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La naturalisation

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Deux ans après la réforme Guigou, une circulaire précise les critères de recevabilité et d'instruction des demandes de naturalisation. L'occasion de revenir sur ce mode d'acquisition de la nationalité française.

Décision rendue par décret, l'octroi ou le refus de la nationalité est une prérogative souveraine de l'Etat permettant à des étrangers de devenir citoyens français, à la condition que leur démarche s'inscrive dans un processus d'intégration réelle. A la différence de celui qui acquiert la nationalité par déclaration (par le mariage par exemple), l'étranger qui sollicite la naturalisation ne dispose d'aucun droit à l'obtenir, quand bien même les conditions légales de recevabilité seraient remplies. Autrement dit, rien n'oblige le gouvernement, statuant « en opportunité », à accéder à la demande. Du reste, en cas de décision favorable, la jurisprudence emploie bien les termes de« faveur » accordée par l'Etat français aux étrangers.

Deux étapes sont à distinguer : la phase de la recevabilité de la demande, d'une part, qui constitue le premier « barrage » et repose sur des critères objectifs, énoncés par le code civil (c. civ.) ; la phase de ladécision de l'autorité publique, d'autre part, au cours de laquelle intervient le pouvoir souverain de l'Etat pour évaluer le degré d'intégration réelle du demandeur et accorder ou non la nationalité. En tout état de cause, qu'elles soient prises en recevabilité ou en opportunité, les décisions négatives doivent toujours être motivées.

Tout au long de la procédure, les interlocuteurs privilégiés des postulants restent lespréfectures. Au-delà du simple accueil, elles établissent les dossiers avec eux, rendent un avis motivé et transmettent le tout à l'administration centrale. Elles sont également chargées d'informer les demandeurs sur l'état d'avancement de l'instruction et, le cas échéant, d'expliquer à ceux qui n'obtiendront pas satisfaction les raisons du refus de naturalisation. Mission peu aisée dans la mesure où instruction de la demande et décision finale reviennent à l'administration centrale. Il était donc nécessaire de préciser les orientations politiques générales en matière de naturalisation, notamment pour aider les préfectures dans leur lecture des critères subjectifs choisis par l'administration centrale pour fonder sa décision.

Une circulaire de 1995 avait détaillé les critères de recevabilité et d'instruction de la demande. Deux ans après la réforme du droit de la nationalité engagée par Elisabeth Guigou (1), une nouvelle circulaire vient l'abroger et la remplacer. Reprenant et précisant les règles à observer pour la constitution et la transmission des demandes de naturalisation, elle redéfinit les critères de recevabilité et d'instruction des dossiers, en tenant compte de l'évolution de la jurisprudence et de la législation. L'occasion de faire le point sur l'ensemble de la procédure et des conditions à remplir pour devenir français en suivant cette voie.

A noter : le présent dossier actualise les pages 34 à 40 du Supplément au n° 2137 des ASHdu 15 octobre 1999 consacré à la nationalité.

Les conditions de recevabilité de la demande

Pour voir sa demande examinée, l'étranger souhaitant acquérir la nationalité française par voie de naturalisation doit remplir des conditions tenant à son âge, sa résidence, son assimilation à la communauté française et sa moralité. Son état de santé peut, par ailleurs, entrer en ligne de compte. Enfin, l'absence de certaines condamnations et sanctions de même que la régularité du séjour sont exigées.

L'âge

Nul ne peut être naturalisé s'il n'a atteint l'âge de 18 ans (art. 21-22 du c. civ.). Exception à ce principe, l'enfant mineur qui ne résidait pas en France au moment où l'un de ses parents a acquis la nationalité française. Dans ce cas, il peut être naturalisé, même s'il ne satisfait pas à la condition liée à la résidence habituelle en France (art. 21-19, al. 1er du c. civ.) (voir ci-dessous). S'il a moins de 16 ans, il doit alors être représenté par celui ou ceux qui exercent à son égard l'autorité parentale. S'il a plus de 16 ans, il peut accomplir la démarche seul, sans autorisation (art. 17-3 du c. civ.).

