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...Nicole Le Guennec, sur les destructions de HLM

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Les démolitions-spectacles de « barres de béton » s'accélèrent, conformément à l'objectif du gouvernement de détruire 3 % du parc de logements sociaux d'ici à dix ans. Une politique qui soulève l'opposition de certaines associations, dont Droit au logement. Nicole Le Guennec, sociologue spécialiste des banlieues (1), se joint à ces critiques.

Selon les partisans de leur destruction, ces « barres » seraient à l'origine de la « ghettoïsation » des banlieues et de « l'insécurité » qui y règne. Qu'en pensez-vous ?

Aujourd'hui, ceux qui reprochent aux grands ensembles d'être des ghettos sont les mêmes qui les ont créés et, du même coup, ont fait violence aux catégories modestes de la population en les installant dans cet habitat. Mais le béton ne crée pas de ghetto à lui seul, ce dernier est avant tout social. Dans les années 60, les ingénieurs des Ponts et Chaussées ont construit ces immeubles dans un souci d'hygiène et de modernité, mais sans demander l'avis des personnes auxquelles ils étaient destinés. Or ces habitants, qui rêvaient de petites maisons avec jardin, se sont retrouvés dans des appartements où ils ne pouvaient installer ni l'armoire de leur grand-mère ni de tringles à rideaux. Cette vision très technocratique de l'architecture suscitait déjà, à l'époque, de nombreuses critiques : certes, les locataires disposaient de l'eau chaude, mais ils se sentaient désœuvrés dans des quartiers mal desservis par les transports et peu commerçants. A la fin des années 70, l'obsolescence du bâti a été dénoncée, et pour réparer les fissures, on a réhabilité... mais seulement les façades ! A l'intérieur des appartements, on laisse les familles se débrouiller avec leur lavabo descellé.

Justement, n'est-il pas opportun de détruire ces habitations de mauvaise qualité ?

Cette politique de destruction généralisée me semble précipitée. Les habitants ont passé toute leur enfance dans ces barres, ils ont investi leur appartement et créé une vie sociale très riche. Pour la plupart, ils regrettent la disparition de leur lieu de vie. De plus, on ne leur demande pas leur avis. Les « consultations », en réalité, consistent à réunir les habitants dans des ateliers d'urbanisme, pour leur présenter des plans et des chiffres auxquels personne ne comprend rien. Quant à la politique sociale qui doit accompagner ces destructions, elle n'est pas non plus toujours réalisée. Quand les familles ne sont pas relogées dans des immeubles en aussi piteux état que celui qu'on vient de détruire, elles s'installent chez leurs voisins dans du provisoire qui dure. Ainsi, l'association d'urbanistes Arcadie, à Mantes-la-Jolie, a constaté une suroccupation des appartements proches de l'immeuble disparu. Sans compter, comme à Saint-Denis, que la barre détruite il y a deux ans a laissé place à un immense trou rempli de gravats ! Finalement, la politique de destruction systématique revient à faire disparaître de notre vue ces populations pauvres, à les éparpiller comme on disperserait une manifestation.

Alors, que proposez-vous ?

Ces démolitions systématiques, à part détruire le symbole de ce qui serait à l'origine des ghettos, n'ont aucun sens. Sauf si elles sont accompagnées d'une politique sociale sérieuse, d'un relogement dans des lieux décents, correspondant à la demande des familles. Mieux vaudrait examiner au cas par cas et réhabiliter quand c'est possible, en accord avec les habitants. Ils ont plein d'idées, mais encore faut-il que les urbanistes évoluent et cessent de les considérer comme incompétents. L'aménagement d'espaces verts à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) ou celui d'un immeuble de Le Corbusier à Marseille démontrent qu'une réhabilitation peut être réussie sans forcément nécessiter de grandes dépenses. A Marseille, par exemple, des classes moyennes sont venues habiter dans cette cité rénovée. L'Etat prône aujourd'hui la mixité sociale. Si on veut qu'elle ne reste pas dans les textes, on pourrait aménager cette mixité à l'intérieur des grands ensembles.

Propos recueillis par Paule Dandoy

Notes

(1)  Notamment coauteur du rapport de la mission sur les violences urbaines - Voir ASH n° 2070 du 8 -05-98.

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