marquer que l'Europe repose sur des valeurs : le respect de la dignité des personnes, le libre exercice de leur citoyenneté... Et, point crucial, que les droits civils et politiques, d'un côté, et économiques et sociaux, de l'autre
- accès aux ressources, aux soins, à l'éducation, au logement... -, sont indivisibles et interdépendants. Tous sont essentiels pour que soit respectée la volonté des fondateurs de l'Europe : organiser la paix et la cohésion sociale.
Où en est-on de la rédaction de cette charte ?
- Pour la première fois dans l'histoire de l'Union, on a rassemblé, au sein d'une « convention », des parlementaires européens et nationaux, ainsi que des membres des exécutifs des Etats et de la Commission européenne, pour préparer ce texte. Les organisations non gouvernementales, également, ont apporté leur contribution. Un premier examen du document par le Conseil de l'Europe est prévu à Biarritz en octobre, avant une adoption au sommet de Nice en décembre. Le statut de cette charte, cependant, n'est pas encore défini. Sera-t-elle intégrée dans les traités ? Sera-t-elle adoptée par la totalité des Etats ou, dans un premier temps, par un petit nombre seulement ? En tout cas, nous, associations, ne voulons pas qu'il s'agisse d'une simple déclaration politique. Elle doit avoir une applicabilité juridique et servir de référence devant une cour de justice. C'est déjà le cas de la Convention européenne des droits de l'Homme.
Propos recueillis par Céline Gargoly
(1) Voir ASH n° 2166 du 12-05-00 et ce numéro.
(2) Hugues Feltesse est également directeur général de l'Uniopss : 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 - Tél. 01 53 36 35 00 - Sur les propositions de l'EAPN, voir également ce numéro.
(3) Voir ASH n° 2170 du 9-06-00 - La charte est accessible sur le site http://db. consilium. eu. int/df.