La résidence en France

Le demandeur doit non seulement avoir sa résidence (habituelle) en France au moment de la signature du décret de naturalisation (art. 21-16 du c. civ.)mais encore, sauf possibilités de dispense prévues à l'article 21-19, répondre à l'existence d'une condition de « stage », fixée à 5 ans de résidence habituelle(art. 21-17 du c. civ.).

LA NOTION DE RÉSIDENCE HABITUELLE EN FRANCE

La notion de résidence implique le respect des lois et conventions relatives au séjour des étrangers en France. Ainsi, le titre de séjour est un élément nécessaire pour examiner la demande au regard des conditions de résidence. Il ne suffit toutefois pas à démontrer la réalité de l'établissement en France. En effet, selon une jurisprudence constante du Conseil d'Etat, rappelée dans la circulaire du 12 mai 2000, « la résidence doit être effective et présenter un caractère stable et permanent, coïncidant avec le centre des liens familiaux et des intérêts matérielsdu postulant ».

Textes applicables

• Articles 21-5 et suivants du code civil.

• Décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié par le décret n° 98-720 du 20 août 1998, J. O. du 21-08-98.

• Décrets n° 98-719 et 98-721 du 20 août 1998, J. O. du 21-08-98.

• Circulaire DPM n° 2000/254 du 12 mai 2000, à paraître au B. O. M. E. S.

• Circulaire DPM n° 2000/333 du 15 juin 2000, à paraître au B. O. M. E. S.

La stabilité de la résidence

Le titre de séjour

Le titre de séjour contribue à déterminer l'objet du séjour en France et permet une première analyse sur sa stabilité ou sa précarité.

D'une manière générale, selon la circulaire du 12 mai 2000, « les titres autorisant un long séjour sur notre sol (5 ou 10 ans) apportent uneprésomption forte de résidence en France ». En revanche, « la possession d'un titre de séjour d'un an doit être considéré comme un indice de précarité ». De même, le candidat titulaire d'un titre précaire tel qu'un visa touristique, un récépissé de demande de titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour, ne peut être naturalisé. Pour autant, tout possesseur d'un titre temporaire n'est pas systématiquement écarté. Ainsi, celui muni d'une carte de séjour avec mention étudiant-élève ne verra pas sa demande déclarée automatiquement irrecevable. La stabilité de la résidence peut en effet, ici, être établi par d'autres éléments du dossier. Tel est le cas de l'étudiant qui est pris en charge par ses parents installés de longue date en France ou qui exerce une activité rémunérée parallèlement à ses études, lui permettant de subvenir à ses besoins.

Autres éléments d'appréciation

Lorsqu'une personne effectue des allers-retours fréquents entre la France et l'étranger, « il y a lieu de s'interroger sur la stabilité de son établissement » (circulaire du 12 mai 2000). Les préfectures, qui doivent fournir un avis sur les demandes de naturalisation avant de les transmettre à l'administration centrale, peuvent, à cet égard, recueillir un certain nombre d'éléments en consultant les dossiers d'étrangers et le relevé des dates apposées sur les passeports ou autres titres de voyage. De même, la nature et les dates de délivrance des titres de séjour peuvent faciliter les recoupements nécessaires.

Le centre des attaches familiales

Le postulant doit avoir en France le centre de ses attaches familiales, c'est-à-dire, s'il n'est pas célibataire,son conjoint et ses enfants (2). Dans l'hypothèse où son conjoint, ou l'un de ses enfants, demeure à l'étranger, le demandeur doit en exposer les motifs par écrit.

La jurisprudence récente conduit à faire aujourd'hui une appréciation plus souple de la recevabilité en ce qui concerne les enfants naturels :la présence à l'étranger d'un ou plusieurs enfants naturels peut ne pas être un obstacle à la recevabilité de la demande, dès lors que l'intéressé a reconstitué une cellule familiale en France depuis plusieurs années(circulaire du 12 mai 2000).

