Le 22 juin, le jour même où l'Assemblée nationale adoptait le projet de loi de Louis Besson obligeant les communes à construire des aires d'accueil pour les gens du voyage (1), le GISTI, la Ligue des droits de l'Homme et l'Association pour l'accueil des gens du voyage (2) annonçaient leur intention de demander au Conseil d'Etat d'annuler un autre texte gouvernemental, émanant cette fois du ministère de l'Intérieur. Dans une circulaire datée du 3 août 1999 (3), celui-ci demande en effet aux préfets de « refuser les attestations de domicile émanant d'associations, qui seraient produites par les gens du voyage ». Au motif qu'ils relèvent de la loi du 3 janvier 1969 prévoyant leur rattachement à une commune. Autrement dit, ils ne peuvent produire une attestation émanant d'une association ou d'un organisme d'accueil à l'appui d'une demande de délivrance de pièces administratives (carte nationale d'identité et inscription sur la liste électorale) ou pour l'exercice de leurs droits sociaux. Outre qu'elle est contraire à la loi du 1erdécembre 1988, qui permet expressément la domiciliation des gens du voyage au sein d'associations dans le cadre du RMI, et à la loi contre les exclusions, cette circulaire porte atteinte à la liberté d'aller et venir et au principe d'égalité entre les administrés, estiment les associations. Sans compter que cette possibilité de domiciliation au sein des associations agréées est bien souvent « la seule adresse dont les personnes itinérantes ou semi-sédentaires disposent pour faire envoyer leur courrier », expliquent- elles. Ajoutant que cela leur permet également d'être accompagnées dans leurs démarches administratives et d'avoir un suivi social.
Mais au-delà de cette « tendance à la sédentarisation de ces publics [...], parfois au mépris des droits fondamentaux », les associations mettent en évidence les incohérences de la politique gouvernementale à l'égard des gens du voyage, prise en tenaille entre les impératifs d'ordre public et d'action sociale. A plusieurs reprises déjà, Martine Aubry n'avait pas hésité à contredire les positions du ministère de l'Intérieur. Par exemple, dans un courrier adressé le 15 décembre dernier aux associations, elle précisait que la commune de rattachement « n'est pas légalement opposable pour la domiciliation au regard du RMI, la liberté de choix étant laissée aux intéressés ». Elle vient même d'aller plus loin en proposant, dans le cadre du projet de loi de modernisation sociale, d'instituer « un cadre légal à la domiciliation des gens du voyage auprès des centres communaux ou intercommunaux d'action sociale et des associations agréées par le préfet en ce qui concerne les prestations auxquelles ils ont droit, notamment le revenu minimum d'insertion, les prestations familiales et l'assurance maladie » (4). Reste qu'en attendant, les administrations sont invitées à suivre « les recommandations » du ministre de l'Intérieur.
(1) Voir ce numéro.
(2) C/o GISTI : 3, villa Marcès - 75011 Paris - Tél. 01 43 14 84 84.
(3) Voir ASH n° 2144 du 3-12-99.
(4) Voir ASH n° 2168 du 26-05-00.