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...Jacques Freyssinet, sur la réforme de l'Unedic

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Alors que le patronat, la CFDT et la CFTC devaient transmettre à Martine Aubry aujourd'hui, au plus tard, le document juridique traduisant leur accord, conclu le 14 juin, sur la réforme de l'assurance chômage (1), Jacques Freyssinet, directeur de l'Institut de recherches économiques et sociales  (IRES)   (2), analyse le sens des changements apportés.

En quoi la réforme de l'assurance chômage est-elle une révolution ?

Révolution est un bien grand mot ! Cet accord implique un changement qualitatif important car il lie l'indemnisation à un programme individuel que le demandeur d'emploi s'engage à suivre. Mais ce n'est pas un changement de situation puisque le droit à l'indemnisation a toujours été soumis au contrôle d'une recherche active d'emploi. Cette tâche relevait jusqu'ici du ministère du Travail et le nombre de radiations, compte tenu du marché du travail, était faible. Si l'Unedic est désignée par l'accord juridique pour reprendre ce contrôle, il sera sans doute plus effectif et permanent.

L'accord va-t-il, comme le craignent les associations de chômeurs, obliger les demandeurs d'emploi « à accepter n'importe quel travail »  ?

Il est difficile de répondre clairement aujourd'hui, car les termes de l'accord du 14 juin sont vagues. Premier problème : juridiquement, qu'est-ce qu'un « emploi convenable »  ?Dans le texte, il est tantôt défini comme un emploi correspondant aux niveaux de qualification et de salaire antérieurs du chômeur. Tantôt, il est stipulé que la personne est obligée d´accepter tout emploi disponible sur le marché du travail. Bref, à la lecture du texte, on a l'impression qu'au début du processus, l'emploi proposé sera conforme aux qualifications du chômeur, telles qu'elles auront été évaluées par un bilan de compétences, mais que, plus la durée du chômage sera longue, plus le demandeur risque de devoir accepter un emploi différent de sa qualification. Deuxième problème : qui sera l'opérateur ? Il existe trois possibilités. Soit l'Unedic réalise elle-même le suivi. Dans ce cas, il faudra créer un service de toutes pièces, ce qui est considérable et peu vraisemblable. La deuxième solution consiste, pour l'Unedic, à passer une convention avec l'ANPE. Enfin, l'Unedic pourrait déléguer sa responsabilité à des prestataires

- pourquoi pas des cabinets spécialisés dans le placement ? Si ce sont les agents du service public qui contrôlent le plan d'aide au retour à l'emploi[PARE] , leur déontologie permet d'espérer qu'ils seront préoccupés avant tout par l'insertion des chômeurs. Si ce sont les prestataires privés, soucieux de rentabilité, on peut penser que sa mise en œuvre sera moins adaptée aux intérêts des chercheurs d´emploi et renforcera les inégalités de prestations qui existent déjà.

Le PARE ne sera-t-il pas plus efficace que le système actuel d'insertion ?

Pour apprécier cela, la comparaison internationale est instructive. Par exemple, au Royaume-Uni, une véritable pression s'exerce sur les chômeurs pour qu'ils acceptent ce qu'on leur offre, sous peine de disparaître du système d'indemnisation. Au Danemark, par contre, le service public de l'emploi impose des plans individualisés mais s'engage à offrir, en échange, une solution positive, c'est-à-dire un emploi classique ou une formation correspondant aux perspectives d'embauche. Dans le cas de la France, les deux dimensions « carotte » et « bâton » sont présentes. Leur équilibre dépendra de l'accord juridique, de l'organisme qui le mettra en œuvre et du marché du travail

- si les créations d´emploi sont massives, la pression de la sanction sera moindre. Mais il n'est pas évident que ce système s'applique tel quel, puisqu'il nécessite l'agrément du ministère du Travail, ainsi que des modifications législatives. Des négociations compliquées vont sans doute démarrer.

Propos recueillis par Paule Dandoy

Notes

(1)  Voir ASH n° 2172 du 23-06-00 et ce numéro.

(2)  Egalement professeur d'économie à l'université de Paris-I - IRES : 16, boulevard du Mont-d'Est - 93192 Noisy-le-Grand cedex - Tél. 01 48 15 18 90.

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