Par ailleurs, selon l'administration, « le fait que le conjoint s'associe à la demande est un élément favorable au postulant ». Dans le cas contraire, le conjoint devra indiquer les motifs de son abstention.

Toujours selon la circulaire, l'existence d'un pacte civil de solidarité (PACS) (3) entre le postulant et une personne de nationalité française constitue un indice d'installation durable de l'intéressé en France.

Le centre des intérêts matériels

Le candidat doit disposer, en France, d'une source de revenus suffisants pour vivre. Elle peut être familiale ou professionnelle. Et provenir, par exemple, de revenus tirés de l'exercice d'une activité professionnelle, d'une pension de retraite ou d'un investissement en France générateur de revenus. Toutefois, dans certains cas, en l'absence de revenus ou lorsque ceux-ci sont faibles, la prise en charge du demandeur par un tiers ne fait pas obstacle à la naturalisation. Il en est ainsi plus particulièrement en cas de prise en charge par son conjoint ou un tiers ayant des liens juridiques avec lui (PACS, tutelle...) et qui réside habituellement en France. Il en est de même pour certaines personnes (étudiants, personnes âgées...) dont la famille réside durablement en France (circulaire du 12 mai 2000).

LA DURÉE DE RÉSIDENCE EN FRANCE

Le principe : l'obligation d'un stage de 5 ans

La naturalisation ne peut être accordée qu'à l'étranger justifiant d'une résidence habituelle en France pendant les 5 années qui précèdent le dépôt de la demande (art. 21-17 du c. civ.). La durée de résidence s'apprécie à compter de la date à laquelle la personne réside régulièrement en France (circulaire du 12 mai 2000).

Certaines absences temporaires du territoire, d'une durée inférieure à un an et motivées, sont généralement admises. Dans cette hypothèse, elles n'interrompent pas la durée du stage.

L'assimilation de résidence

Certains séjours hors de France peuvent, dans certaines circonstances, permettre à l'étranger qui souhaite être naturalisé de satisfaire à la condition de résidence habituelle en France(art. 21-26 du c. civ.). Tel est ainsi le cas du demandeur dont la présence hors de France se justifie par son appartenance à l'armée française. Il en est de même pour celui séjournant dans un des pays en union douanière avec la France désignés par décret. Enfin,  le postulant exerçant une activité professionnelle hors de France, mais pour le compte de l'Etat français ou d'un organisme dont l'activité présente un intérêt particulier pour l'économie ou la culture française, peut également voir son séjour à l'étranger assimilé à la résidence en France. Plusieurs conditions doivent cependant être réunies par l'intéressé (circulaire du 15 juin 2000) : il doit avoir exercé cette activité de manière permanente et à titre principal, et depuis au moins 5 ans. De plus, il doit satisfaire aux autres conditions de recevabilité pesant sur tout postulant à la naturalisation et fait lui aussi l'objet d'une appréciation en opportunité.

Les exceptions : réductions et dispenses de stage

Les réductions de stage

La durée de résidence habituelle en France peut être réduite à 2 ans (art. 21-18 du c. civ.) si l'étranger :

• a accompli avec succès 2 ans d'études supérieures en vue d'acquérir un diplôme délivré par une université ou un établissement d'enseignement supérieur français ;

• ou s'il a rendu ou peut rendre, par ses capacités et ses talents, des services importants à la France.

Les dispenses de stage

Certains étrangers peuvent être naturalisés sans condition de stage,  soit en raison de leurs liens familiaux ou particuliers avec la France, soit en raison de leur mérite. Tel est le cas (art. 21-19 et 21-20 du c. civ.) :

• de l'enfant mineur resté à l'étranger bien que l'un de ses parents ait acquis la nationalité française ;

• du conjoint et de l'enfant majeur d'une personne qui acquiert ou a acquis la nationalité française ;

• de l'étranger qui a effectivement accompli des services militaires dans l'armée française ou qui, en temps de guerre, a contracté un engagement volontaire dans les armées françaises ou alliées ;

• du ressortissant ou ancien ressortissant des territoires et Etats sur lesquels la France a exercé soit la souveraineté soit un protectorat, un mandat ou une tutelle ;

• de l'étranger qui a rendu des services exceptionnels à la France ou de celui dont la naturalisation présente pour la France un intérêt exceptionnel ;

• de l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié ;

• de la personne qui appartient à l'entité culturelle et linguistique française, lorsqu'elle est ressortissante des territoires ou Etats dont la langue officielle ou l'une des langues officielles est le français. Dans ce cas, il faut que le français soit sa langue maternelle ou qu'elle justifie d'une scolarisation minimale de 5 années dans un établissement enseignant dans cette langue.

L'assimilation à la communauté française

Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française(art. 21-24 du c. civ.), état de fait qui s'apprécie « à partir d'un faisceau d'indices tangibles et convergents » (circulaire du 12 mai 2000). Cette assimilation est vérifiée lors d'un entretien individuel du demandeur avec un agent de la préfecture, qui établit un procès-verbal. Deux éléments entrent ainsi en ligne de compte l'assimilation linguistique et celle aux us et coutumes.

L'ASSIMILATION LINGUISTIQUE

L'étranger dont la connaissance du français est nulle ou qui ne maîtrise pas assez la langue pour répondre aux nécessités de la vie quotidienne est considéré comme insuffisamment assimilé. Cette connaissance est évaluée en tenant compte de saqualification (et notamment du degré d'instruction reçue dans le pays d'origine), de sa situation sociale ainsi que de ses possibilités de progrès rapides découlant d'un environnement favorable (enfants scolarisés, milieu francophone, cours de langue française...).

Cette appréciation doit, de plus, être complétée par des éléments sur l'intégration sociale et culturelle ainsi que sur le mode de vie du demandeur. L'exigence d'assimilation linguistique est, en fait, modulée selon la condition du demandeur. Ainsi, certaines situations (ancien combattant, personne âgée ou réfugiée par exemple) font l'objet d'un « examen bienveillant » (circulaire du 12 mai 2000).

L'ASSIMILATION AUX US ET COUTUMES

L'appréciation de l'assimilation aux us et coutumes consiste à s'assurer que le mode de vie du postulant ne contrevient pas radicalement aux principes qui gouvernent la société française, par exemple celui de la monogamie. Ainsi, la possibilité que l'intéressé soit marié sous un régime de droit autorisant la polygamie ne permet pas à elle seule de conclure à un défaut d'assimilation, alors que lapolygamie effective, caractérisée par l'existence de plusieurs unions simultanées, traduit un grave défaut d'intégration motivant une décision d'irrecevabilité (circulaire du 12 mai 2000). Les préfectures peuvent, par ailleurs, demander à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) qu'une enquête sociale soit diligentée, en ayant recours, le cas échéant, à un assistant social du service social d'aide aux émigrants.

S'agissant des tenues vestimentaires et, plus précisément, du port du foulard pour les musulmanes, la circulaire demande notamment aux préfectures de veiller à leur faire préciser la signification accordée à ce signe.

La moralité

Aux termes de l'article 21-23 du code civil, pour être naturalisé, un demandeur doit non seulement être de bonne vie et mœurs, mais encore ne pas faire l'objet de l'une des condamnations mentionnées à l'article 21-27 du code civil.

La réintégration

Comme la naturalisation, la réintégration est un mode d'acquisition de la nationalité par décret. Considérée elle aussi comme une faveur de l'administration et non un droit, elle concerne les personnes qui ont perdu la nationalité française et qui souhaitent la recouvrer. Elle partage avec la naturalisation des règles communes, à deux exceptions près touchant aux conditions de recevabilité de la demande : la réintégration peut ainsi être demandée à tout âge (même par l'enfant mineur, qui devra alors être représenté s'il a moins de 16 ans). Par ailleurs, elle ne connaît pas d'obligation de stage.

LA CONDITION DE BONNE VIE ET MœURS

L'appréciation de cette condition, pouvant être fondée sur des faits indépendamment d'une éventuelle condamnation, donne lieu à une enquête préfectorale. Elle doit permettre de déterminer si le comportement du postulant à l'égard des institutions françaises est loyal. L'intérêt porté à son pays d'origine par le demandeur ne remet pas, par lui-même, en cause cette loyauté, à la condition qu'il n'attente aux intérêts fondamentaux de la nation. En outre, la participation à des troubles à l'ordre public ou l'appartenance à des mouvements recourant à la violence contre les institutions du pays d'origine doivent être mentionnées.

Un comportement civique est également exigé du postulant. Il sera vérifié, par exemple, qu'il ne s'est pas soustrait systématiquement ou gravement à ses obligations fiscales.

La notion de bonne vie et mœurs dépasse le cadre strict des condamnations pénales. Elle couvre l'ensemble des comportements relatifs aux règles de la vie en société. Cependant, en tout état de cause, l'irrecevabilité pour absence de bonne vie et mœurs, au titre de l'article 21-23 du code civil, ne peut être prononcée que pour des faits suffisamment graves et parfaitement établis (circulaire du 12 mai 2000).

L'ABSENCE DE CONDAMNATIONS

L'existence de l'une des condamnations visées à l'article 21-27 du code civil empêche l'acquisition de la nationalité française.

Les condamnations pénales

Sont visées :

• les condamnations pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de terrorisme ;

• celles à une peine égale ou supérieure à 6 mois d'emprisonnement ferme, quelle que soit l'infraction considérée.

Les autres condamnations

Constituent également des empêchements à la naturalisation :

• un arrêté d'expulsion non expressément rapporté ou abrogé ou une interdiction du territoire français non entièrement exécutée ;

• le séjour irrégulier en France.

L'état de santé

L'état de santé du postulant, bien que n'étant pas une condition de recevabilité de la demande de naturalisation, fait l'objet d'un contrôle.

A la lecture des textes, il semble que ce contrôle n'ait principalement d'incidences que dans le cas où le postulant est atteint d'une déficience particulière ou d'un handicap manifeste. Les préfectures doivent en effet, dans cette hypothèse, s'assurer de lamanifestation consciente de sa volonté. Si l'intéressé est hors d'état d'exprimer sa volonté à la suite d'une altération mentale ou corporelle, il devra faire l'objet d'une représentation légale. Par ailleurs, dans le cas où sa situation a fait l'objet d'une évaluation et d'une reconnaissance par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (Cotorep), les résultats devront apparaître dans le dossier de demande de naturalisation (circulaire du 12 mai 2000).

En fait, en dehors de cette situation particulière, l'état de santé n'a pas de réels effets sur l'appréciation de la recevabilité d'une demande de naturalisation. Il peut en revanche être pris en compte par le ministre dans le cadre de son contrôle « en opportunité » .

La procédure d'instruction du dossier

Le dossier est constitué auprès de la préfecture (ou du consulat de France, pour l'étranger résidant hors du territoire français) du domicile du postulant. Lorsqu'il est déclaré complet, il est transmis, à la sous-direction des naturalisations.

Le dépôt de la demande

L'AUTORITÉ COMPÉTENTE

Si l'autorité compétente pour recevoir et traiter la demande est le ministre chargé des naturalisations, celle pour traiter de manière concrète le dossier et procéder à l'ensemble des actes et investigations prévues par la loi est la préfecture du lieu où l'étranger a établi sa résidence effective. C'est là que doit être retiré le formulaire de demande de naturalisation (4).

Les agents chargés de l'accueil « ne doivent pas se contenter de remettre le formulaire de demande accompagné de la notice d'information », mais doivent « apporter une aide à la constitution du dossier » (circulaire du 12 mai 2000). En effet, l'objectif est d'éviter que le postulant n'ait à venir plusieurs fois en préfecture ou que son dossier ne lui soit renvoyé parce qu'incomplet.

LES PIÈCES À FOURNIR

Une fois le dossier retiré, il doit être complété et remis à la préfecture avec toutes les pièces justificatives nécessaires, notamment concernant l'état civil de l'intéressé.

Le postulant lié par un pacte civil de solidarité peut s'en prévaloir, puisqu'il s'agit d'un indice de son installation durable en France. Il doit, dans ce cas, produire une attestation, qu'il peut retirer au greffe du tribunal d'instance de son lieu de naissance ou du tribunal de grande instance de Paris en cas de naissance à l'étranger.

Par ailleurs, l'acquisition de la nationalité française n'étant pas possible si le demandeur est en situation irrégulière sur le territoire français, un titre de séjour en cours de validité doit être également fourni dans le dossier, sous peine de classement sans suite.

L'étranger dispose d'un délai de 6 moispour déposer la totalité des pièces nécessaires à l'examen de la demande. Tout dossier incomplet lui est renvoyé, par voie postale, accompagné de la liste des pièces manquantes. Il en résulte que les dossiers incomplets n'étant plus acceptés, le classement sans suite visé par le décret du 30 décembre 1993 « est appelé à perdre de son intérêt » (circulaire du 12 mai 2000).

LE RÉCÉPISSÉ DE DÉPÔT DE LA DEMANDE

Lorsqu'un dossier complet a été déposé, la préfecture compétente délivre à l'intéressé un récépissé. C'est à compter de sa remise que court le délai de 18 mois d'instruction des demandes de naturalisation instauré par l'article 21-25-1 nouveau du code civil.

La constitution du dossier

LES ENQUÊTES ET L'ENTRETIEN INDIVIDUEL

Une fois en possession des documents remis par le demandeur, les préfectures procèdent à la constitution du dossier et le complètent, en faisant réaliser toutes les enquêtes nécessaires auprès des services de police ou de gendarmerie. Ces dernières visent notamment à recueillir les éléments nécessaires pour apprécier la condition de recevabilité liée à la moralitéde l'intéressé . C'est également à ce stade de la procédure que les préfectures recueillent toute information utile concernant les autres conditions de recevabilité. Un entretien individuel doit ainsi impérativement être réalisé pour évaluer l'assimilation à la communauté française. Pour que la décision du ministre se fonde sur des données aussi récentes que possible, le procès-verbal constatant cette assimilation doit être établi peu de temps avant l'envoi du dossier à l'administration centrale (circulaire du 12 mai 2000).

LA NOTICE DE RENSEIGNEMENTS ET L'AVIS PRÉFECTORAL

Une fois tous les éléments d'information réunis, l'entretien réalisé et le procès-verbal d'assimilation dressé, la préfecture établit une notice de renseignements. C'est un récapitulatif général, qui ne doit contenir que des renseignements ou des éléments vérifiés par les enquêtes. Il constitue en outre une analyse de la situation administrative, familiale et sociale du postulant. Il est formellement interdit decommuniquer la notice au postulant ou à un tiers, étant entendu que cette interdiction ne pèse pas sur les autres éléments du dossier. En effet, le principe de libre accès, pour les étrangers qui les déposent, aux documents administratifs de nationalité les concernant (loi du 16 mars 1998, art.26) doit pouvoir s'appliquer. Exceptionnellement, pour se faire communiquer de telles pièces, l'intéressé doit s'adresser, non pas à la préfecture mais à l'administration centrale.

L'émission d'un avis par la préfecture constitue la dernière étape avant la transmission à l'administration centrale. Il porte en principe uniquement sur les critères de recevabilité définis par les textes, mais sa motivation peut s'inspirer des orientations relatives à l'appréciation de la demande par l'administration centrale et définies par la circulaire du 12 mai 2000. Cette motivation doit apparaître d'autant plus clairement en cas de conclusion défavorable.

Pour la direction de la population et des migrations, l'argumentation comme la qualité « influent fortement sur la décision finale ».

La transmission du dossier à l'administration centrale

Le dossier doit être transmis à la sous-direction des naturalisations dans un délai de 6 mois suivant la délivrance du récépissé de son dépôt.

L'examen du dossier par le ministre chargé des naturalisations

La sous-direction des naturalisations peut procéder à tout complément d'enquête qu'il juge utile. Il peut notamment faire procéder à un examen médical du postulant par un médecin désigné par le préfet.

En effet, si le bon état de santé n'est pas une condition de recevabilité de la demande, la jurisprudence admet qu'il soit pris en compte par le ministre dans le cadre de son appréciation en opportunité de la naturalisation.

Le processus de décision se caractérise par un double examen de la demande :

• en recevabilité tout d'abord, la sous direction des naturalisations vérifiant si les conditions fixées par le code civil sont remplies ;

• en opportunité ensuite, l'administration appréciant l'intérêt pour la France d'accueillir ou non la demande.

La circulaire du 12 mai 2000 donne un éclairage sur la politique suivie par le gouvernement en matière de naturalisation. Se voulant à la fois « ouverte et sélective », elle ne comporte ainsi ni objectifs quantitatifs, ni quota, ni critère préférentiel ou discriminant fondés sur l'origine des postulants. « Seules sont prises en compte, pour chaque décision, les caractéristiques individuelles de chaque candidature » au regard de la loi, des principes exposés par la circulaire précitée et de tous les autres éléments « de nature à permettre d'apprécier l'intérêt pour la France de chaque naturalisation ». Le texte souligne également la nécessité de « préserver l'unité des familles, en évitant autant que possible que les membres d'une même famille possèdent des nationalités différentes » (5).

Procédure allégée

Si au cours de la phase de constitution du dossier, il apparaît que la demande est manifestement irrecevable pour un motif lié à l'absence de résidence du requérant en France, au défaut d'assimilation ou à l'existence d'une condamnation pénale, une procédure allégée d'instruction est prévue. Le dossier est transmis en l'état, avec l'avis préfectoral, à l'administration centrale, qui statue immédiatement sur la demande.
Si l'avis ne lui semble pas pouvoir être suivi ou si le motif d'irrecevabilité vient à disparaître, la préfecture concernée doit reprendre la constitution et l'examen du dossier selon la procédure normale.

La décision du ministre

La durée de la phase d'examen de la demande par le ministre étant plus ou moins longue selon les dossiers et les compléments d'enquêtes effectués, la loi du 16 mars 1998 a introduit un délai maximal de18 mois à compter de la délivrance, au candidat, du récépissé constatant la remise du dossier complet. Il court jusqu'à la réponse de l'administration, c'est-à-dire, si la décision est favorable, jusqu'à l'envoi de « l'avis favorable de principe » et, si elle ne l'est pas, jusqu'à la date de sa notification par la préfecture (et non la date de la décision du ministre). Ce délai peut être prolongé une seule fois de 3 mois par décision motivée. Au maximum, le délai d'instruction peut donc aller jusqu'à 21 mois.

La demande est irrecevable

Si les conditions requises par la loi ne sont pas remplies, le ministre déclare la demande irrecevable. Cette décision doit être motivéeet comporter les éléments de fait et de droit qui la justifient. Elle est notifiée par la préfecture.

L'intéressé peut déposer une nouvelle demande si les motifs de l'irrecevabilité disparaissent. Auquel cas il doit apporter la preuve de cette disparition. La suite de la procédure dépend ensuite de la date de la décision initiale d'irrecevabilité (circulaire du 12 mai 2000) :

• si elle date de plus de 18 mois et si le préfet estime que les motifs d'irrecevabilité ont effectivement disparu, l'intéressé doit déposer un nouveau dossier ;

• si elle a été prise depuismoins de 18 mois, le préfet doit préalablement saisir le ministre chargé des naturalisations et lui communiquer les éléments nouveaux. Si ces derniers justifient la modification de la décision initiale, le ministre demande au préfet d'actualiser le dossier.

La demande est recevable

Dans ce cas, le ministre chargé des naturalisations peut soit rejeter la demande, soit l'ajourner, soit proposer la demande de naturalisation.

LE REJET DE LA DEMANDE

La décision de rejet doit êtremotivée (art. 27 du c. civ.) par écrit, en indiquant les éléments de fait et de droit qui la fondent.

L'octroi de la naturalisation étant considéré, par la jurisprudence, comme une faveur, la décision défavorable ne peut être attaquée que pour erreur de droit ou erreur manifeste d'appréciation.

Elle n'empêche pas le postulant de réitérer sa demande au préfet, s'il peut se prévaloir d'éléments susceptibles de faire apparaître une modification de sa situation. Dans ce cas, le préfet la transmet directement au ministre, sans constitution de dossier, mais avec un avis motivé portant sur la suite qu'il convient de donner (circulaire du 12 mai 2000).

Par ailleurs, lorsqu'une décision est clairement illégale du fait d'une nouvelle jurisprudence ou en cas d'annulation de la décision par la juridiction administrative, celle-ci est retirée et il est demandé aux services de la préfecture de procéder à une actualisation du dossier.

L'AJOURNEMENT DE LA DEMANDE

Le ministre peut décider d'ajourner la demande en imposant un délai de 1 à 2 ans pour permettre au postulant une meilleure assimilation à la communauté française. Une fois le délai expiré ou les conditions réalisées, et seulement à ce moment, l'étranger peut formuler une nouvelle demande. Toute la procédure doit alors être recommencée.

LA DÉCISION FAVORABLE DU MINISTRE

En cas de suite favorable, un décret, pris par le Premier ministre sur le rapport et avec le contreseing du ministre chargé des naturalisations est publié au Journal officiel. Il prend effet à la date de sa signature. L'intéressé est informé directement par le préfet, en recevant un avis favorable de principe. Il doit alors s'acquitter des droits de sceau, étant entendu qu'aucun demandeur ne peut être inscrit dans un décret avant le paiement de ces droits et la reconstitution des actes de l'état civil par les officiers du service central de l'état civil.

Le préfet remet ensuite à l'intéressé, au cours d'une cérémonie simple, un livret de nationalité qui comporte :

• une ampliation, c'est-à-dire une copie du décret de naturalisation ;

• une lettre d'accueil dans la citoyenneté française signée du président de la République ;

• les actes d'état civil établis par le service central de l'état civil pour les personnes nées à l'étranger ;

• un livret d'information sur quelques règles d'état civil, les droits et devoirs attachés à la qualité de citoyen français, les grandes lignes de l'organisation politique et administrative de la France.
A noter : le décret de naturalisation peut être retiré, sur avis conforme du Conseil d'Etat, si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ou si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude.

Olivier Songoro

Effets sur les enfants mineurs du demandeur

Les enfants mineurs acquièrent, de plein droit, la nationalité française en même temps que leurs parents, sous réserve de remplir deux conditions cumulatives(art. 22-1 du c. civ.) :

• d'une part, l'enfant mineur doit avoir sa résidence habituelle chez le parent acquérant, même s'il n'y vit pas continuellement du fait, par exemple, de l'accomplissement de sa scolarité en un lieu éloigné ou d'une résidence alternée ;

• d'autre part, son nom doit figurer au décret de naturalisation.
De plus, en constituant son dossier, le demandeur aura dû justifier par tous moyens de la résidence régulière et habituelle de l'enfant.

Notes

(1) Voir ASH n° 2082 du 28-08-98.

(2) L'absence de France de certains membres de la famille, comme les ascendants ou les frères et sœurs ne constitue pas une cause d'irrecevabilité de la demande.

(3) Voir ASH n° 2142 du 19-11-99.

(4) Exceptionnellement, si le postulant réside à l'étranger, il doit s'adresser à l'autorité consulaire.

(5) Toutefois, la non-association du conjoint à la demande du postulant ne suffit pas, à elle seule, à motiver une décision défavorable.

LES POLITIQUES SOCIALES

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